Sur Dieu sauveur et Dieu créateur

Travaux de théologie – Par Johane Filiatrault, le 21 février 2008

4. Comment l’expérience spirituelle de solidarité avec les pauvres peut-elle être dite « expérience de Dieu », plus précisément « expérience du Dieu de J.C »?

«Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu » et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n‘aime pas son frère qu‘il voit, ne saurait aimer le Dieu qu‘il ne voit pas.»  (1 Jn 4,20)

Y a t’il plusieurs façons d’aimer son frère – si celui-ci manque du nécessaire?  Peut-on se contenter de lui faire la charité, en lui donnant de son superflu, puis reprendre tranquillement le cours de son existence avec une conscience apaisée? Est-ce que ce partage que j’aurai pratiqué pourrait être perçue par mon frère dans le besoin comme une forme de condescendance qui marque bien la distance entre celui qui donne et celui qui reçoit?  Est-ce que celui qui reçoit se trouvera grandi par mon geste?  Ou s’il s’en trouvera davantage dépendant et écrasé par le poids de sa propre incapacité?  Est-ce là finalement ce que les écritures appellent « aimer son frère »?  Il nous semble bien que non!  L’amour ne pourrait se contenter de si peu!  L’être aimant veut faire fondre la distance entre lui et l’être aimé; il veut porter le fardeau avec l’être aimé, se réjouir de ses joies et pleurer de ses peines.   Dans ce domaine, le mot « charité », employé à maintes reprises par Paul dans ses écrits, est devenu désuet parce que trop raccourci de sens.  Dans nos mots d’aujourd’hui, ce qu’exprimait Paul se traduirait mieux par le mot « solidarité » ou par l’expression « prendre souci de ».

VOUS PARTEZ D’UN POINT DE VUE TOTALEMENT DIFFÉRENT DE CELUI DE L’AUTEUR. IL FAUDRAIT D’ABORD VOUS SITUER DANS SA PROBLÉMATIQUE, QUITTE À ÉLARGIR ENSUITE CETTE PROBLÉMATIQUE AVEC VOS RÉFLEXIONS PERSONNELLES.

Pour chercher à saisir ce qu’est une expérience de solidarité avec les pauvres, il faudra également se questionner sur ces pauvres: qui sont-ils?  Avant d’aborder cette question,  j’aimerais revisiter le texte de Munoz pour décrire l’expérience de solidarité, expérience qu’il qualifie d’emblée comme étant spirituelle.  Il s’agit ici d’une nouvelle expérience humaine fondamentale, bouleversante, et correspondant à un niveau de conscience jamais atteint chez le genre humain, collectivement.  Comme toute expérience profonde, elle ébranle nos convictions, nous resitue sur un plan que nous n’avions encore jamais perçu, et nous remplit d’un nouvel élan qui nous pousse en avant, dans des voies non encore pratiquées.  Parce qu’elle rejoint notre esprit – après avoir touché nos entrailles – cette misère du pauvre que désormais nous ressentons en nous-mêmes nous engage dans une expérience authentiquement spirituelle.  Et pour celui qui avait déjà auparavant été touché par le Souffle, il fera spontanément référence au Christ qu’il percevra instinctivement dans le pauvre dont la misère vient de bouleverser son coeur.  Pour d’autres, le lien se fera plus tard, après maintes étapes de réflexion et des expériences chrétiennes marquantes.

Mais, d’une manière ou de l’autre, si l’expérience de solidarité avec les pauvres peut être dite « expérience du Dieu de Jésus-Christ», c’est  que cette expérience, d’abord profondément et pleinement humaine, nous fait tressaillir du même tressaillement qui faisait vibrer les entrailles de Jésus, quand il dit par exemple « Jérusalem, Jérusalem, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule qui rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu! ».  On découvre là un Jésus profondément attristé de la misère spirituelle de son peuple [BIEN, MAIS IL S’AGIT ICI D’UNE MISÈRE MATÉRIELLE] et brûlant du désir de les prendre sous son aile pour les nourrir et les protéger, expérience de solidarité profonde exprimée en ces quelques mots, expérience qui le mènera à se livrer entièrement pour nous manifester à quel point il a souci de nous, à quel  point il prend sur lui notre salut.

« Nous y reconnaissons, à la lumière de la foi, l’action rénovatrice de l’esprit de Jésus-Christ en ce moment privilégié de l’histoire de nos peuples opprimés et croyants. » (Dieu « J’ai vu la misère de mon peuple » de Ronaldo Munoz, p. 44)

Effectivement, le Dieu de Jésus, Celui qu’il nomme Père – un Dieu fondamentalement juste et sauveur – s’est manifesté maintes fois dans les anciennes Écritures comme Celui qui vois la misère de son peuple et qui sort pour le délivrer; une sortie de lui-même tellement entière qu’elle le mènera à l’incarnation.  Y a t’il solidarité plus grande possible que celle de prendre la condition du pauvre que l’on veut enrichir de sa propre richesse?  Dieu a dépassé les bornes de toute imagination humaine par cet acte de dépouillement total qui fut le sien dans son incarnation, et nous arrivons mal à mesurer à quel point « il s’est anéanti lui-même » en prenant la condition humaine.  Dès lors, l’Esprit du Christ qui nous habite ne peut que nous pousser à des excès semblables dans l‘inventivité de l‘expérience de solidarité!  Plus question ici de se contenter d’un vague esprit de partage de notre superflu…

BIEN!

Dans un autre ordre d’idée, le texte de Munoz nous permet de comprendre comment se déroule cette expérience spirituelle de solidarité avec les pauvres et qu’est-ce qui la distingue des autres types d’approches  auprès des pauvres.  Les lignes suivantes décrivent bien cette distinction:

« Le jugement de Dieu ne fait pas la différence entre croyants et athées, mais entre ceux qui sont ouverts à l’amour et à la justice dans leur conduite envers leurs semblables, et ceux qui ne s’occupent que de leur propre satisfaction et de leur sécurité.  Les premiers rencontrent Dieu et vivent de sa grâce, même s’ils ne savent pas le reconnaître intellectuellement. Les autres, même s’ils le reconnaissent intellectuellement et s’ils lui rendent un culte public, ne l’ont pas rencontré en réalité. (Dieu « J’ai vu la misère de mon peuple » de Ronaldo Munoz, Notes de bas de page p. 44 et 45)

Ces mots sont profondément chargés de vérité et il serait bon de les crier dans tous les univers religieux de ce monde!  Il y a effectivement ceux qui sont  touchés dans leurs entrailles, et les autres; ces autres incluant ceux qui raisonnent sur les questions de justice, ceux qui ont besoin de se donner bonne conscience, et ceux qui ont besoin de bien paraître parce qu’ils aspirent à faire partie des bien-pensants.  TRÈS BIEN! Mais voilà en quoi sont différents ceux-ci de ceux-là: ils ont vécu – ou non – l’expérience décrite par Munoz.  Et voici en quels termes:

« Au départ il s’agit bien d’une sorte d’indignation éthique éprouvée face à la misère massive des pauvres et à l’injustice que tout cela représente. (Dieu « J’ai vu la misère de mon peuple » de Ronaldo Munoz, p. 45)

IL FAUDRAIT COMMENCER PAR LÀ, ET MONTRER ENSUITE COMMENCE CETTE EXPRÉEICNE D’ORDRE ÉTHIQUE INCLUT AUSSI UNE DIMENSISON RELIGIEUSE, CHRÉTIENNE.

En deuxième lieu survient « l’étonnement radical que nous cause le véritable miracle de la survie des hommes et de la solidarité entre les gens » (Dieu « J’ai vu la misère de mon peuple » de Ronaldo Munoz, p. 46)

« Une troisième caractéristique de cette expérience est celle d’une exigence inéluctable. » (Dieu « J’ai vu la misère de mon peuple » de Ronaldo Munoz, p. 47)

Munoz conclut la description de cette expérience spirituelle de solidarité avec les pauvres par une belle définition de la théologie de la libération: « Il s’agit de cette expérience que je viens d’évoquer.  Cette même expérience humaine fondamentale, regardée maintenant à la lumière de l’Évangile, de la foi chrétienne explicite, en référence à Jésus-Christ et à son Dieu. » (Dieu « J’ai vu la misère de mon peuple » de Ronaldo Munoz, p. 48)

On le voit bien, aimer son frère passe nécessairement par cette expérience de solidarité concrète et réelle, qui implique totalement la personne – et non pas ses biens seulement – sous peine de passer à côté de Dieu si on emprunte un autre chemin que celui-là.

Le Père de Lubac exprime magnifiquement cette vérité dans ces quelques lignes:

« Si je manque à l’Amour ou si je manque à la Justice, je m’écarte infailliblement de Vous, et mon culte n’est qu’idolâtrie.  Je dois, pour croire en Vous, croire à l’Amour et à la Justice, et mieux vaut mille fois croire en ces choses que de prononcer Votre nom.  En dehors d’elles, il est impossible que jamais je Vous trouve, et ceux qui les prennent pour guides sont sur le chemin qui conduit à Vous. » (Henri de Lubac, Sur les chemins de Dieu, Aubier-Montaigne, 1956, p. 125)

Revenons maintenant à la question posée plus haut: qui sont-ils ces pauvres avec lesquels nous sommes appelés à la solidarité?  Mon opinion personnelle sur la théologie de la libération, est que, sa seule faille, peut-être, se situe dans l’identité de ces pauvres  dont elle appelle – de tous ses voeux et de toutes ses forces – la libération.  Pour le peu que j’en connaisse, en effet, il me semble que ce système de pensée, ou cette manière d’appréhender Dieu, identifie toujours les pauvres aux économiquement pauvres.  Ce qui me semble limitatif, voire même réducteur par rapport aux autres types de pauvretés côtoyées quotidiennement à travers mon expérience de solidarité.  Les pauvres ne sont-ils pas également les sans Dieu, ceux qui ont grandi dans des milieux religieux qui leur présentent un faux visage de Dieu ou des dieux sans visages, ceux qui ignorent l’infini bonté du Dieu de Jésus, ceux dont le passé est chargé d’expériences affectives blessantes, voire destructrices les rendant pratiquement incapables de croire à l’amour ou de faire confiance, ceux dont le raisonnement prend tellement de place dans leur appréhension de l’existence qu’ils sont rendus incapables de s’ouvrir à une expérience nouvelle et libératrice?  Et il y a encore maintes et maintes formes de pauvreté que je ne pourrais toutes nommer ici, mais qui sont les amers fruits de nos sociétés sur consommatrices et stérilisantes qui nous enseignent à prendre plutôt qu’à donner, à jouir plutôt qu’à réjouir, à s‘enfler plutôt qu‘à se dépouiller, et à ériger en système universel notre pourtant si pauvre perception de la Vérité. Il me semble que si  la théologie de la libération étendait en ce sens sa définition de la pauvreté -elle le fait peut-être et je l‘ignore? -, elle pourrait mieux s’inculturer dans notre société nord-américaine – qui en bénéficierait sans doute largement.

