L’Église est une mère

Par Johane Filiatrault, le 7 mai 2003

L’Église est une Mère.  Elle s’est beaucoup donnée pour enfanter à la vie spirituelle de nombreux fils et filles, les nourrir, les instruire et les aider à faire leurs premiers pas de croyants.  Mais voici que ses enfants ont grandi; ils approchent l’âge adulte et revendiquent la liberté d’inventer avec elle un lien d’égal à égal.  Va t’elle continuer de les materner et de les encadrer?  Ou va-t-elle faire confiance à l’enseignement qu’elle leur a généreusement donné et les laisser librement transmettre à leur tour ce qu’ils ont reçu d’elle?  C’est tout un défi pour notre mère Église que ce passage de son rôle traditionnel d’autorité suprême après Dieu à un rôle de simple guide toujours accessible; un passage que toute mère doit traverser, avec plus ou moins de heurts selon le cas.

Je me définis comme croyante fervente et, depuis l’enfance, je vis ma foi à l’intérieur de l’Église catholique.  C’est donc ma propre Mère que je questionne… avec amour.  Il y a actuellement des fils et des filles matures dans l’Église, prêts à prendre des responsabilités et à s’engager, des hommes et des femmes dont le cœur est saisi par Dieu et en qui l’Esprit Saint a forgé une âme de pasteur.  Mais ils ne trouvent pas dans la structure ecclésiale l’espace nécessaire pour déployer leurs ailes et s’élancer.  La hiérarchie ne reconnaît pas leur ministère, ne bénit pas leurs entreprises, n’encourage pas leurs actions;  parfois même, elle s’en dissocie ouvertement.  Peur du dérapage?  Peur de perdre son autorité?  Désir de garder un contrôle strict sur ce qui se dit en son nom?  Ou pire encore, manque d’ouverture spirituelle?

Actuellement, dans l’Église du Québec, une des conditions d’admission incontournable pour accéder aux ministères, ordonnés ou non, (prêtres, diacres ou agent(e)s de pastorale) est l’obtention d’un diplôme de théologie ou de pastorale.  Je n’ai personnellement rien contre les études mais je sais pertinemment bien que la science de Dieu et la connaissance des âmes ne s’apprend dans aucune université humaine, mais dans une longue et amoureuse fréquentation divine au travers de la prière, des écritures inspirées et des sacrements.  Le Christ s’est-il, lui, entouré de beaucoup de gens bien instruits?  Comme toute institution, l’Église est menacée de sclérose; plus que toute autre, peut-être, puisque ne sont admis que des hommes aux sièges décisionnels.  Or, de par sa nature, l’homme est viscéralement gardien des traditions et du pouvoir établi – c’est bien.  La femme, elle, est plutôt gardienne de la vie, plus réceptive aux besoins humains et aux inspirations nouvelles – c’est bien aussi.  La vérité se trouve dans un juste équilibre entre les deux.

L’Église est une Mère… elle a un cœur et un corps de femme, et je rêve de la voir s’asseoir, ses bergers à côté d’elle et ses enfants autour, tous ensemble à la même école : celle de l’Esprit.  Il faut réinventer la famille Église (je ne parle pas du contenu du dépôt de la foi qui, lui, doit toujours rester le même).  Puisqu’il y a peu de candidats au sacerdoce actuellement (à cause des conditions d’accès trop strictes, le célibat surtout), on compense en nommant des agents ou agentes de pastorale.  On leur donne une mission sans leur donner les outils pour la réaliser.  Quels sont ces outils qu’on leur refuse?  Le pouvoir de baptiser, de pardonner et de nourrir que le Christ a conféré à tous ceux qu’il a envoyé : le sacerdoce, quoi!

Quand choisira-t-on dans les communautés locales des personnes d’une foi éprouvée pour leur confier le soin des âmes et leur conférer un vrai ministère dans toute sa force?  Pendant plusieurs siècles au commencement de l’Église, le mariage n’était pas un empêchement pour être ordonné à un ministère (et il en est encore ainsi dans bien des Églises).  Élever une famille : ne serait-ce pas une merveilleuse école pour former un cœur de prêtre (d’«ancien» comme on les appelait autrefois)?  N’est-ce pas là qu’on apprend le mieux à prendre soin des plus faibles, à se sacrifier pour l’amour des petits, à partager et à prendre des décisions à deux, à s’oublier pour le bien de ceux qu’on aime?  Toutes qualités essentielles pour faire un bon pasteur!