S’aimer corps et âme

Par Johane Filiatrault – Le 28 janvier 2003

Il existe plusieurs définitions du mot «aimer».  Trop peut-être: on finit par être tout mêlés dans les sentiments qui s’emmêlent sous cette définition…  On peut aimer une voiture, et décider de l’acheter pour pouvoir l’utiliser à sa guise.  On peut aimer les chocolats, et vider la bonbonnière sans partage.  On peut aimer l’émotion amoureuse que fait naître en nous une personne qui nous attire.

Dans tous ces cas, amour rime avec plaisir… et rimera bientôt avec responsabilité.  On devra payer les frais d’assurance et de plaques de la nouvelle voiture, veiller à la conduire prudemment et assumer les frais d’entretien mécanique.  Dans le cas des chocolats, on devra assumer les effets désagréables de notre gourmandise,  peut-être avoir à gérer un excès de poids qui nous gêne et aussi endurer les protestations de ceux qui auraient bien aimer les goûter, ces friandises!  La plupart des gens sont à l’aise avec la phase 1 de l’amour  (le plaisir).  Pas mal moins le sont avec la phase 2  (la responsabilité).  (Je sais de quoi je parle puisque je fais partie d’une génération qui n’a pas été beaucoup éduquée à la responsabilité!)   N’avons nous pas tendance à être, en tout et partout, des consommateurs, en amour comme en toutes choses?  On n’a pourtant pas besoin d’être un grand spécialiste pour constater que la pulsion « consommation » est insatiable.  Le feeling agréable que nous procure l’acquisition d’un nouveau bien ou l’expérimentation d’une nouvelle sensation agréable est habituellement très passager, pour ne pas dire fugace, et cède vite la place à la désagréable impression de vide qui nous poursuit et nous rattrape.  Le consommateur doit alors repartir en quête de consommation, encore et toujours.  Gouffre sans fond…  Le bonheur est ailleurs.

Aimer l’émotion amoureuse que fait naître en nous une personne est une chose; aimer cette personne en est une autre.  Aimer, c’est d’abord l’action de s’émerveiller de ce qu’est l’autre, admirer ses qualités, ses richesses d’être et tous ses attraits physiques ou psychologiques.  Aimer nous mènera ensuite… à nous buter sur les limites de l’autre, tout ce qu’il n’est pas ou ce qu’il n’a pas.  C’est là l’épreuve à traverser, une sorte de passage étroit où l’amour se purifie et s’affine.  C’est à partir de là qu’aimer est un choix, une décision mature et épanouissante pour les deux partenaires.  C’est à partir de là qu’on commence à écrire une histoire d’amour qui dure.

«L’amour est un tournoi où tombent tour à tour les guerriers maladroits noyés dans la bravoure» chante Richard Desjardins   Il y a ceux qui n’étaient pas faits l’un pour l’autre : l’épreuve marquera la fin de l’histoire (tant mieux!).  Fin de l’histoire aussi  pour ceux qui ne veulent pas s’y investir (tant pis!).  Mais il y a les braves qui, pour ne pas sombrer dans la tempête, s’accrocheront très fort à la beauté de leur histoire d’amour… et qui remporteront le tournoi à force d’oubli de soi et de souci de l’autre.  Les guerriers maladroits consommeront tour à tour des amourettes sans lendemain tandis que nos vainqueurs vieilliront tranquillement côte à côte dans cette assurance et ce repos que procure un amour vrai.  «Oui mais au prix de perdre l’intensité physique des nouvelles amours», objecterez-vous.  Allez-y voir!  Comme si le fait de toujours faire l’amour à la personne qu’on aime pouvait s’affadir avec le temps!   La recette assurée pour entretenir très vive la passion des conjoints?… Savoir user de son imagination !!!   Aussi, ne pas s’inquiéter outre mesure des hauts et des bas du désir : ça reviendra! (Nous formons un couple qui avance dans la cinquantaine et nos rencontres sexuelles sont toujours plus riches, plus belles, plus comblantes). Rester tendre et attentionné, se parler en vérité et chercher l’épanouissement humain et social de l’autre :  seule recette qui nous mènera à pouvoir goûter et savourer toutes les subtiles nuances des deux mots les plus merveilleux de la langue française :  faire l’amour.  (à suivre)

