Les lettres de Paul

Travail biblique – Par Jean Beauchemin, le15 septembre 2007

Parmi les écrits bibliques, peu d’auteurs peuvent prétendre avoir influencé leurs contemporains autant que celui désigné comme l’apôtre des païens, Paul de Tarse.  Il fut d’une telle importance dans le développement du christianisme que quelques uns de ses écrits auraient été repris et modifiés afin de faire valoir certaines opinions d’auteurs parfois plus soucieux de faire connaître leurs propres idées que de transmettre celles de leur maître à penser.  Les écrits pauliniens ont donc fait l’objet de nombreuses études exégétiques afin de vérifier ce qui serait susceptible d’y avoir été modifié.

Parmi les lettres de l’apôtre, la première lettre aux Thessaloniciens posa – et pose encore pour certains – des difficultés, particulièrement au chapitre 2, versets 14-16, où l’auteur critique avec une extrême sévérité les Juifs de Judée.  Alors que l’épître est composé sur des teintes de douceur et de louange, qu’est-ce qui justifie un ton soudain si hargneux?  Ce passage est-il bien du même auteur que le reste du texte?  Voilà la question qui se pose inévitablement à la lecture critique de la première épître aux Thessaloniciens.

La lettre a-t-elle été écrite avant ou après les réprimandes des apôtres Pierre et Jacques sur l’accès des païens à la rédemption?  La fin du verset 16 de la lettre: « elle est tombée sur eux, la colère pour en finir », fait-elle allusion à la destruction du temple et de Jérusalem par Rome en 70 de notre ère?  C’était quelques unes des questions qui me venaient à l’esprit à la lecture de ce passage du texte.  Est-ce que cet évènement était antérieur ou postérieur à la composition de l’épître?  S’il s’avérait qu’il était antérieur, ce serait là un indicateur valable que 1Th aurait été modifié par les successeurs de Paul.  S’il fallait au contraire conclure que la destruction du temple était postérieure à la rédaction de cette lettre, à quoi réfère ce sentiment de colère et de quasi vengeance de l’apôtre?

Pour trouver la réponse, les exégètes ont étudié quelle était la personnalité de Paul, ce que l’on sait de l’homme, de son vécu, de son caractère.  Quel était son style d’écriture, en comparant ce passage à d’autres écrits qui lui sont attribué? À qui s’adressait-il et quelles pouvaient être les raisons qui auraient motivé ce ton de condamnation?   Pour finalement trouver la réponse à cette fameuse question: pourquoi ce ton de condamnation si sévère envers le peuple de l’Alliance, son peuple.

Qui était ce Paul de Tarse?  Il est né à Tarse entre l’an 5 et l’an 15 de notre ère.  Il était lui-même pharisien et, comme ses contemporains, pratiquait la loi mosaïque avec foi et zèle.  Il est identifié à Saul, des Actes des Apôtres, qui aurait participé à la lapidation d’Étienne et à la persécution des chrétiens *1.  Selon Actes 9,1  Saul demande au grand prêtre la permission d’aller arrêter les chrétiens de Damas.  En route, il a des visions et se convertit au christianisme.  L’apôtre changera d’opinions, mais pas de caractère, ni de fougue!  Il restera l’homme profondément convaincu et prêt à mourir pour la cause.  Il va donc réagir et se comporter de la même manière dans les moments où ses idées se confronteront à celles des autres leaders de communautés chrétiennes.  Paul reçoit du Christ *2, confirmé par l’intermédiaire d’un disciple du nom d’Ananie la mission d’évangéliser les païens.  Il se fera un schisme dans l’Église naissante entre ceux qui croient que, sans suivre les commandements de Moïse, les païens sont appelés à la vie en Dieu au même titre que les Juifs, et ceux qui croient que les païens doivent suivre la loi mosaïque et se faire circoncire pour y accéder.  Paul devient le leader de ceux qui croient que tous les peuples sont appelés, sauvés par la grâce de Dieu et non par la pratique des règles judaïques.  Il vivra de nombreuses confrontations avec les apôtres et on peut penser que, tenant compte de sa personnalité, il ait pu parfois tenir des propos assez tranchants, provoquant ainsi l’ire de ses interlocuteurs.