Pour ma part, je considère que la pauvreté en matière de vie spirituelle est sûrement plus cruellement affligeante et grave que la pauvreté en matière économique.  N’en avons-nous  pas la preuve quand on constate l’incompréhensible joie que jettent à nos visages les économiquement pauvres des pays du Sud, alors que nous voyons chez nous – qui sommes des économiquement nantis – un interminable et triste cortège d’avortées, de suicidés, de psychologiquement malades, de familles éclatées, de désespérés violents et de criminalisés?  Ne nous faut-il pas conclure par là que le manque de nourriture spirituelle – et, pire, l’empoisonnement spirituel causé par les effrayants mensonges véhiculés dans nos cultures – ou encore l’asphyxie spirituelle provoquée par les fausses valeurs ambiantes qui nous privent de l’oxygène nécessaire à la respiration de l’âme – sont tous des maux plus graves encore que les cruels manques physiques, sociaux et culturels qui sont le lot quotidien des économiquement exploités de ce monde?

CES RÉFLEXIONS PERSONNELLES SONT PERTINENTES, MAIS JE RESTE ASSEZ CRITIQUE FACE À CE PASSAGE SI RAPIDE DE LA PAUVRETÉ MATÉRIELLE À LA PAUVRETÉ DES RICHES… IL ME SEMBLE QU’IL FAUDRAIT D’ABORD ANALYSER PLUS PROFONDÉMENT TOUT CE QU’IMPLIQUE LA PAUVRETÉ MATÉRIELLE DANS NOS MILIEUX : SITUATION DE CLASSE SOCIALE, SITUATION CULTURELLE, PROMISCUITÉ DE VIE DANS DES LOCAUX EXIGUS, ETC.

NOTE : 8/10

5.  Quels rapports voyez-vous entre la foi au Dieu créateur et la foi au Dieu sauveur?

Se poser cette question revient à se demander, en quelque sorte: qu’est-ce qui conduit l’être humain du concept plus naturel qui le fait croire en un Dieu auteur de tout ce qui l’entoure et de lui-même, à un concept  nouveau qui l’amène à découvrir l’intervention salvatrice de Dieu dans l’histoire humaine? BIEN! Effectivement, croire en un Dieu créateur est, pour l’être humain, naturel et inné en quelque sorte, comme en témoignent les religions naturelles.  L’animisme, les croyances païennes et le New Age, sans toutes admettre l’existence d’une divinité supérieure, discernent tout de même dans la création des forces  « divines » magiques.  Le sentiment inné que les forces de la création dépassent l’être humain, et demeurent en grande partie hors de son contrôle, remonte effectivement à la nuit des temps, jusqu’à l’origine de la conscience humaine.

Même les sciences modernes n’ont pas réussi à enlever de l’être humain ce sentiment tenace.  Nous connaissons mieux les mécanismes de la création, mais cette connaissance se solde par un émerveillement plus grand encore devant l’incroyable intelligence qui régit les éléments du monde.  Même en attribuant au hasard l’extraordinaire enchaînement de  phénomènes complexes et hautement improbables qui a présidé à la formation des matières inertes et vivantes qui façonnent notre monde, nous restons estomaqués , voire extasiés devant une telle quantité de si judicieux hasards!  Même athée, il n’est pas rare de voir une personne vivre une très profonde expérience spirituelle en contemplant les merveilles de ce que les croyants appellent la création.  Saint Paul exprime bien cet instinct naturel qui porte l’homme à percevoir la divinité à travers la création quand il s’adresse à l’aréopage:  « Si d’un principe unique il a fait tout le genre humain pour qu’il habite sur toute la face de la terre; s’il a fixé des temps déterminés et les limites de l’habitat des hommes, c’était afin qu’ils cherchent la divinité pour l’atteindre, si possible, comme à tâtons et la trouver: aussi bien n’est-elle pas loin de chacun de nous.  C’est en elle en effet que nous avons la vie, le mouvement et l’être. » (Ac 17,26-28)

La foi en un Dieu sauveur par contre n’est pas naturelle à l’être humain.  On s’en convainc facilement en observant, encore une fois, les religions naturelles.  Elles vénèrent des divinités hostiles tout autant que des divinités bienveillantes; mais, même bienveillantes, on ne perçoit guère chez elles de bonté gratuite puisque leurs bonnes grâces se méritent, s’acquièrent ou se gagnent.  On est très loin d’un Dieu qui prévient de son amour sa créature, qui fait le premier pas pour s’engager en Alliance avec l’oeuvre de ses mains.  On est à mille lieues d’un Dieu qui livre son propre fils, qui s’offre lui-même pour le salut de ceux qu’il nomme ses bien-aimés.  En fait, seule une révélation de Dieu lui-même pouvait faire passer l’humanité de la foi en un Dieu créateur à la foi en un Dieu sauveur.

NOTEZ QU’IL Y A AUSSI LE FAIT QUE LA PERSPECTIVE DU SALUT NOS PROJETTE DANS L’HISTOIRE, ELLE SE SITUE AU NIVEAU DE LA CONSCIENCE HISTORIQUE.

Le Dieu créateur est aussi Dieu sauveur

Le passage suivant  des écrits de M. Richard dénote bien  les deux mouvements distincts qui coexistent en Dieu, l’acte créateur et l’acte sauveur, ainsi que les liens intrinsèques qui les rapprochent:

« L’acte créateur ne présuppose absolument rien, puisque la matière première elle-même provient de lui.  Mais cela distingue aussi la création du salut.  Celui-ci constitue le passage d’un état négatif à un état positif, comme le passage de la servitude à la liberté.  Il s’agit donc d’une restauration de l’être.  Par contre, la création opère elle-même le passage du néant à l’être.  Comme pour le salut cependant, l’effet de la création est toujours positif. L’être en tant que créé, comme objet de l’acte divin de la création, est essentiellement bon.  (Dieu créateur, Jean Richard, p. 51)   On pourrait résumer ces attributs de Dieu en disant: le Dieu créateur sauve sa création en la recréant sans cesse, toujours neuve malgré ses errances. BIEN!  Et Dieu sait combien nombreuses sont nos errances!

Une de ses errances que nous pouvons de nos jours couramment observer est notre manière de reléguer la nature au rang de « pur objet d’exploitation pour la réalisation de toutes les fantaisies humaines. » (Dieu créateur, Jean Richard, p. 58)  Nous saisissons ici sur le vif à quel point nous avons besoin de salut, afin que nous nous convertissions à la vision biblique de la création. TRÈS BIEN! Cette vision nous révèle que nous sommes dans le monde de simples intendants de Dieu ayant à répondre devant lui de notre gestion de la nature qu’il nous a confiée.

Alors que Dieu nous demande de « guider, apprivoiser, conduire au pâturage » (Dieu créateur, Jean Richard, p. 60), les sciences et technologies modernes, sont souvent loin, à mon sens, d’agir avec une telle considération envers le règne animal.  On n’a qu’à penser à l’expression « être traité comme un rat de laboratoire ».  Visiter une porcherie, un poulailler ou un élevage laitier moderne est tout aussi instructif quand à nos rapports non aimants envers les animaux – qui nous servent pourtant, en nous laissant prendre leur vie pour nous nourrir: on les entasse les uns sur les autres, dans un environnement artificiel où ils ne peuvent s’épanouir, ni se reproduire de façon naturelle, et où ils développent souvent des maux physiques ou des troubles de comportement. Les exemples se multiplient à l’infini: entre autres, les zoo, ou, dans nos maisons,  les oiseaux et les petits rongeurs qu’on maintient en cage pour notre égoïste plaisir – qu’ils ne partagent sans doute pas.  Nous sommes ici dans l’ordre de l’asservissement, pas de l’apprivoisement!

Cette relation pervertie avec la nature appelle le salut.  « Toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement. » (Rm 8, 22)  Parce que nous ne nous soumettons pas au plan divin, la nature souffre et se « dénature » et nous souffrons avec elle.

« La Bible inculque aussi l’idée d’une transformation possible du monde, jusqu’à l’avènement d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle » (Dieu créateur, Jean Richard, p. 58) d’où la croyance au progrès, convaincus que nous sommes que la science et la technologie nous conduiront sûrement à ce monde nouveau dont nous rêvons. Nous confondons foi biblique au salut et foi au progrès causé par les avancées de l’action de l’homme.  Or le salut présenté dans la bible vient ultimement de Dieu, de son action à Lui, que nous sommes invités à faire nôtre, en entrant toujours plus avant dans la connaissance expérientielle de ses manières d’agir tout en respectant sa création. TRÈS BIEN. EN SOMME, L’IDÉE DU SALUT NOUS RAMÈNE À LA FOI À LA CRÉATION ET À TOUT CE QU’ELLE COMPORTE D’EXIGENCE POUR NOUS  Nous avons là encore une grande conversion à vivre: nous avons à sortir de l’illusion qui nous fait croire que la science et la technologie sont toute puissantes, nous avons à reconnaître notre finitude de créature et la finitude et la fragilité de la création, nous avons à céder la première place au Créateur et à entrer dans ses vues à Lui.  Pour être rendus capables d’une telle conversion, là encore, nous avons besoin de la grâce et de la puissance du Dieu sauveur.

« Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle – car le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n’y en a plus…  Voici la demeure de Dieu avec les hommes.  Il aura sa demeure avec eux; ils seront son peuple, et lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu.  Il essuiera toute larme de leurs yeux: de mort, il n’y en aura plus, de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé. »  (Ap 21, 1-4)

Voilà en quels termes le Dieu créateur a promis le salut à sa création.  Bien sûr, ces paroles sont esprit; nous éviterons de les prendre au sens littéral.  Prises au sens spirituel, elles ont d’ailleurs une portée plus large encore, parce qu’elles mettent à notre portée la réalisation d’une telle merveille – autrement inaccessible, si on attend l’accomplissement dans un temps et un lieu donné.  Le ciel nouveau n’est t’il pas celui que l’on découvre par une expérience spirituelle intérieure, en opposition à celui – « ancien » que la religion chrétienne nous avait enseigné?  De même, la terre nouvelle n’est-elle pas celle que l’on goûte à travers nos sens renouvelés par une expérience directe et personnelle de l’Esprit Saint?  Une fois que nous avons vécu une rencontre personnelle avec le  Christ, rien de comparable en effet dans notre manière de voir et de penser d’avant et celle d’après.

