Par Jean Beauchemin – Le 16 avril 2003
On entend beaucoup parler de fusion municipale ces temps-ci… C’est à croire qu’il s’agit là d’une voie incontournable! Incontournable ou non, le phénomène vaut la peine qu’on s’y arrête et qu’on y réfléchisse, deux fois plutôt qu’une. Lors de la dernière campagne électorale, les libéraux ouvraient la porte à la « dé- fusion », signe certain qu’il existe un malaise persistant entre fusionnés mal assortis (on n’a qu’à penser au village de Parent qu’on fusionne à la ville de La Tuque à plus de 300km de distance!). Selon la définition du Larousse, le terme «fusion» implique la perte de l’identité individuelle au profit d’une nouvelle structure créée. Entre deux entités de taille et de pouvoir équivalents, on gagne peut-être en procédant de la sorte, mais qu’en est-il des fusions entre une grande et une petite municipalité, ou entre une municipalité économiquement développée et une qui l’est moins? Qui à long terme tirera avantage de la fusion?
En ce qui a trait aux économies potentielles engendrées par les fusions, le bilan actuel laisse perplexe : fusionner n’entraîne pas d’économies évidentes dans les coûts administratifs municipaux. Qui gagne quoi, donc? La formule est encore loin d’avoir fait ses preuves! Une chose est sure : les fusions se sont faites suite à des pressions économiques provenant du gouvernement du Québec; elles ne sont donc pas nées du bon vouloir des populations de s’unir entre elles. De là à conclure que les fusions font surtout l’affaire des dirigeants, il n’y a qu’un pas. En effet, quand on réduit le nombre de représentants élus provenant d’un territoire donné (en fusionnant les conseils municipaux locaux) le gouvernement gagne en pouvoir puisqu’il perd en nombre d’opposants potentiels. Pour ce qui est de l’élu municipal, il gagnera en pouvoir personnel puisqu’il agrandit sa juridiction. Mais ça se fait trop souvent au détriment des populations qui auraient été gagnantes d’avoir plus de représentants locaux plutôt qu’un représentant plus fort mais moins concerné par ce qui les concerne.
En fait, ici au Québec, le processus des fusions est encore trop jeune pour qu’on puisse en tirer des conclusions valables. Mais élargissons notre regard à d’autres unions, réussies ou non, dans le monde. Deux exemples s’y prêtent : la CE (Communauté européenne) et l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) plus près de nous, la première très réussie, l’autre … La communauté européenne a formé une union (pas une fusion) en créant progressivement des structures communes et complémentaires, monétaires et autres, équitablement favorables à chaque membre impliqué. L’ALENA n’en est qu’une pâle copie puisqu’elle implique une grande puissance qui cherche à s’allier à des pays satellites, créant un mouvement économique vers le centre que sont les Etats-Unis. Plutôt que d’additionner leurs forces, on assiste plutôt à la dilution des associés dans un grand tout : les U.S.A. Résultat : l’euro progresse alors que le dollar américain recule; l’économie du marché européen se porte bien alors qu’ici…oserait-on affirmer que le Canada et le Mexique perdent au change dans l’ALENA? L’homme étant ce qu’il est, quand un plus fort s’allie à un plus faible, c’est bien rarement pour l’aider à se développer et beaucoup plus souvent pour s’enrichir de ses richesses!
Ceci étant dit, revenons chez nous. Peut-être serait-il plus sage de commencer par initier des alliances communes entre les villages du Bas St-François avant d’en venir à la fusion. La gestion des déchets est un bon exemple d’alliance réussie chez nous. S’allier économiquement pour doter nos communautés d’une flotte d’équipement de déneigement serait peut-être une autre entente possible (une idée dont m’a fait part le maire Gill). Procédons par étape; l’Europe a mis près de 50 ans pour en arriver à l’Union européenne!