Selon les études exégétiques, la première lettre aux Thessaloniciens aurait été écrite en 50 ou 51 de notre ère et constituerait la première lettre envoyée par Paul à une Église dont il est le leader.  Elle aurait été écrite de Corinthe où Paul se serait rendu après une première prédication à Thessalonique. Les exégètes ont été intrigués par certains aspects de la lettre qui se distinguent par rapport à d’autres écrits de Paul, au point où ils ont été amenés à se questionner sur l’identité de l’auteur.  La forme et le contenu diffèrent des autres épîtres de Paul en ce sens qu’il n’y a pas, dans l’adresse, de passage où Paul et ceux qui l’accompagnent sont désignés en tant qu’apôtres ou serviteurs du Christ comme il le fait dans ses autres correspondances.  On n’y trouve pas non plus un thème cher à l’apôtre et présent dans la plupart de ses lettres, soit celui de la justification par la foi; le principe qui soutient que nous sommes sauvés par pure grâce, par un don gratuit de Dieu.  Au moment d’écrire 1 Th, Paul est au début de sa croisade.  Les exégètes ont aussi fait reconnaître que l’apôtre s’attendait au retour imminent du Christ pour le jugement définitif de l’humanité.  On peut comprendre que devant l’urgence de ce qui lui paraissait imminent, Paul ait été convaincu que les opposants à la conviction qu’il avait de la volonté du Christ d’évangéliser les païens, étaient déjà condamnés, et que, de là, il croyait simplement exposer un fait.  C’est du moins ce que soutiennent, entre autres, Chantal Reyner et Michel Trémaille *3 : les opposants à la volonté de Dieu ne peuvent Lui plaire.Cette attaque est adressée non pas au peuple tout entier mais aux judaïsants seulement qui croient que le salut n’est accessible qu’à ceux qui suivent la Loi de Moïse. C’est l’opinion des deux exégètes et ils l’attestent, soutenus par un passage de la lettre aux Romains écrite plus tard et où Paul manifeste clairement son attachement au peuple d’Israël. . Reyner et Trémaille croient que lorsque Paul dit « les Juifs sont ennemis de tous les hommes », il le fait parce qu’il sent monter en lui un grand sentiment de colère face au peuple de la Révélation qui, par endurcissement, devient un obstacle au salut des autres.

À l’idée que 1 Th 2, 15-16 aurait été ajouté suite à la destruction du temple, ces auteurs soutiennent que l’idée ne s’appuit sur aucun indice littéraire, l’accepter soulèverait d’autres problèmes puisque ce passage a déjà  reçu l’approbation canonique.

Selon eux, la lettre est de Paul puisqu’elle contient les trois principes chrétiens fondamentaux que Paul défendra dans ses autres correspondances: la triade foi, charité, espérance, que l’apôtre rattache à l’action, la peine qu’on se donne et la persévérance.  Cette triade prendra une grande importance dans les écrits subséquents de Paul et donnera naissance à ce qu’on a appelé « les trois vertus théologales ».

Selon Jürgen Becker *4, dans son ouvrage « Paul l’apôtre des nations », il n’y aurait pas de changement dans la stylistique ou la structure de la lettre.  À son avis, foi-amour-espérance sont les mots-clés de sa construction et constituent le cœur de la lettre aux Thessaloniciens.  Il s’agit donc d’une lettre qui est fidèle aux idées et aux valeurs que Saint Paul défend.  Elle établit ce que l’apôtre défendra au cours de sa vie.  Mais elle est la manifestation de sa difficulté à comprendre et accepter l’incompréhension de ses frères juifs.  Cette lettre, et particulièrement les versets 13-16 du chapitre 2 manifeste les émotions que ressent l’homme inexpérimenté qu’il est, brûlant déjà du désir de convertir le monde avant le retour du Christ annoncé par ce dernier, et qui se met en colère devant le refus de ses pairs de croire à l’appel des païens.

Les principaux passages retenus pour dire que 1Th 2,13-16 ne serait pas de Paul sont : les Juifs « sont ennemis de tous les hommes », ils « mettent le comble à leur péché » et elle « est tombée sur eux la colère pour en finir ».  L’exégète Raymond E. Brown, dans son livre « Que sait-on du Nouveau Testament » traite la question sous deux aspects:

-le fait que tous les manuscrits connus de 1 Th contiennent cet extrait confirme qu’il est bien de Paul

-bien que Paul fasse mention de la colère de Dieu envers les Juifs, il reste convaincu de leur élection; mais leur élection « n’empêche pas une défaveur divine »*5  pour ceux du peuple qui se sont endurcis.  Paul semble dire ici que l’endurcissement du cœur des judaïsants suscite comme résultat la colère de Dieu.

Puisque depuis qu’on a découvert et étudié les écrits du Nouveau Testament, personne n’a trouvé de manuscrits ou de traduction où ses déclarations de Paul soient absentes,  il est vraisemblable que tous les ont crus conformes à l’original. On  reconnaissait donc à Paul une personnalité pouvant tenir de tels propos.

L’apôtre connaît les écritures; il s’exprime donc de la même manière que l’ont fait les Pères de la foi juive.  Dieu se met en colère chaque fois que l’un de ses enfants devient un empêchement à la réalisation de son avènement: voilà ce que Paul veut exprimer.  Sa compréhension d’un Dieu Père lui permet d’affirmer avec assurance que ce Père déshérite l’enfant rebelle tant qu’il ne reconnaît pas sa faute, non pas dans un esprit de vengeance ou de rage, mais dans le but de corriger, comme il est dit dans Siracide:  « As-tu des enfants?  Fais leur éducation et dès l’enfance fais leur plier l’échine. » *6

R.E. Brown, comme d’autres exégètes, est convaincu que Saint Paul s’exprime sur ce ton pour signifier que la conséquence finale de la résistance des judaïsants à la pleine communion avec les Païens incirconcis est la désapprobation de Dieu, « Sa colère ».  Mais Dieu aime son peuple et Paul le sait.  C’est ce que l’apôtre confirme spécialement dans ce passage: « Tout Israël sera sauvé ». *7   Toujours selon Brown, cela s’oppose à l’idée que des contemporains de Paul se soient servis de la crédibilité de l’apôtre pour défendre un concept véhiculé chez les Païens disant que les Juifs étaient loin du salut.