Une fois vécue cette expérience spirituelle transformante, la « mer » n’existe plus pour nous, si on entend « mer » dans son sens biblique de lieu grouillant des forces du mal cherchant à nous engloutir.  La rencontre avec le Christ vivant nous  marque, effectivement, au point où le mal perd progressivement son emprise sur nous, parce que nous sommes désormais viscéralement attachés à l’amour si désirable de Celui que nous avons expérimenté comme notre sauveur personnel.  Sa présence, bien  qu’éclipsée parfois, brille désormais sur nous et nous le ressentons comme réellement présent auprès de nous, Dieu-avec-nous.  Quand nous pleurons désormais, c’est non sans espoir.  Nos cris de colère s’estompent de plus en plus, nos cris de révolte, également; des cris de joie les remplacent.  Nos peines se transfigurent en prières, en appels confiants envers notre Père.  La mort – comme la souffrance – pourra désormais être ressentie comme un bienfait, qui nous libère d’un niveau de conscience moindre, et qui nous introduit dans une connaissance nouvelle et toujours plus grande de l’incommensurable amour de Dieu.

Il suffit donc à Dieu de se manifester dans le coeur de chaque être humain pour que, désormais, surviennent  un ciel nouveau et une terre nouvelle.  Il peut le faire.  Il le fera à son jour.  Surviendra alors pleinement « une nouvelle alliance avec la nature… plus intérieure, une relation de participation, de communion, de parenté »  (Dieu créateur, Jean Richard, p. 63), une nouvelle alliance où le Dieu créateur et sauveur aura sa juste place, alliance qui déjà peut être ressentie dans le coeur de l’être humain.

NOTE; 10/10  EXCELLENT!

 

NOTE GLOBALE DU TRAVAIL : 7/10 + 8/10 + 10/10  =  25/30

Le Christ

Examen final de Christologie – Par Johane Filiatrault, le 19 avril 2009

1. Au début du cours, il vous a été demandé de répondre à la question suivante (posée par Jésus) : « Et vous, qui dites-vous que je suis? » Trois mois plus tard, après tout le cheminement du cours, en quoi la réponse que vous donniez alors à cette question s’est-elle confirmée ou modifiée?

Au début du cours, j’avais répondu à cette question : «Tu es Adonaï, mon Adôn », réponse qui résume toute mon expérience spirituelle avec le Christ. Depuis que j’ai l’âge de 16 ans, j’éprouve envers Lui une fascination totale, qui ne s’est jamais démentie. Et si j’avais vécu de son temps, j’aurais été tout à fait happée par sa personnalité; j’aurais absolument voulu le suivre partout pour pouvoir l’entendre enseigner, boire ses paroles, pour le regarder agir, m’étonner de sa différence radicale d’avec les autres humains que nous sommes. Jésus le Nazoréen est un être à part, profondément aimant, qui fait preuve d’une étonnante connaissance du coeur et de l’esprit humain, bien avant la psychologie moderne. Il est pour moi un aimant qui m’attire irrésistiblement parce qu’il me subjugue tout à fait et me ravit sans cesse. En Lui je trouve tout assouvissement de mes désirs les plus chers, tout élan qui me pousse à aimer. Il est Celui à travers qui je reçois tout ce qui me comble. Mon Maître et mon Seigneur. « Nul ne peut servir deux Adôn »(Mt 6,24), a dit Jésus. Il est un Maître doux et humble et son enseignement est nourriture et source de Vie. Le suivre est un chemin de joie et nous courons avec Lui de hauteur en hauteur. La vie avec Lui est une suite ininterrompue de surprises et d’aventures inouïes, un flot de grâces providentielles. C’est à ce Maître aimable et aimé que j’ai confié toute mon existence; et je cherche chaque jour à lui être davantage dévouée. « Adôn », c’est de cette manière également que le centurion appelle Jésus : « Ne te fatigue pas! Non, je ne vaux pas que tu entres sous mon toit… Mais dis une parole, que mon garçon soit rétabli. Oui, je suis un homme soumis à une autorité, et j’ai sous moi des soldats. Je dis à l’un : « Va! » et il va; à l’autre : « Viens !» et il vient; et à mon serviteur : « Fais cela! » et il le fait. » Et Chouraqui continue dans sa traduction : « Iéshoua entend et s’étonne de lui. Il se tourne vers la foule qui le suit et dit : « Je vous dis : je n’ai pas trouvé en Israël une telle adhérence. » Lc 7, 6 à 9 Le centurion reconnaît en Jésus le Seigneur qui a autorité sur la maladie et la mort, et il éprouve envers Lui la révérence et la confiance due à un tel Maître. Jésus, quant à Lui, s’émerveille de la foi de cet homme, et s’en réjouit. Un lien Maître-disciple est créé, un lien de reconnaissance mutuelle où chacun s’émerveille de ce qu’est l’autre, un lien de réciprocité : Celui qui donne a besoin d’être reçu, appelé et cru; celui qui ressent un manque a besoin d’une réponse et d’une action en sa faveur qui comblera ses attentes. C’est le type de lien qui m’unit au Christ.

Tout au long de ce cours, j’ai découvert d’autres regards sur le Christ, d’autres façons de le percevoir, et de le dire. Toutes étaient teintées des événements et de la culture de l’époque de l’observateur, marquées donc, également, de son expérience personnelle. Toutes contenaient une parcelle de la Vérité qu’est le Christ, toutes

Commentaire [r1]:

Excellente réponse : claire, profonde, très bien rédigée.

Note : 29,3 / 30

décrivaient un des multiples visages du Dieu Un. Que de fascination Il a, de toujours, exercé sur l’humanité, pour qu’on ait écrit, dit, chanté, joué, tant et tant, et tant de choses sur Lui! Cela a confirmé en moi son titre d’Adôn, puisqu’Il est le personnage de l’histoire qui ne laisse personne indifférent, qui oblige à prendre position, à se questionner sur Lui, à crier son désarroi ou à chanter sa foi, à adhérer ou à remettre en question, à interpréter l’histoire ou à revisiter sa propre vie – y cherchant un sens, un éclairage, une leçon à transmettre. Il fascine au point de donner, à leur tour, à ses émules le goût d’être, comme Lui, un chemin pour leurs frères et soeurs, un enseignant, un guide, chose que l’être humain cherche à faire avec plus ou moins d’adresse ou d’à propos – on a que trop de malheureux exemples de soi-disant « gourous » qui cherchent un public. Rien de cela en Jésus : Il ne garde rien pour Lui. Toute gloire est pour son Père, et son esprit de serviteur tout aimant le conduit à passer par la mort même pour nous montrer le chemin. Il est le guide par excellence, le modèle du troupeau. Mon Adôn.

J’écoutais récemment avec mes enfants une émission de « Secondaire en spectacle » où des étudiants jouaient un sketch de leur composition dans lequel ils présentaient Jésus comme une sorte de gourou égocentrique et mégalomane, avec son groupe d’apôtres, tout aussi ridicules. Est-ce là le fruit d’une Église non signifiante et d’une transmission incohérente, ou est-ce le reflet d’une génération en perte de repères, qui n’accorde plus beaucoup d’importance aux choses de Dieu? Repensant à ce que nous avons parcouru ensemble durant ces trois mois, je conclurais aujourd’hui qu’ils émettaient eux aussi, à leur façon, leur discours sur le Christ, et qu’ils faisaient donc, en quelque sorte, de la christologie! Après tout, ils auraient pu choisir mille et un autres sujets pour leur pièce de théâtre! S’ils ont choisi celui-là, c’est qu’ils accordent une importance aux choses de Dieu. Peut-être que ce qu’ils rejettent, au fond, c’est la manière des êtres humains de se faire maître et seigneur – quand ils regardent les modèles qu’ils ont sous les yeux, dans les institutions ecclésiales ou hors d’elles? Peut-être qu’au-delà de leur rejet, ils aspirent à un maître doux et humble, qu’on ne leur a pas encore suffisamment présenté? Je suis comme eux : je ne veux qu’aucun maître et seigneur règne sur moi par la force, la tromperie ou l’ambition. Je suis, comme eux, portée à tenir pour méprisables ceux qui cherchent à exercer un tel empire. Je le rejette aussi ce Christ-là, défiguré par notre piètre témoignage de chrétiens. Finalement, je continue de prier l’humble Père du Ciel de nous dévoiler le visage de son Christ, parce qu’en nous le dévoilant, nous l’aimerons, et qu’en l’aimant, nous connaîtrons la Joie, celle de nous soumettre entièrement à l’humble empire d’un tel Maître, Celui-là même qui s’est révélé Époux.

Commentaire [r2]:

Y compris beaucoup de preachers qui se réclament de Jésus lui-même.

Commentaire [r3]:

Très bonne remarque. Il importe d’apprendre à entendre ce qui est dit à travers les discours qui paraissent, à prime abord, « contre ».

2. Le cours que vous avez suivi vous indique une certaine manière de faire de la christologie. Décrivez cette démarche et expliquez-en l’importance pour aujourd’hui.

Tout au long de ce cours, nous avons suivi un cheminement kaïrologique, partant de notre propre proposition sur le Christ : « Et vous qui dites-vous que je suis? », et remontant le cours de l’histoire jusqu’à nous pencher sur ce que les disciples ont dit et cru de Lui, et sur ce que Jésus lui-même pensait de sa personne, en passant par ce que le Père a dévoilé au sujet de son Fils. Nous sommes partis, donc, de ce qui nous touche davantage, c’est à dire notre propre expérience du Christ ressuscité, cette expérience personnelle étant au centre de notre foi en Lui. Nous avons ensuite parcouru, avec Heidegger, les cercles qui nous mènent progressivement de notre propre milieu culturel ambiant, celui qui nous rejoint davantage et est le plus accessible à notre intelligence, vers la source même de notre foi, Jésus de Nazareth, proche par l’expérience mais très éloigné de nous par la culture et la manière de vivre. En chemin vers cette source, nous avons traversé plusieurs périodes de l’histoire qui nous ont livré une à une leur propre discours sur le Christ, et leur interprétation originale de son mystère, à partir de leur contexte culturel singulier et des données historiques qui les déterminaient. Tout au long de ce parcours, le niveau de difficulté augmentait, en ce sens que, plus le contexte culturel s’éloigne du nôtre, plus nous entrons en territoire étranger, plus le terrain de l’interprétation est glissant, et plus il est difficile de ne pas tomber dans le piège d’une interprétation faussée par nos propres schèmes culturels – parce que non suffisamment décantée subjectivement. D’autre part, nous avons pu ainsi réaliser qu’il n’existe aucun discours neutre sur le Christ et qu’il est parfaitement utopique de proclamer le contraire. Au fond, le parcours christologique suivi ensemble nous a fait vivre ce que les premiers témoins du Christ ont eux-mêmes vécus : c’est à partir de leur expérience de la résurrection de Jésus – expérience fondatrice s’il en est – qu’ils ont relu les discours et l’agir de Jésus, et finalement toute sa vie terrestre. Toute la vie de Jésus a pour eux pris un sens nouveau à partir de l’événement de sa résurrection – clé qui leur a ouvert la porte d’une interprétation éclairée sur ce personnage fascinant de l’histoire – ses motivations, son lien avec le Père, sa passion profonde pour l’humanité. Clé d’interprétation parce qu’ils ont perçu la résurrection de Jésus comme le sceau d’authentification du Père sur la vie et l’oeuvre de leur Maître et qu’ils ont pu, dès lors, laisser libre cours à leur adhésion entière à Jésus, sans plus ressentir la peur d’être trompé, ou le doute paralysant ou la crainte de faire fausse route en suivant un faux prophète tel que les en avait tant de fois mis en garde l’establishment religieux qu’ils côtoyaient : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes »Ac 5, 29, ont-ils conclu à partir de l’événement de la résurrection. « Si Dieu bénit ainsi Jésus, comment ne pas le bénir également nous-mêmes? », devaient-ils se dire.

