«Qui aime bien châtie bien»

Par Johane Filiatrault – Le 16 avril 2003

J’aime profondément mes enfants, chacun à sa manière : unique.  Ils ont pourtant eu droit, chacun à son temps, à quelques 2 ou 3 tapes sur les fesses bien méritées et, pour ce qui est des ados, à un soufflet à l’occasion.  Ils ont droit d’exprimer leur point de vue…  Mais jamais je n’ai toléré chez les plus petits de désobéissance ouverte après  2 ou 3 avertissements, et chez les plus grands, il ne sera jamais admis qu’ils me parlent avec mépris ou impertinence.  Ils sont par ailleurs, à ce qu’on en dit, plutôt respectueux, sociables et aimables.

Je n’ai jamais trouvé agréable d’avoir à en arriver là : ça me heurte au moins autant qu’eux d’avoir à les punir physiquement, mais c’est selon moi un mal pour un bien, voire même un mal nécessaire et incontournable.  Oui, en la personne de notre enfant, nous avons reçu un cadeau merveilleux, mais, du même coup, une responsabilité à la taille du cadeau qui nous a été fait : la charge d’amener cet enfant à devenir un adulte aimable et capable de respect et de don.  Pour en arriver là, il n’y a qu’un seul moyen possible : s’engager chaque jour à encourager le bien chez l’enfant et à décourager ses tendances négatives.  Ce qui est mauvais doit être repris, réprimandé, voire puni.  Qu’est-ce qui est mauvais?  Consommer trop de quoi que ce soit (nourriture, boisson, ordi, etc.); vouloir tout prendre pour soi sans partage; frapper, blesser ou dénigrer verbalement l’autre; désirer prendre ou posséder ce qui appartient à un autre; se considérer supérieur et traiter les autres avec mépris; refuser ou contourner l’effort par paresse; être incapable de différer un plaisir et vouloir jouir de tout à sa guise.

Il est plus difficile de dire non à un enfant que de céder à ses caprices.  Un parent qui cède aux caprices de son enfant ne démontre pas de l’amour  mais manifeste son manque de volonté à s’engager pour le bien de son enfant.  Un enfant qui pleure ou qui rage parce qu’on n’a pas cédé à son caprice est en train de mourir à lui-même; il dépasse son égocentrisme naturel pour s’ouvrir à l’autre, à l’amour de l’autre.  Vous voulez lui éviter les larmes à tout prix?  Réalisez-vous que vous êtes en train de le plonger dans l’enfer de l’égoïsme, et qu’il sera, en vieillissant, de moins en moins aimable et aimant?  Le petit ange reçu au berceau deviendra au fil des années un petit monstre terrible, malheureux et incapable de mener harmonieusement son existence.

S’il vous plaît! Lorsque nécessaire, tapez lui les fesses modérément, sans remord de conscience (surtout entre 2 et 6 ans où l’enfant ne comprend parfois que par ce type de raisonnement!).  Plus vieux, avec l’âge de raison (±7 ans), on pourra raffiner le genre d’intervention.  L’arrêt d’agir reste le moyen le plus efficace : obliger l’enfant à s’asseoir pour réfléchir à ses attitudes envers les autres.  Il arrive qu’à l’adolescence, le jeune perde momentanément sa capacité de raisonnement, submergé qu’il est par ses émotions… d’où la possibilité d’avoir à intervenir physiquement.

Mes trois plus vieux ont eu à goûter un remède plus sévère : ils ont eu droit chacun à un 24 heures de réflexion dans leur chambre.  Ils y prenaient, seuls, leur repas, n’avaient droit qu’à une musique douce, pas d’ordinateur, une lecture de réflexion, et devaient réfléchir à leur comportement inadéquat (mensonge, arrogance ou désobéissance à répétition, par exemple).  C’a été remarquablement efficace dans les trois cas.

L’être humain n’est heureux que quand il donne son maximum.  Poussez votre enfant au dépassement (je ne parle pas ici que de résultats scolaires mais d’apprentissage à l’amour)!  Ne vous contentez pas de médiocrité!  Aimez-le avec force et sans compromis.

Mots d’enfant

David, 4 ans se désole devant son assiette de bœuf, qu’il n’aime pas (l’animal a été récemment abattu par son père) : «On dirait que papa a oublié d’enlever les poumons.»

À un autre moment, il regarde dans la bouche de sa mère et y voit des plombages : «Ah! Toi aussi t’as des dentistes dans ta bouche!»

De la maison, Mikaël, 3 ans, montre à travers la fenêtre la voiture familiale stationnée devant la porte : «C’est une auto téléguidée, hein?»  Sa mère le regarde, éberluée, sans rien dire.  Mikaël : «Oui, regarde, y’a une antenne dessus!»

Être mère

Par Johane Filiatrault – le 2 mai 2003

Être mère, c’est prêter son corps à un autre pour qu’il s’y abrite et s’en nourrisse.  Te voici tente et refuge qui se déploie petit à petit pour qu’il y trouve son espace à mesure qu’il grandit.

La maternité est le plus grand cadeau que peut recevoir une femme… à condition que l’homme qui le lui a fait reçoive cette femme-mère comme un cadeau.  Il y a tant d’étroitesse de cœur dans notre monde moderne!  Si on arrêtait de compter (notre temps et notre argent) et si on commençait à donner, que de joie il y aurait dans les familles!  Une femme épanouie, un homme fier d’elle et de sa progéniture, des enfants remplis de vie : le bonheur est si simple!  Il est toujours triste de voir des conjoints se critiquer sévèrement l’un l’autre (devant leurs enfants) ou se «renoter» leurs erreurs passées.  Que le plus aimant des deux fasse le premier pas et dise à l’autre un mot gentil, une remarque obligeante, et toute l’atmosphère de la maison s’en trouvera transformée : c’est si simple, le bonheur!  Amour… et pardon puisque le (la) conjoint(e) parfait(e), ça n’existe pas.  Un couple uni, un homme et une femme qui s’aime, voilà tout ce qui est nécessaire pour l’équilibre affectif d’un enfant.

