S’aimer corps et âme

Par Johane Filiatrault – Le 28 mai 2003

Faire l’amour à la personne qu’on aime depuis longtemps, est une expérience toujours nouvelle et merveilleuse.  Sans doute, il n’y a plus l’intensité physique explosive des premières relations de couple, mais c’est largement compensé – et dépassé – par une grande confiance mutuelle qui conduit à un abandon total aux caresses et désirs de l’autre.  C’est précisément cette profonde symbiose entre deux êtres qui est exaltante, peu importe l’intensité de l’orgasme physique : le sentiment bouleversant d’être aimé de l’autre… cet autre qui se préoccupe d’honorer mon corps et de le conduire au plaisir… Me soucier d’abord du plaisir de l’autre et trouver mon plaisir dans le sien… Mon don à l’autre pour son plaisir qui deviendra le mien…  Faire l’amour vraiment… et m’apaiser en l’autre qui s’apaise en moi.

C’est après l’orgasme qu’on sait si on a vraiment fait l’amour ou si on n’a que baisé sans intelligence (l’intelligence qui nous donne de prendre conscience de l’amour vrai).  Quand, après l’amour, je peux plonger mes yeux dans les tiens – mieux, mon âme dans la tienne – et me réjouir que tu sois là et m’émerveiller parce que je vois dans tes yeux que tu m’aimes toujours, nous avons fait l’amour, vraiment.  Quand je me sens réconciliée avec moi-même et avec l’univers entier, quand nous voici sereins et si proches l’un de l’autre – au point qu’on voudrait demeurer soudés toujours – oui nous avons fait l’amour.

Mais si l’amour vrai n’est pas au rendez-vous, les résultats sont tristement différents.  On aura beau avoir l’orgasme le plus «extasy» qui soit, qu’en est-il du retour à la réalité? Qui est cet autre qui est allongé près de moi (ou qui n’y est déjà plus)?  Nous sommes faits pour l’amour, et quand ce doux sentiment de la proximité aimante de l’autre n’est pas au rendez-vous, quand nous ne sentons pas qu’il ou qu’elle se préoccupe sincèrement de notre bonheur, quel vide cela laisse-t-il en nous!  La triste impression d’être utilisé ou manipulé, le sentiment d’être seul au monde; la satisfaction physique, peut-être, qui sera à re-satisfaire bientôt ou plus tard… mais rien qui comble l’âme, rien qui remplit de joie et donne le goût d’être meilleur, rien de grand et de vraiment humain.

Quand on constate dans quelle pornographie bas de gamme se vautre notre société dite évoluée, quand on expérimente quelle profonde déchirure de l’âme provoquent les abus sexuels ou les viols, quand on dénombre la multiplication phénoménale des expériences homosexuelles, bisexuelles, échangistes, etc. (je dis «expérience» parce qu’un engouement de cette ampleur est trop jeune dans l’histoire contemporaine pour qu’on puisse en évaluer l’impact réel, en positif ou en négatif), on ne peut que conclure que nous sommes sûrement à un tournant de l’histoire humaine en matière de recherche sexuelle!  Merde que nous sommes malades… d’amour!

Tous autant que nous sommes sur la planète, du plus petit jusqu’au plus grand, nous avons un seul grand besoin, fondamental : être serré très fort dans les bras de quelqu’un qui nous aime tendrement et nous respecte profondément.  Comme société, parce que nous ne savons pas ou ne voulons pas faire l’effort de créer des liens d’amour vrais avec les autres, nous cherchons des raccourcis faciles, des parodies d’amour.  Nous consommons du sexe.

Nous nous avilissons et nous goûtons ce que goûte la mort. Ça goûte… triste.  L’amour vrai goûte la joie, et son fruit est la vie.