Nous de même, ce qui nous touche davantage, c’est le moment où Christ a fait irruption dans notre propre vie, la marque transformante dont Il nous a alors imprégnés. Naissent alors progressivement en nous des questions sur Lui, ce qu’Il est, ce qu’Il a été, ce qu’Il devient, et nous questionnons tour à tour les témoins de la foi qui nous entourent, ceux qui nous ont précédés, ou ceux qui l’ont côtoyé de près, à l’époque. Nous cherchons

Commentaire [r4]:

Excellent.

Note : 27,8 / 30

Commentaire [r5]:

C’est vrai; mais en même temps nous sommes plus en mesure d’apercevoir ce qui conditionnait ces discours anciens. La distance donne de la perspective. Les générations qui nous succéderont nous comprendront vraisemblablement mieux que nous ne nous comprenons nous-mêmes.

à le saisir par tous les moyens possibles, comme l’ont fait les premiers témoins avant nous. Nous commençons donc, dès le premier instant de notre quête, à faire de la christologie. L’intérêt principal de ce cours qui s’achève aura été de nous faire prendre conscience de cette vaste enquête dont chaque chrétien de l’histoire fait partie, une enquête non achevée d’ailleurs. Elle s’achèvera avec le dernier souffle du dernier enfant de Dieu vivant ici-bas et, d’ici là, tant de choses restent à saisir du mystère infini qu’est l’incarnation de Dieu même! Cette enquête n’est-elle pas, effectivement, la manifestation de ce que Paul nomme « Le corps du Christ », cette construction magnifique – digne de l’architecte de haut niveau qui l’a conçue – dont chaque élément tient en place grâce à un acte de confiance et d’amour qu’il fait à tout instant en Celui qui l’a placé(e) là où il(elle) est; acte de confiance et d’amour également en ceux et celles qui, au même titre que lui-même ou qu’elle-même, font partie de la maison que Dieu bâtit. Cet ensemble de liens vitaux qui nous unissent en Lui sont l’oeuvre ultime de Dieu, le couronnement et le but de sa Création, sa réalisation la plus chère, et le sommet de la révélation toute entière. Il ne s’agit pas là d’un oecuménisme de convenance ou d’une conciliation d’opinions divergentes sur le Christ, comprenons-le bien. Il s’agit du mystère profond de communion qu’appelait le gémissement du coeur de Jésus quand il priait : « Père saint, qu’ils soient UN comme nous le sommes »Jean 17,11. Mystère d’amour parfait où la vie divine peut circuler dans toute sa puissance, sans plus d’obstacle désormais, afin de faire d’ici bas un paradis de charité. Voilà ce qu’est EKKLESIA; possible à condition que nous oubliions, de grâce, nos institutions humaines pour y entrer avec nos coeurs entiers. Possible si nous nous investissons entièrement dans les liens quotidiens avec chaque homme et chaque femme, chaque enfant que nous côtoyons, afin qu’Il puisse nous unir ainsi jusqu’à nous souder tout à fait en Lui. Tous membres de son Corps, tous à l’écoute de la vision partielle que chacun(e) de nous a de Lui – à partir de la position qui lui est propre et du point de vue singulier qui en découle : nous aurons alors tous les éléments en main pour une christologie réussie!

Mais voilà que je glisse de mon propos initial vers l’ecclésiologie! Au fait, peut-on vraiment faire autrement? Peut-on traiter du Christ sans parler de son Corps qui est l’Ekklesia? Peut-on atteindre le Christ sans épouser amoureusement les êtres qu’Il chérit tout à fait? Peut-on approcher l’Époux sans prendre du même coup dans ses bras ses enfants tant aimés qui occupent entièrement son coeur? Mystère indissociable, à dire vrai, que le Christ et Ekklesia. Car « ce que Dieu a unit, que l’homme ne le sépare donc pas ». Mt 19,6

Nous familiariser avec les points de vue pluriels sur le Christ – comme nous l’avons fait tout au long de ce cours – nous permettra, je l’espère, d’avancer un peu plus avant dans cette communion en Lui, cessant progressivement de nous disputer sur des façons de percevoir, que nous aurons compris comme étant nécessairement – et heureusement – différentes; cherchant plutôt à nous centrer sur ce qu’Il est, Lui, dans son mystère jamais entièrement saisi, tournant nos regards vers la source même de ce que nous sommes afin de mieux devenir ce que nous sommes appelés à être. « Qui a l’épouse est l’époux »Jn 3, 29, disait Jean. Puisqu’Il est Époux, soyons celle qui tire sa joie de la Sienne : l’épousée.

Évangélisation de la culture

Travail de missiologie – Par Jean Beauchemin et Johane Filiatrault. le 7 décembre 2007

1.  Si l’on voulait que l’Évangile soit annoncé aux jeunes sans qu’il soit immédiatement rejeté, comment procéderiez-vous?

Sauf exception, les adolescents et jeunes adultes ne s’évangélisent pas par la proclamation de la Parole.  Le besoin viscéral d’un jeune de bâtir sa propre identité à partir de son expérience et de son jugement personnels le rend non réceptif à un message qui lui dicterait une ligne de pensée ou une manière d’être ou de vivre.  Il a besoin pour s’épanouir de vivre une exploration expérientielle des voies qui s’offrent à lui.  Il a donc surtout besoin de modèles chrétiens cohérents, dans son environnement proche si possible; des personnes signifiantes pour lui, parent, ami, enseignant, etc.  Il pourrait aussi s’agir de personnages historiques, contemporains ou non, qui ont marqué l’histoire par une attitude profondément humaine et spirituelle, Ghandi, Kalil Gibrant, Martin Luther King, Jean-Paul II, François d’Assise, Mère Thérésa, etc.    Un jeune étant encore marqué par la folle espérance d’un monde rêvé, il est perméable à l’exemple de personnes qui vont ou qui sont allées au bout de leur rêve d’un monde meilleur.

Il nous faut donc vivre à proximité des jeunes, de sorte qu’on n’aie pas besoin de rendez-vous formel pour dire: à tel moment on parlera de l’Évangile.   Il faut qu’à tout moment du quotidien, on puisse exprimer aux jeunes comment, personnellement, l’Évangile nous inspire les voies d’un monde meilleur, au moment où la question viendra naturellement sur le tapis.  Il s’agit alors de se faire proche, un apostolat de présence souvent silencieuse mais amicale et fraternelle, aboutissant à une sorte de fraternité de sang, où le jeune va spontanément se tourner vers quelqu’un de plus expérimenté pour questionner, pour trouver réponse à ses angoisses existentielles.

2.  Imaginez ensuite que vous atteignez vos objectifs, quelles transformations verriez-vous se produire suite à cette réception de l’Évangile?

On verrait d’abord augmenter chez le jeune son niveau d’ESPÉRANCE: il entreverrait une possible réalisation constructive de lui-même au sein du royaume spirituel instauré par le Christ.  Cette nouvelle espérance transposée en actes concrets d’entraide ou de don de soi mènerait le jeune à expérimenter le soutien providentiel de Dieu, sa proximité et sa grâce, expérience qui ferait naître en lui la FOI.  Ce sentiment sécurisant de se savoir aimé du Père, mêlé au besoin fondamental d’aimer et d’être aimé de tout être humain, le mènera à une remise de lui-même à ce mouvement d’AMOUR qui porte à s’ouvrir à l’autre, à laisser déborder vers l’autre le trop plein d’amour reçu et partagé.  Il aura cessé d’être seul dans le hasard de l’univers pour s’ancrer solidement à une communauté humaine de frères et sœurs qui cheminent par les mêmes voies que lui, que cette communauté soit visible ou invisible – et de plus en plus souvent virtuelle, dans toute la richesse de ce terme dont le sens s’est élargi depuis l’arrivée d’internet.  Virtuel, dont la racine signifie FORCE, et d’où le mot vertu prend sa source, est un terme qui gagne à être revisité étant donné le sens plutôt péjoratif que lui octroie un certain courant de pensée actuel.  Par exemple, les communautés virtuelles créées entre les jeunes internautes les mènent à une fraternité internationale sans frontière ni division, le rêve ecclésial, quoi!  Il nous reste à leur nommer ce qu’ils vivent : lors de ces échanges virtuels, ils réalisent l’Évangile en s’accueillant mutuellement dans leurs différences, ils vivent le message du Christ en partageant leurs richesses respectives.

Ils n’ont pas besoin qu’on leur dise comment vivre l’Évangile, mais plutôt que nous les aidions à prendre conscience de ce qui, dans leur culture de jeunes, est déjà l’Évangile en action, est déjà l’Esprit Saint en train de réaliser le dessein d’unité de Dieu sur l’humanité.  Dans un tel contexte, le jeune n’est plus un auditeur de l’Évangile, mais un acteur en voie de réaliser le Royaume.  C’est eux qui ont le dynamisme de poursuivre l’œuvre du Christ avec les moyens qui leur sont propres et qui sont des outils d’une puissance insoupçonnée, aptes à transmettre leur fougue et à allumer un grand feu sur la terre.

 

Dieu tout-puissant et souffrant

Travaux de théologie – Par Jean Beauchemin, le 3 mai 2008

1.  Montrez comment le Dieu de l’alliance est nécessairement un Dieu tout-puissant et souffrant

L’existence de Dieu, en tant qu’être tout puissant, pose question, à savoir : pourquoi le mal et la souffrance dans le monde puisque Dieu est toute bonté et tout amour? Jésus semble lui-même ébranlé dans ses convictions quand, après avoir accepté de réaliser la volonté de son Père à Gethsémani, Il demande à Dieu, sur la croix, « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »(Mt 27,45). Notre liberté doit nous conduire à assumer pleinement l’âge adulte, c’est à dire entrer pleinement dans notre incarnation qui implique d’abord la finitude de notre être. C’est ce que Jésus doit assumer sur la croix; son humanité, et sa réaction ne fait que confirmer l’inexorable destin qui attend toute la création: sa fin.  Assumer également le paradoxe d’un Créateur capable de tout mais qui permet notre « anéantissement ». Dieu manifeste sa puissance dans la résurrection, par l’accès de la créature à la vie nouvelle; et la résurrection de Jésus est un acte de puissance beaucoup plus grand que celui de lui éviter la mort.