Être mère, c’est conduire son enfant à son père.  Trop de mères surprotègent leur enfant et se l’accaparent, consciemment ou non.  Elles l’éloignent ainsi du père;  soit en critiquant celui-ci devant l’enfant, soit en empêchant le père d’intervenir auprès de l’enfant fautif sous prétexte qu’il est trop sévère ou trop exigeant : rien n’est plus destructeur pour l’enfant et la famille.  (La mère a naturellement tendance à excuser son enfant, et plus elle accentue cette tendance, plus le père aura tendance à être sévère pour compenser).  L’enfant a autant besoin de l’autorité ferme et exigeante d’un père que de la souple tendresse d’une mère (ou vice et versa car il y a des couples où les rôles sont sainement inversés).   Travailler à détacher le petit d’elle et l’aider à s’attacher à son père est un grand défi pour toute mère, nécessaire pour la croissance de l’enfant.  Laissez le père être un père : aidez-le à devenir tendre; il vous aidera à devenir ferme.

Être mère… c’est parfois faire mourir son enfant dans son sein, parce qu’on ne sent pas auprès de soi un homme solide et bon sur qui prendre appui, en qui puiser la force d’enfanter.  Être mère sans un père, quelle terrible déchirure!  Inutile de chercher lequel des deux est plus coupable : l’amour manque.  Aimons!

Être mère, c’est d’abord ouvrir son être à un homme, son corps comme son cœur, se donner et faire confiance à cet autre, différent; l’aimer beaucoup et faire sa joie, et travailler à son bonheur.  Et puis, du nid d’amour construit en ces deux cœurs liés viendra la vie, et la tente qui s’élargit pour lui donner l’abri.  Être mère, c’est être aimée d’un homme, au point que sa vie se mélange à la tienne et que, dans tes entrailles, elle prenne forme.

Être parent

Par Johane Filiatrault

On entend malheureusement souvent dire : « Les enfants, ça coûte cher!»  ou « Petits enfants, petits problèmes, grands enfants, grands problèmes».  Y a-t-il moyen de voir les choses autrement?

Heureusement qu’il y a les enfants!  Ils sont les plus merveilleux cadeaux qui soient, une inestimable richesse pour ceux qui les côtoient.  J’ai personnellement eu la joie d’en enfanter sept et c’est leur existence qui donne sens à la mienne.  Quand on ouvre nos bras pour y recevoir la merveilleuse et fragile chose qui vient de glisser de notre ventre, on n’a pas vraiment idée jusqu’à quel point ce petit être s’en vient bouleverser notre vie!  Son extrême dépendance nous forcera à sortir de nous-même, à nous déranger pour son bonheur, à aimer quoi.  Un enfant, c’est un gouffre sans fond qui appelle l’amour et nous pousse constamment à dépasser nos limites pour lui donner de nous ce qu’il y a de meilleur.  Qui voudrait donner du mauvais à ses enfants?  Et quand malheureusement ça se produit, il est toujours temps de nous ressaisir : soyons indulgents envers nous-mêmes (eux nous pardonne si vite que c’en est bouleversant!).

Quand nous décidons de donner la vie, à quoi nous attendons-nous : à recevoir une gentille petite copie de nous-mêmes qui flattera notre ego et dont nous serons fiers?…

Je me rappellerai toujours le choc ressenti à la naissance de mon premier fils.  «Le médecin te tenait à bout de bras sous les aisselles et il te montrait à nous.  Là je t’ai vraiment vu et j’ai eu un choc.  Je ressentais exactement ce qu’on ressent quand on fait face à un étranger.  Tu m’étais inconnu.  Je ne me sentais pas ta mère.

Puis le médecin t’a placé sur ma poitrine.  Tu as tout de suite tourné ta tête vers moi et tu m’as regardée.  J’ai plongé mes yeux dans les tiens et, dès lors, tu es devenu mien.  À travers ce regard, un lien vital s’est créé entre nous, quelque chose de très puissant.  J’ai lu dans tes yeux comme dans un livre.  Ton regard était plein de surprise, d’étonnement, d’interrogation.  Aucune peur en toi.»  Ce premier regard que nous avons échangé n’était pas celui d’un bébé face à un adulte : nous étions deux êtres humains qui communiquions d’égal à égal.

Être parent, c’est aider un autre être à atteindre son plein épanouissement.  Comment?  En lui ouvrant nos entrailles, jour après jour, en le laissant nous atteindre et nous remettre en question.  Nous l’avons aimé tout petit et sans défense et voilà que, progressivement, il se confrontera à nous, étape obligée vers l’autonomie.  Mon aîné et moi sommes ressortis égratignés de son adolescence (il aura bientôt 17 ans), mais notre lien s’est resserré.  Il n’est pas comme j’aurais voulu qu’il soit : il est lui-même et c’est parfait comme ça.  Il a appris à respecter mes limites et j’ai appris à respecter ce qu’il est.  Tous les enfantements sont douloureux… et l’adolescence enfante un adulte.

Je me rappelle les innombrables heures que j’ai passées avec ravissement à regarder vivre mes enfants, tous les merveilleux instants de tendresse partagée…  heures très douces; joie parfaite : celle d’être parent.