S’aimer corps et âme

Par Johane Filiatrault – Le 17 janvier 2003

« Les papas que je connais décrocheraient la lune pour leurs enfants s’ils le pouvaient.  Mais en réalité, quel est le plus beau cadeau qu’on puisse faire à ses enfants?  C’est de beaucoup aimer leur mère ».*1

J’ajouterais : quel est le plus beau cadeau qu’un homme peut se faire à lui-même?  C’est de chérir tendrement la femme à laquelle il a choisi de lier son destin… parce qu’une femme aimée demeurera une femme aimante et qu’il sera, lui, le premier bénéficiaire du retour d’amour de sa compagne.  La femme est dotée d’un merveilleux charisme : celui «de pouvoir transformer la tendresse conjugale intime en amour familial généreux et vital pour chacun des siens».*2    Et le charisme de l’homme, lui, quel est-il?  Celui de la fidélité… parce qu’il est moins le jouet de ses émotions que le sont, en général, les femmes; et donc plus capable de s’investir avec constance dans le lien d’amour avec sa conjointe.  Encore faut-il qu’il y emploie toute sa volonté et son énergie, plutôt que de papillonner sans fin d’une femme à l’autre à la recherche de l’extase suprême.  Extase qu’il ne pourra trouver qu’en s’attachant à l’une d’entre elle de tout son cœur et de tout son corps.

Les gens heureux ont une histoire, et c’est toujours une histoire d’amour vrai qui dure.  Cela, chacun le pressent en lui-même… On n’a qu’à consulter les statistiques pour s’en convaincre : les jeunes québécois classent encore bons premiers, dans leur top list des valeurs, le couple, les enfants, la famille.  Pour arriver à ce bonheur, une seule recette fonctionne encore : le don de soi total et sans retour pour s’investir chaque jour à faire le bonheur de l’autre (ce que les femmes font souvent trop spontanément, et les hommes, pas assez!).

Ce qu’une épouse peut représenter dans la vie de son homme?  Voici ce qu’en dit un Inuit :

«Angnatsiaq est l’état d’esprit quand tu penses profondément à une femme.  Non, ce n’est pas penser à lui faire l’amour ni à ses attraits terrestres.  C’est penser à elle en tant que la partie belle et tout à fait essentielle de ta vie.  Son odeur, son toucher, sa voix, son mouvement et sa présence sont aussi importants pour toi que ta propre respiration.  Elle est sans âge.  Vous assurez l’un et l’autre votre survie et, au fond de ton cœur, tu sais que vous allez voyager ensemble pour toujours.  Elle est l’unique partie de ton être qui te manquait et qui a fait de toi une personne entière.  Chaque lever de soleil naît dans ses yeux.»*3

Ce qu’un époux peut représenter dans la vie de sa femme?

Il est l’amant dont j’ai rêvé : il sait si bien me parler d’amour et m’envelopper de tendresse et d’attention.  Il est mon frère, le compagnon dont la présence me réjouit et m’apaise, l’ami en qui je me retrouve, le seul dont le cœur puisse contenir le mien.  Il est le roc sur lequel je m’appuie, l’époux fidèle sur qui je peux bâtir ma vie, le père de mes enfants qui nous guide et nous rassure.  Ses yeux sont un fleuve où je me noie…Mon bonheur a un nom : le sien.  A travers vents et marées, nos vies se sont liées.  Vivre sans lui, comment le pourrais-je?  Nous séparer, c’est m’arracher mon souffle.  Il est l’air que respire mon âme, aussi nécessaire à mon bonheur que l’eau dont je m’abreuve.

À suivre…

*1 :  Jean-Robert Gauthier, dans le NIC, 22 déc. 2002, p. 17

*2 :  Idem

*3 :  Un ancien, cité par Norman Hallendy, Inuksuit, Toronto, Douglas & McIntyre,  2000, p.85