Dans ce contexte se pose alors la question de la prédestination. En effet, à quoi sert la liberté si le Créateur peut tout régir, tout diriger, et qu’Il est maître de tout? Il nous faut dépasser la barrière du déterminisme, de la prédestination, et par l’esprit, entrer dans la filiation avec Dieu, dépasser l’état d’esclave pour assumer la liberté du fils pour qui la toute-puissance de Dieu se manifeste. Cette toute-puissance de Dieu est manifestée dans la limite qu’Il impose à sa puissance pour que puisse s’émanciper notre liberté. Voilà son projet sur nous, une créature totalement libre qui choisirait de se mettre au service du plan divin sur l’humanité.

Mais l’expérience humaine de l’exercice du pouvoir a donné cours à beaucoup d’excès et nous sommes réticents à entrer dans la dynamique de l’Alliance tout en restant confiants que nous ne serons pas abusés. Trop souvent, sous prétexte de servir le bien commun, des leaders charismatiques ont utilisé la force pour leur propres intérêts. De nos jours, l’idée de toute-puissance n’a rien de rassurant. Aussi Jésus nous rappelle que « Celui qui veut devenir grand parmi vous se fera serviteur, et celui qui voudra être le premier parmi vous se fera l’esclave de tous. Aussi bien, le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir »(Mt10, 43-45). Ainsi, les écritures nous révèlent plutôt un Dieu qui s’oppose à l’exercice d’un pouvoir oppressif et prêchent « la dénonciation et le renversement de tout pouvoir de la sorte». (p.147, note de cours).

Il ne faudrait pas regarder la toute-puissance de Dieu comme l’expression d’une compensation de notre propre impuissance face à nos misères mais plutôt comme la manifestation de sa capacité à nous «délivrer de notre finitude humaine, de notre condition mortelle» (p.148). Elle ne nous garde pas de la mort mais nous garantit que la fidélité à l’Alliance, dans la foi, assure l’éternité. La volonté de Dieu sur le monde est donc que sa toute-puissance ne soit pas comprise comme une forme de domination mais comme une protection bienveillante.

En opposition à la puissance de Dieu se trouve Sa propre souffrance, celle conséquente au rejet de l’Alliance. En tant que Père et initiateur de l’Alliance, Dieu souffre du refus de l’être humain d’y entrer librement. Il s’agit d’un lien d’amour et quand l’amour est rejeté, Dieu en souffre. C’est ainsi qu’Il a envoyé son Fils. Jésus accepte librement de passer par la souffrance, la faiblesse et la mort pour manifester au monde que Dieu peut supplanter la mort, «la Passion du Christ apparaît ici comme l’expression de son pouvoir, de la puissance qu’il reçoit du Père» (p156).

Jésus, dans son témoignage, nous invite à suivre son exemple «Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais celui qui perd sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera» (Mc8, 35). Il est là le paradoxe du Dieu tout-puissant et souffrant. Ainsi Dieu, par amour, affirme sa puissance en acceptant de mourir à Lui-même dans la mort injuste de son Fils aimé, tout comme la mère qui doit passer par la souffrance de l’accouchement pour donner la vie. La puissance de l’amour se manifeste donc dans le décentrement de soi vers l’autre. Ce qu’il y a de particulier dans l’exemple que Dieu nous donne, c’est que dans notre cas, notre don se fait dans un rapport à un égal à soi, un autre humain, mais Dieu, Lui, le fait envers une créature qui Lui est bien inférieure.

 

3. Quelle serait votre réaction et votre réponse à quelqu’un qui se présenterait à vous comme athée?

À mon avis la question doit être abordée dans l’angle de la thèse de Tillich, c’est-à-dire que «la négation de Dieu peut être simplement la négation d’une figure de Dieu, d’un discours sur Dieu, le discours théiste justement. En somme, la négation de l’athée n’exclut pas la présence d’une foi réelle, cachée sous la superficie des discours, des malentendus» (p.365, notes de cours). Nous devons éviter les débats qui nous campent dans des positions tranchées de croyants/incroyants, théistes/athéistes parce qu’ils divisent profondément et qu’ils nous coupent d’un dialogue conduisant à une meilleure compréhension de l’esprit qui anime l’humanité. Si Dieu existe, et c’est là notre conviction, Il est le Dieu de tous, croyants et incroyants.

Chaque personne doit alors le rencontrer de façon intime et personnelle. Il faut chercher à comprendre comment, par son discernement, mon interlocuteur en est venu à la conclusion que Dieu n’existe pas. Ainsi, je peux cerner les questions laissées sans réponse ou les réponses inappropriées qui lui font croire en l’absence totale d’un être capable d’intervenir dans l’histoire du monde.

J’essaierais donc de conduire la conversation en ce sens que tout ce qui existe a surgit de quelque chose quelque part et il y a bien longtemps que l’humanité a développé des croyances autour des forces qui régissent la vie et la nature en leur conférant des valeurs sacrées. Le sacré a pris figure de ce que l’on a d’abord nommé dieu, que le monothéisme a nommé Dieu, source et origine de tout «une force qui nous dépasse, qui nous engendre» (p.363, notes de cours).  En effet, la révélation biblique va au-delà de ce qu’en comprenaient les peuples anciens, qui voyaient dans les forces de la nature des êtres divins luttant pour des intérêts souvent divergents, toujours à leur profit. Le Dieu de la Bible est un Dieu aimant qui transcende la création, surgit au cœur de l’humanité et lui révèle le concept de l’Alliance, le désir qu’Il a de cette rencontre intime entre Lui et chacun de nous. Bien sûr, cette Alliance comporte des « interpellations morales » qui nous servent de balises, car il s’agit d’un Dieu juste envers tous. Quant aux règles, elles ont pour fonction de nous garder toujours vigilants quant à notre rapport à l’autre en qui se manifeste aussi l’Amour de Dieu; Dieu veille sur nous, et en veillant sur notre prochain nous collaborons à son action. C’est un Dieu qui transcende notre univers pour nous venir en aide lorsqu’on lui en fait la demande.

C’est par la prière que nous entrons en relation avec Dieu. Elle peut prendre toutes les formes, être formulée pour demander des biens de première nécessité aussi bien que pour remercier, d’un beau coucher de soleil par exemple. Cependant, la prière prend tout son sens et sa valeur dans la pleine conscience de l’Alliance: on devient collaborateur volontaire de la réalisation du plan de Dieu sur le monde. Dieu nous ayant créé avec la capacité d’avoir une conscience spirituelle, Il a donc sur nous des attentes et des exigences; et l’une d’entre elle implique que nous respections le fait qu’Il nous est supérieur: Il est l’Être suprême. C’est le Dieu personnel qui n’est pas une personne, que l’on dit transpersonnel, Dieu au-dessus de Dieu.

Il nous faut finalement reconnaître que nous n’ avons pas terminé de découvrir ce Dieu révélé dans les Écritures et qu’en ce sens on peut comprendre que certains y voient l’image d’un Dieu au-dessus de Dieu mais cela ne change en rien ce qu’Il est. Nos limites à Le comprendre ne sauraient être un argument  justifiant une compréhension différente de ce qu’Il dit de Lui-même dans la Bible « … nul autre avec moi n’est Dieu» (Dt, 32-39b). La connaissance de Dieu ne peut être contenue dans le sens limité des mots que nous employons pour le décrire; ceux qui se trouvent dans la Bible n’y font pas exception. Il est nécessaire pour présenter Dieu dans le monde d’aujourd’hui d’envisager de nouveaux concepts, signifiant pour notre temps.

 

BIBLIOGRAPHIE:

-La Bible de Jérusalem, DESCLÉE DE BROUWER, Édition du Cerf, Paris 1973

-Note de cours

Les destinataires de la mission

Travail de missiologie – Par Jean Beauchemin et Johane Filiatrault, le 9 novembre 2007

Si vous aviez à désigner aujourd’hui les destinataires de la mission, quels groupes devraient figurer dans cette catégorie? 

 Selon nous, à partir du moment où toute notre vie doit être imprégnée de sa vocation missionnaire, notre rôle missionnaire se réalise auprès de toute personne que l’on côtoie, quel que soit son cheminement spirituel.  Un enfant ne peut-il pas, sans même en prendre conscience, avoir un rôle missionnaire auprès d’un évêque par exemple, en l’interpellant sur une compréhension nouvelle d’un ou l’autre aspect de Dieu?  Si tel est le cas, la mission va au-delà de la conscience qu’on a d’y participer.

D’autre part, le destinataire de la mission, c’est moi comme l’autre.  En ce sens que la personne qui reçoit mon témoignage et en est édifiée, m’édifie également par l’écoute ou la réceptivité qu’elle m’accorde, me faisant ainsi grandir à son tour.  Advenant le cas où elle ne recevrait pas mon témoignage, elle m’édifie d’une autre manière parce que l’opposition m’oblige à mieux préciser ma compréhension et à adapter mes moyens d’expression à la réalité de l’autre afin qu’elle puisse dorénavant mieux recevoir mon message.

Pour ce qui est des groupes cibles, ils varient selon la personnalité et la situation sociale du missionnaire.  À cause de son vécu propre, de sa situation géographique, économique, civile, chacun a des sensibilités particulières envers des groupes de personnes ayant des besoins spirituels divers – sensibilités qu’on définit comme un appel personnel.  Pour notre part, notre sensibilité va vers ceux et celles qui sont « très distants », des personnes indifférentes ou rébarbatives à la religion.  En les côtoyant, nous mesurons à quel point, au-delà des apparences, ils sont habités par un désir spirituel profond et inaltérable, même si l’accès à leur âme est obstrué de mille manière.  L’amour sincère et gratuit qu’on leur manifeste les ouvre progressivement à la rencontre du Tout Autre.

Dieu providence et Dieu Père

Travaux de théologie – Par Jean Beauchemin, le 20 mars 2008

1.  Comment interprétez-vous Matthieu 6, 25-34?  Peut-on y voir en même temps une affirmation et un renversement de l’idée de providence divine?

En Matthieu 6, 25-34, il est évident que le Christ veut, en partant de ce que son auditoire connaît de la Providence, les conduire à comprendre les vues de Dieu sur l’humanité. Ses vues vont au-delà de ce qu’on avait compris à ce moment d’un Dieu aimant qui voit à ce que ses enfants soient pourvus des biens essentiels et plus encore.

Pour les gens de son temps, l’élection divine était confirmée par l’abondance des biens qui leur étaient donnés par la vie (ou par Dieu).  « Observez les lis des champs, comme ils poussent: ils ne peinent ni ne filent.  Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. » (Mt 6, 28b-29)  Il ne s’agit donc pas d’une Providence qui se contente de donner le nécessaire, non plus d’une Providence qui assure l’abondance.  Il s’agit d’autre chose.  Quand le Christ leur parle ainsi, il essaie de leur faire voir que s’abandonner à la Providence va au-delà de ces choses terrestres. PLUS PRÉCISÉMENT, IL LES INVITE À NE PAS SE PRÉOCCUPER OUTRE MESURE DU NÉCESSAIRE À LA VIE, NON PAS PARCE QUE CE N’EST PAS NÉCESSAIRE, MAIS PARCE QUE DIEU Y POURVOIR. L’ENSEIGNEMENT COMMENCE DONC PAR UNE AFFIRMATION DE LA FOI EN LA PROVIDENCE DIVINE. Il veut leur faire voir ce à quoi Dieu nous invite: la confiance de la foi.  Le texte veut nous manifester qu’il est évident pour Dieu d’assurer à ses enfants le nécessaire pour leur vie, comme tout bon parent le ferait. BIEN! « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux en donnera-t-il de bonnes à ceux qui l’en prient! » (Mt 7,11)

Le Christ nous invite à participer à l’œuvre de Dieu, en lui demandant par l’Esprit Saint de nous révéler son dessein sur nous et sur le monde.  Tout est là.  « Cherchez d’abord le Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. »  (Mt 6, 33)

Il s’agit de convertir notre désir ou d’orienter nos prières et nos actions vers l’accomplissement d’un monde tourné vers Lui, uni dans la réalisation du règne de l’Amour dans le monde. BIEN! MAIS IL SERAIT BON DE NOTER AUSSI LE RENVERSEMENT DE NOTRE FOI EN LA PROVIDENCE DIVINE : NOUS SOUCIER D’ABORD DU ROYAUME, DES INTÉRÊTS DU PÈRE PLUTÔT QUE DES NÔTRES En entrant dans cette volonté de Dieu sur nous, on sort du réflexe premier de vouloir obtenir pour soi des privilèges ou autres biens matériels.  On pénètre dans le mystère de la participation de l’humanité à la réalisation du Royaume de Dieu « car là seulement se trouve l’ultime accomplissement de l’être humain » (Notes de cours, p.77)

Cette attitude-là nous place dans un état de vigilance qui nous dispose à contrer le mal.  Le mal qu’il nous faut redouter n’est pas celui qui s’attaque au corps mais celui qui tue l’âme, « celui qui peut perdre dans la géhenne à la fois l’âme et le corps » (Mt 10,28)  Il s’agit ici du mal qui nous divise intérieurement, qui nous empêche de placer notre âme et notre corps au service de Dieu, seule chose qui puisse vraiment nous combler.

Combien d’entre nous ont expérimenté dans leur vie s’être détaché des préoccupations terrestres et avoir dès lors goûté la profondeur de vérité livrée par le Christ en Mt 6, 25-34 ?  Personnellement, lors du décès accidentel de mon frère aîné, au moment où nous étions tous réunis, mes parents nous demandèrent qui voulaient manger puisqu’il était l’heure du repas.  Nous n’avions pas faim mais comme à l’accoutumée, nous avons demandé à mon père de faire une prière.  Spontanément mon père a entonné le bénédicité chanté: « Nos cinq pains et nos deux poissons ».  À l’amen, un camion entrait dans la cour: c’était un propriétaire de dépanneur du village qui avait eut l’idée d’apporter un plein chargement de nourriture, sachant que la famille était nombreuse.

Voilà ce qu’est la Providence divine: nous n’avions pas la préoccupation de comment nous allions nourrir les 50 à 60 personnes qui allaient défiler à la maison, mais nous étions plutôt absorbés par l’expérience que nous partagions alors, cherchant à nous émerveiller des signes que Dieu avait déjà accompli dans la mort de ce frère rebelle, qu’Il nous manifestait comme réconcilié désormais.  Alors que la famille, spontanément, s’était tournée vers le sens spirituel de l’évènement, Dieu, Lui, à travers la charité d’un marchand, s’est assuré de nous pourvoir en tout le nécessaire.

9/10  TRÈS BIEN!

4. Doit-on considérer l’appellation chrétienne de Dieu-Père comme un vestige de

    l’antique société patriarcale?

La désignation de Dieu en tant que père remonte bien loin dans l’histoire humaine. Elle est venue naturellement dans l’imagerie sur Dieu parce qu’elle correspondait à la conception que nous nous faisions d’un être pourvoyeur et protecteur. En effet les sociétés, qu’elles soient familiales ou civiles, étaient fondées sur le modèle patriarcal. Cela impliquait que chaque membre du groupe avait un rôle pré déterminé basé sur un schéma hiérarchique qui donnait au père la position de tête; le père tenant la place d’autorité, les autres membres du groupe avaient des fonctions de service. Les sociétés civiles ne firent que reproduire le système existant dans les communautés familiales. BIEN!

Ce système avait l’avantage d’assurer à chacun une place et un rôle à jouer dans le groupe, mais il était quasi impossible de changer cette situation sans s’exposer à la mort. C’est de ce constat – celui de l’aliénation des individus dominés – qu’a surgit la conception des sociétés modernes dans lesquelles il n’est plus nécessaire de se plier au modèle ancien, foncièrement patriarcal. Les individus d’aujourd’hui ont la possibilité de se distinguer (ET MÊME DE SE SÉPARER) par rapport au groupe d’appartenance; on reconnaît sans malaise que tous les humains sont égaux et ont les mêmes droits. Les sociétés sont de plus en plus bâties sur le principe que nous sommes tous frères et sœurs; c’est sur le modèle d’un « contrat social » plutôt que sur le modèle hiérarchique que se structurent les sociétés actuelles.

Il n’y a donc plus – ou en tous cas, de moins en moins – de références évidentes à faire entre la constitution des communautés familiales ou la hiérarchie patriarcale de la religion (avec comme figure de proue Dieu Père), d’une part, et la structure des sociétés civiles, de l’autre. Ces conceptions ont été à l’origine de beaucoup d’excès et répugnent à beaucoup de nos contemporains. Il y a de toute évidence une modification importante de la perception du sens de l’appellation de Père apposée à Dieu. Dans la Bible, elle est synonyme de Patriarche, au sens de responsable, ou plutôt d’initiateur de l’Alliance. ??? DANS L’A.T., DIEU EST DIT « PÈRE » EN TANT QU’AUTEUR DE L’ALLIANCE, PLUTÔT QUE EN TANT QU’AUTEUR DE LA VIE. CE N’EST DONC PAS AU SENS PATRIARCAL. C’EST PROBABLEMENT CE QUE VOUS VOULEZ DIRE, MAIS IL FAUDRAIT LE PRÉCISER. Dieu est celui qui assure la justice et défend l’étranger dans un contexte où  toutes les nations sont invitées à se reconnaître comme étant de la descendance d’Abraham. Le lien de communauté familiale – appliqué par extension au clan – est brisé et fait place à l’universalité de l’Alliance: nous sommes tous frères et sœurs sous le regard de Dieu. TRÈS BIEN!

Mais la conception paternaliste (PATRIARCALE) est encore trop présente dans certains milieux y compris dans les milieux ecclésiaux et pose un problème de crédibilité. Les sociétés modernes ne se reconnaissent plus dans le rapport patriarcal, dans la mesure où le concept ne concède pas le droit à «l’émancipation et la libération par rapport au père» (Jean Lacroix, Force et faiblesse de la famille, Paris, Édition du Seuil, 1948, p.13); il faut, par conséquent, que les institutions arrivent à faire ressortir le côté bienveillant du rôle qui leur est dévolu. D’ailleurs, ce Dieu, que le Christ lui-même appelle Abba  (Père), se manifeste en contestant l’ordre existant ; il fait sortir le peuple juif d’Égypte, il nous invite, par les paroles du Christ, à ne reconnaître la paternité qu’en Dieu seul, nous décrétant tous frères et sœurs et donc égaux.  Il nous appelle ainsi à jeter un regard nouveau sur l’ordre social… dans la perspective où nous sommes plus que des enfants: nous sommes des fils et des filles par adoption filiale, tous appelés à jouir de l’Alliance.

9.5  TRÈS BIEN

S’AGIT-IL ICI (DANS CE QUI SUIT) DE LA QUESTION 5? MAIS IL N’Y A PAS DE RÉFÉRENCE À L’AUTEURE : R. RUETHER-RADFORD.

CE QUI SUIT SE RAPPORTE PLUTÔT À LA QUESTION 5. VOUS POURRIEZ VOUS CONTENTER DE MONTRER ICI QUE CE DEUXIÈME SENS DE « PATRIARCAL » (DOMINATION DE L’HOMME SUR LA FEMME) DÉCOULE DU PREMIER. Il subsiste un malaise important en ce qui concerne le rapport de la femme et de la mère à la structure patriarcale des rapports sociaux et cela particulièrement dans les sociétés religieuses. L’Église, qui est l’une de ces sociétés, tout en reconnaissant l’égalité des sexes, tarde à reconnaître le plein accès des femmes aux mêmes fonctions que les hommes. Il y a, conséquence de cet état de fait, émergence de mouvements féministes contestant la «dénomination exclusivement masculine de Dieu dans le christianisme» (p.135). On voit, dans cet exclusivisme masculin, les bases d’une société discriminante pour les femmes, et, dans l’image d’un Dieu Père, une assise pour le maintien du statu quo des rôles dans l’Église. Les femmes prennent conscience de leur identité propre et se reconnaissent de moins en moins dans un christianisme où Dieu ne s’adresse pas à elle autrement que par l’intermédiaire d’un homme.

À mon avis, la conception d’un père dominant est une compréhension erronée de ce que le Christ nous en a révélé. Dieu est présenté en tant que Père mais l’Esprit qui l’anime, la « Rouah », incarne la féminité qui L’habite (CETTE INTERPRÉTATION DE L’ESPRIT-RUAH N’EST TOUT PROBABLEMENT PAS EXACTE.) «Dieu est Père, mais plus encore Il est Mère» ( Jean-Paul I, Angélus du 10 septembre 1978, Documentation catholique, vol. 75, p.836). La tendresse dont Dieu fait preuve est une tendresse toute maternelle. Mais notre perception du rôle du père est altérée par l’expérience difficile de l’émancipation des femmes. Beaucoup d’hommes ont de la difficulté à se resituer dans leur rapport à la famille, aux enfants et à la femme. Plusieurs ont adopté une attitude de refus du changement, ont tenté, ou tentent encore, de maintenir les femmes dans la servitude. Elles se sentent dévalorisées, infantilisées et n’ont que plus envie encore de rejeter le concept de père – et par extension de Père. Il y a dans cela une faute malheureuse que nous portons tous, parce que de tout temps les rôles de mère et de père ont été une source prolifique de vie et d’amour, de protection mutuelle dans des sphères plus naturelles et plus spontanées à chacun d’eux. Dieu ne nous a-t-il pas fait homme et femme à Son image et à Sa ressemblance? Dieu nous appelle à une maturité pleinement assumée, dans un rôle d’adulte responsable de lui-même et des autres, et les femmes ont depuis longtemps démontré leur capacité à s’acquitter de cette tâche.Quant à l’image du Père, si, effectivement, notre visage du père est modifiée, si notre expérience de paternité est renouvelée, si nous avons la chance de côtoyer des pères bienveillants et des pasteur(e)s soucieux (ses) de ceux qui leur sont confié(e)s, nous n’aurons désormais plus de problèmes avec l’appellation chrétienne de Dieu Père.  Elle nous semblera désormais juste et bonne parce qu’elle correspondra dans notre vécu à une expérience bienfaisante et vivifiante.  C’est aux pères et aux pasteurs à correspondre au bienveillant visage de Dieu Père.  Non pas au Père de se révéler autrement pour ne pas être identifié aux mauvais pères et aux mauvais pasteurs dont nous avons trop souvent sous les yeux le triste exemple.

8/10

NOTE DU TRAVAIL : 26.5/30

La mission aujourd’hui?

Travail de Missiologie – Par Jean Beauchemin et Johane Filiatrault, le 9 novembre 2007

1.  Sachant que les autres sociétés humaines disposent déjà de leurs propres systèmes religieux qu’elles regardent comme autant de voies satisfaisantes de salut, comment pensez-vous justifier la finalité de la mission?  Celle-ci ne vous semble-t-elle pas inutile dans ce cadre, voire saugrenue dans le sens où elle tendrait à vouloir s’imposer ailleurs coûte que coûte?

« Voici qu’en effet les ténèbres couvrent la terre et un brouillard, les cités, mais sur toi le Seigneur va se lever et sa gloire, sur toi, est en vue. »  Isaïe 60,2

Est-ce qu’en regardant les autres sociétés (Afrique, Inde, etc) on perçoit les personnes qui les composent comme étant vraiment épanouies et libres telle que voulues par Dieu dans son bienveillant dessein pour l’humanité?  Les enfants soldats, les enfants esclaves exploités au travail, les enfants prostitués et exploités sexuellement, les enfants hyper sexualisés et sur consommateurs de nos sociétés à nous, les femmes maintenues en soumission comme de perpétuelles mineures dans les sociétés islamiques, les femmes excisées en Afrique, les femmes discriminées dans notre Église même, est-ce là le monde de respect et de joie rêvé par Dieu ?  Si la réponse est non, nous avons là une justification très forte à la mission de l’Église.

Peu importe ce qui est la culture ou la religion de l’autre, on est appelé à lui révéler qu’il ou qu’elle est conçue pour la rencontre du Tout Autre, que cet appel à la rencontre est inscrit dans les racines profondes de son âme.  Il y a dans tout être humain une aspiration à l’absolu qui se manifeste de toute sorte de manière – en devenant Caligula ou Mère Térésa.  Il s’agit d’un besoin incontournable, primal et viscéral, qui peut mener l’être humain à tous les excès: excès de consommation, de pouvoir politique, excès de déchéance, de dépression, excès de dévouement à une cause pouvant même conduire au martyr, excès de mortification, de don de soi à la cause humaine – y compris même excès d’Amour.  Dans tous ces excès, négatifs ou positifs, la même soif « d’explosion » de soi est manifestée.  Seul un Absolu divin peut assouvir ce besoin viscéral d’absolu qui hante l’être humain.  Pouvons-nous nous taire face à cette quête dramatique de nos contemporains?

« Je vous le dis, si eux se taisent, les pierres crieront. »  Luc 19, 40

Tout chrétien est fondamentalement un transmetteur du trésor qu’il porte en un vase d’argile.  Saisis par le Christ, nous devenons donneurs de vie.  Nous qui avons été libérés par le Christ, et remplis de Sa lumière, nous devenons à notre tour des libérateurs pour nos frères et sœurs.  Cela se produit par une sorte d’osmose qui est un phénomène naturel: la simple présence d’un chrétien profondément converti dans une société est par elle-même un agent de transformation; ne citons que Martin Luther King, mère Térésa, Jean-Paul II, frère Roger, qui, protestants ou catholiques, ont profondément métamorphosé les sociétés.  La paix et la joie établies par Dieu dans une âme ne peuvent que se transmettre.  Être missionnaire, c’est laisser la graine, semée en nous par l’Esprit, parvenir à maturité, devenir un grand arbre et porter du fruit capable de nourrir une multitude.

2.  Si l’on vous disait qu’en raison d’un surdéveloppement de l’humanitaire, l’entreprise missionnaire n’était réellement plus nécessaire, quelle serait votre réponse pour continuer à justifier l’activité missionnaire?

 

Il restera toujours des couches plus profondes de l’être humain à civiliser, à évangéliser, à ressusciter.  Les sciences modernes ont démontré qu’une partie du cerveau est conçu pour la rencontre de l’Absolu, « le cerveau mystique ».  L’être humain a donc besoin, pour son équilibre, de nourrir cet aspect là de son être pour s’épanouir harmonieusement et pleinement, tout comme l’aspect rationnel ou affectif ou corporel de sa personne.  Même si tous les autres besoins humains seraient comblés par un surdéveloppement de l’humanitaire, il resterait les besoins spirituels inscrits dans l’homme.

Selon nous, les termes « entreprise missionnaire » et « activité missionnaire » sont faussés à la base, parce qu’il n’existe pas un tel moment où on est en entreprise missionnaire ou en activité missionnaire; il existe une vie où chaque moment, chaque geste, chaque pensée, est imprégné de la présence de Dieu, Lui qui aspire à se répandre partout et en tous, faisant de notre personne entière et à tout moment un être missionnaire.  « Je suis venu jeter un feu sur la terre et comme je voudrais que déjà il fut allumé! » Luc 12, 49

Certaines spiritualités anciennes ou actuelles nous enseignent que l’être humain est un tout, qu’on perd à vouloir compartimenter.

 

L’avortement – Analyse morale

Travail de théologie morale – Par Jean Beauchemin, 18/04/2010

Le cas d’une mère de 3 enfants, enceinte d’un 4ième. Son médecin lui annonce que sa grossesse présente des risques importants pour sa santé : une tumeur décelée à la première échographie devrait être opérée rapidement pour sauver sa vie. Mais l’opération suppose la mort du fœtus. Néanmoins, le fœtus ne présente aucune anomalie et peut être porté à terme; en sachant qu’il sera alors trop tard pour opérer la maman. L’équipe médicale lui propose fermement l’avortement.

Dans l’approche chrétienne de ce type de problématique, on ne peut se substituer à la personne qui doit faire ce choix. Il faut donc, avant d’intervenir auprès d’une personne qui doit faire ce choix, se questionner soi- même sur l’approche à adopter, tout en considérant que nous nous construisons au travers de nos expériences. Le philosophe français Henri Bergson a émis l’idée qu’une société avait besoin de règles communes pour orienter ses relations à l’intérieur du groupe. Mais à quelles « règles » cette théorie s’applique-t-elle?  Ne voit-on pas que, partout sur la planète, de plus en plus de gens dans toutes les sociétés reconnaissent dans les valeurs de vérité et de respect mutuel les règles fondamentales  de toute société?  L’Amour est la source, la racine de ces valeurs: « À ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. » (Jn 13,35), «  l’homme n’est justifié que par la foi en Jésus-Christ et non par les œuvres de la Loi » (Ga 2,16; Rm 3,28). Il me faut donc essayer d’aborder ce cas spécifique en tentant de respecter autant que possible l’enseignement du Maître, me rappelant que «  Unique est celui qui est bon » (Mt 19,17).

La décision de poser tel ou tel acte dans une situation donnée doit tenir compte de la liberté intérieure et fondamentale de tout être humain. Elle sera influencée et déterminée  par son expérience personnelle de ce qui est bien et de ce qui est mal. Et mon intervention dans l’orientation du choix d’une autre personne, ne doit jamais lui faire perdre de vue sa dignité devant Dieu. Mon évaluation de la situation doit tenir compte d’abord de l’intention et de la quête de sens personnelle que recherche cette mère. La personne vivant le cas particulier qui est soumis ici optera nécessairement pour ce qui, selon sa conscience et son vécu, lui paraît bon. Mon intervention doit prendre en compte cet état de fait. Puisque tout être humain est libre et Dieu seul est bon; nous sommes elle et moi incapable d’assurer un choix parfaitement juste et exact devant Dieu, deux fondements de l’enseignement moral de Dieu et du Christ. La qualité de l’amour dont je fais preuve envers mon prochain est déterminante dans la réflexion que nous faisons ensemble.

Cette réflexion doit assurer que la mère peut considérer l’importance et la valeur de la vie des enfants déjà nés et de celui à venir, de l’importance de la croissance physique et psychique de chacun d’eux, dans l’éventualité de son décès. Dans l’élaboration philosophique de ce qu’est un être humain, il est dit que la qualité de présence à l’autre est essentielle à la compréhension de l’unicité de l’autre et de la mienne propre. Cette mère aura à prendre en compte la qualité des rapports familiaux à savoir s’ils sont aptes à favoriser l’épanouissement des autres et d’elle-même. La vérité, c’est qu’on a le droit de se poser ces questions. L’être humain en tant qu’être relationnel créé à l’image de Dieu et déjà sauvé par le Christ, n’a pas dans son propre sacrifice une assurance de salut. Si « l’amour est le plein accomplissement de la loi » (Rm 13,10), il me faut accompagner cette femme dans une attitude qui ne porte pas de jugement sur son choix et se contente d’accueillir ses craintes et ses appréhensions dans une démarche qui cherche à manifester en toute liberté l’Amour compatissant de Dieu pour le monde.

Il n’y a pas dans cette situation particulière d’options évidentes et faciles. Il nous faut regarder ensemble ce qui constitue pour elle son projet de vie. Ces enfants sont-ils seulement une conséquence de ses actes sexuels ou bien des êtres conçus dans l’objectif de donner à Dieu un être nouveau destiné à Son Amour? Si, comme les hédonistes, cette mère a construit sa vie sur le plaisir et la facilité, sa réflexion ne lui posera comme problème que l’inconfort de l’avortement non prévu de l’enfant. Il lui sera difficile sinon, impossible de considérer qui que ce soi d’autre qu’elle-même parce que trop centrer sur les plaisirs de l’existence. Mais il est rare aujourd’hui de voir ce genre de réaction puisque la valeur intrinsèque de la vie humaine est largement reconnue et, de toute manière, une mère qui endosserait ces valeurs ne s’intéresserait pas à l’opinion d’une tierce personne. Elle choisirait, sans approfondir la question, l’avortement dans le seul but de sauver sa vie, sans considérer l’enfant à naître ni même ceux qui sont là.

Il me faudrait chercher avec elle les valeurs qui l’habite, ce qui pour elle est fondamental parce qu’il est dit « Cette foi que tu as, garde la pour toi devant Dieu. Heureux qui ne se juge pas coupable au moment où il se décide. Mais celui qui mange malgré ses doutes est condamné parce qu’il agit sans bonne foi et que tout ce qui ne procède pas de la bonne foi est péché » (Rm 14 22,23). Jésus au travers de toutes les mises en garde faite aux scribes et aux pharisiens, nous met en garde, nous, les croyants qui agissent en tant que « spécialistes » des Écritures auprès de ceux qui se sont éloignés des valeurs enseignées par l’Église. Notre excès de confiance dans la justesse de nos convictions comme étant celles de Dieu Lui-même, est plus sujet à causer le mal que le bien.

L’une des difficultés de ce cas réside dans la reconnaissance ou non d’un fœtus en tant qu’être humain, ou à quel stade de développement un fœtus devient-il un être humain? Est-il mal, si c’est un être humain, de mettre un terme à cette grossesse dans les circonstances qui prévalent ici, soit la mort éventuelle de la mère? Il s’agit d’un pré-requis important au jugement susceptible de conduire à poser un acte moral libre. Elle peut aussi opter pour sauver sa vie afin de poursuivre la tâche entreprise avec les enfants déjà présents.  Dépendamment de son expérience de vie et de sa culture elle peut aborder la question en se disant qu’elle n’a pas le choix; elle doit mourir et laisser l’enfant vivre, mais ici, le risque est qu’elle prenne cette décision sans conviction et sans amour. À cela Saint-Paul dit : si je n’ai pas d’amour je ne suis rien, et si cette mère agit dans le doute, on l’a vu plus haut, elle est déjà condamnée.

Elle peut aborder son problème avec le regard de différents courants de pensés qui ont cours aujourd’hui. La mère pourrait opter pour une approche dite de l’ « éthique procédurale », conduisant à un choix déterminé à partir d’un échange où on dégagerait ensemble ce qui constitue ses convictions éthiques et les miennes, dans un dialogue ouvert. Il s’agit d’une approche basée sur la tolérance puisque je dois accepter que mon opinion ne soit peut-être pas celle qui sera retenue. Il est possible avec cette approche qu’une erreur soit commise, puisqu’elle ne se préoccupe pas particulièrement de valeurs morales fondamentales ou d’une métaphysique quelconque. On se contente de vérifier ce qui fait consensus sans à priori d’une éthique ou d’une morale précise parce quelles « brise la règle de la tolérance ». Elle offre tout de même l’opportunité de manifester des valeurs qui nous semblent fondamentales. De cette manière nous pouvons ensemble chercher une réponse à une situation qui va nécessairement, toutefois, engager plus que nous, soit ceux qui n’auront pas voie au chapitre.  Peu importe ce que nous retiendront comme étant le geste juste, il deviendra la « norme à la conscience morale personnelle ».

Elle pourrait choisir le courant « proportionnaliste » élaboré par un père jésuite du nom de Peter Knauer. Il s’agit  d’un courant qui croit que les valeurs morales sont édictées par la raison et la Révélation. Le « proportionnalisme » considère que le bien et le mal sont toujours entremêlés et qu’on peut déterminer ses choix en « pesant » le pour et le contre dans une situation donnée afin de déterminer l’option à retenir. Ce choix obligerait à renoncer à certains biens et à accepter certains maux, considérés comme « pré-moraux » et orienterait le sujet dans son choix d’options. Ainsi, la mère se voit encouragée à réfléchir à ce qui, selon son vécu et ses valeurs, constitue un choix libre et éclairé. Bien sûr, cette approche implique que je n’impose ni mes valeurs ni celle de la société ni même l’interprétation faite du Décalogue par le Magistère. Dans le respect de la pensée proportionnaliste, les adjuvants (la vérité sur la dignité de la personne, le désir d’être heureux, la liberté fondée sur la vérité, l’Amour) doivent prendre en compte l’importance de l’enfant à venir mais aussi ceux présents. Quel est le choix des parents, la mère et le père de l’enfant à naître, pour réaliser leur projet de vie? L’objet de leur choix devrait-il porter sur l’enfant à naître ou sur les autres?  En cernant son projet de vie, la mère sera plus en mesure de faire un choix libre, respectueux et heureux. Le vrai chemin fondamental de tout croyant est de marcher à la rencontre de son Créateur et, autant qu’il lui est possible, d’aider ses frères et sœurs dans cette voie. L’enfant mort dans le sein de sa mère n’est évidemment pas menacé par sa mort à elle. Mais les enfants laissés derrière par la mère recevront-ils cette qualité de présence déterminante dans le rapport à l’autre soulignant leur unicité, cette présence gratuite qui conduit à la rencontre de Dieu? Là est mon défi, comment l’aider à suivre son projet de vie, en acceptant que « ce qui est trop difficile … ne le recherche pas, ce qui est au-dessus de tes forces ne l’examine pas » (Si 3, 21).

Si c’est son désir, je peux l’accompagner dans sa réflexion,  respectant sa liberté de prendre une décision qui soit empreinte de son cheminement à elle. Délibérer, c’est réfléchir en se questionnant sur les conséquences de chacune des options qu’on peut identifier, s’appliquant au cas particulier de cette mère. Je dois tenter de comprendre ce qui motive son choix; est-ce de l’orgueil, de l’indifférence, etc…? L’acte de faire mourir un enfant n’est pas souhaitable, cela va de soi, mais choisir de ne pas accompagner ses enfants déjà nés dans leur croissance vers Dieu et les laisser avec le sentiment que leur mère a préféré les abandonner, eux, n’est pas simple non plus. Pour la mère, la crainte que ces derniers ne perdent leur âme – conséquence de cette blessure – est peut-être encore plus insupportable que sa propre mort (incluant le risque de se perdre elle-même). J’aurais beau retourner cette question dans tous les sens, je reste avec le sentiment que le choix de cette mère est beaucoup trop complexe pour qu’une tierce personne vienne lui faire porter le fardeau de la culpabilité. Regarder ensemble ses convictions et lui offrir mon aide et mon soutien seraient tout ce qu’il me paraît aimant de faire.

Références

-SOCIÉTÉ BIBLIQUE CANADIENNE, Traduction œcuménique de la Bible,                 Montréal, 1992

 

-Note de cours, THL 1002, L’agir chrétien, les fondements

Et si 2012 n’était « que » cela ?

Depuis des millénaires, les prophètes judéo-chrétiens entrevoient et annoncent une ère de paix sur la terre, précédée d’un renouvellement complet de tout ce qui vit et existe. Depuis longtemps, l’être humain s’accroche à cet espoir pour trouver la force de traverser les tempêtes et calamités qui s’abattent sur lui, innombrables et de plus en plus inquiétantes. Qu’en est-il de ces prophéties : fumisterie, utopie, ou destinée de l’histoire?

Et voilà que les Mayas mêlent leurs voix à celles des Isaïe, Jésus, Jean de l’Apocalypse, Malachie (et sa prophétie des papes), Conchita de Garabandal, Vassula Ryden et tant d’autres, qui ont affirmé et affirment encore que d’extraordinaires changements surviendront sur la terre. Toutes leurs prophéties et annonces convergent : l’humanité aura à traverser de grands bouleversements (qui tirent heureusement à leur fin!) puis surviendra l’aboutissement de ce douloureux enfantement et le début d’un temps magnifique. Nous vivons à la jonction de ces deux « temps » et, bien que douloureusement inconfortables, il s’agit des temps les plus exaltants (du point de vue de l’humain) depuis le début de l’histoire du monde. Voir s’implanter l’aurore d’un monde de justice et de respect envers l’humain et son environnement, sentir poindre l’avènement d’une conscience universelle, assister à la naissance d’un immense mouvement de solidarité sans frontières : voilà l’exaltation – l’exultation! – que goûtent celles et ceux qui savent y voir.

De telles promesses de bonheur pour l’humanité n’ont rien d’étonnantes : ne répondent-elles pas à l’immense aspiration enfouie au plus secret de chaque être humain? Et la bonne nouvelle là-dedans, c’est qu’elles sont réalisables, ces promesses, dès que l’être humain cesse de s’accrocher à la tyrannie des illusions qu’il poursuit. Voilà où se situe la mission des Ouvriers de Paix dans ce monde en enfantement : être le signe vivant de la réalité du monde nouveau dont l’aurore se dessine maintenant, vivre déjà à la manière dont nous vivrons dans cette nouvelle humanité à naître, être l’incontestable preuve que ce nouvel art de vivre est d’ores et déjà possible. Alors, fi à l’utopie ! Que celles et ceux qui n’y croient pas viennent et voient. Rares sont ceux qui sont venus pour un court ou long séjour et qui ne sont pas repartis en disant : « Il se passe ici quelque chose qu’on avait encore jamais vu ». C’est là l’œuvre de Dieu, et nous sommes les premiers – nous qui en sommes les simples instruments – à nous en émerveiller chaque jour. (Ici, pas d’évangélisation, pas de prosélytisme : nous cherchons simplement à goûter (et faire goûter) le bonheur de vivre comme des frères et sœurs, le bonheur d’être unis et en paix, le bonheur de travailler paisiblement au règne de Dieu et de recevoir en échange tout ce dont nous avons  besoin et plus encore!)

En ces temps qui sont les derniers d’un monde corrompu allant vers sa ruine, et les premiers d’un monde où la sagesse et l’affection règneront, je m’interroge :

– La folie, aujourd’hui, n’est-elle pas de continuer de nier à Dieu le droit d’exister, alors qu’Il crie de mille manières à quel point Il a soif de l’amour de l’humanité?

-Comment nos pauvres esprits peuvent-ils encore combattre des preuves matérielles incontestables telles que le suaire de Turin, le miracle de Lanciano et l’apparition de Guadaloupe à Juan Diego?

-Et si Dieu existait, tout simplement? Et si les temps de paix et de prospérité promis étaient là, juste devant nous, à nos portes? Et si l’avènement promis du Christ survenait dans nos cœurs à chacun(e), bientôt, comme une rencontre fulgurante et bénie, comme un rendez-vous avec la Vérité elle-même, comme le commencement d’un bonheur durable et jamais encore goûté, comme le début d’un état de conscience renversant?

Johane Filiatrault

Souvenirs – De Johane

Ayant grandie près de la rivière Outaouais, petite, j’entendais de chez moi, au loin, le sifflement du train, qui m’appelait vers de mystérieux territoires, inconnus et fascinants. Aujourd’hui j’entends, ténues de chez nous, les sirènes de bateau, défiant la brume sur le majestueux St-Laurent; et s’ouvrent à moi des horizons plus vastes encore, appelant mon âme aux confins de ce monde, à la rencontre de l’autre.