Plusieurs exégètes sont d’avis que les évènements qui ont précédé la composition de la lettre ont été déterminants quant au ton sur lequel elle a été écrite.  D’après Jorge S. Bosch, au moment d’écrire sa lettre, l’apôtre ne semble pas avoir pris pleinement conscience du message qu’il doit livrer, puisqu’on n’y trouve pas de passage où Paul se justifie par le « caractère extraordinaire de sa vocation » *8 comme on en trouve dans ses autres lettres.  Il s’agit donc d’un nouveau converti qui, après avoir été approuvé et appuyé par les apôtres et responsables des Églises se voit mis à l’index par ceux-ci.  En effet, Paul écrit la lettre alors qu’il a été chassé de Thessalonique par la communauté juive qui condamne son enseignement.  D’abord expulsé de Thessalonique et ensuite de Bérée, il passe à Athènes où son discours est tourné en ridicule, puis se rend à Corinthe d’où il écrit sa lettre.  C’est un homme blessé qui ne comprend pas la réaction de ses pairs.  Il leur parle donc de la même manière que l’ont fait les prophètes de l’histoire juive.  Paul

ne laisse pas de doute sur la perception et le jugement que Dieu porte envers ceux qui, après avoir été témoins de la conversion de l’apôtre et de l’impact de ses enseignements sur les communautés païennes, rejettent ce que Dieu lui-même agrée.

En définitive, la lettre est conforme par son style et sa forme aux autres écrits de l’apôtre exception faite de son introduction, où Paul ne fait pas allusion à son statut d’apôtre. On y retrouve aussi un thème qui lui est rattaché et qu’il reprendra dans ses écrits postérieurs, les trois vertus théologales: foi- amour- espérance.

Saint-Paul avait une personnalité capable d’affirmer ses convictions avec une étonnante assurance. Il l’avait démontré du temps où il défendait le judaïsme et il continue d’agir de la même façon après sa rencontre avec le Christ et son envoi en mission chez les Païens. Il est prêt à donner sa vie pour la cause. Il tiendra tête aux apôtres, aux autorités juives, aux chefs d’Églises mais ne cèdera rien quant à sa certitude que les Païens n’ont ni l’obligation de suivre la Loi de Moïse ni celle de se faire circoncire. La première lettre aux Thessaloniciens est écrite au début de son apostolat; Paul est novice.  Devant l’opposition de ses frères et ce qu’il comprend comme l’urgence de la situation, il n’a pas le choix: il dénonce avec véhémence l’attitude de ces derniers mais restera profondément attaché au peuple de l’Alliance.

Ni le moment où elle fut écrite pas plus que l’hypothèse qu’elle fut rédigée par des contemporains de Saint-Paul ne peuvent faire contrepoids à tous les autres arguments en faveur d’une rédaction paulienne. S’il en était autrement, Paul l’apôtre des Païens ne serait plus tout à fait lui-même.

 

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 : Actes des apôtres, 7,55- 8,3
  • 2 : Actes des apôtres, 9,15
  • 3 : 1 Thessaloniciens, 2,15
  • 4 : BECKER, Jürgen, Paul, « L’apôtre des nations », Paris/Montréal, Cerf/Médiaspaul, 1995
  • 5 : BROWN,  Raymond, Que sait-on du Nouveau Testament? Bayard, 2000  p.506
  • 6 : Siracide, 7, 23
  • 7 : Romains, 11,25-26
  • 8 : SANCHEZ-BOSCH, Jorge, New Testament studies, CambridgeUniversity, 1991 p.338

-Les extraits de la Bible sont tirés de: La Bible de Jérusalem, Desclée De Brouwer,      Paris, 1975

Examen-maison: 17 / 20

Examen final: 34.25 / 40

 

Voici votre résultat pour le travail long:

31/40      B –

Ecrits de saint Paul

L’INTERPRÉTATION DE 1 THESSALONICIENS 2, 14-16 Par Johane Filiatrault

Dans les pages qui suivent, je me propose de réfléchir sur le sens des versets 14 à 16 du chapitre 2 de la première épitre aux Thessaloniciens, vraisemblablement écrits par Paul de Tarse lui-même.  J’utiliserai la traduction biblique d’André Chouraqui, que je trouve personnellement plus savoureuse et parlante :

14 Oui, vous êtes devenus, frères, les imitateurs des communautés d’Élohim qui sont en Judée, en Iéshoua le messie, car vous avez souffert, vous aussi, de vos propres compatriotes, comme eux des Iehoudîm,

15 de ceux qui ont tué l’Adôn Iéshoua et les inspirés et nous ont pourchassés.  Ils ne plaisent pas à Élohim et sont à tous les hommes contraires. 

16  Ils nous empêchent de parler aux nations pour qu’elles soient sauvées, et, en cela, mettent toujours le comble à leurs fautes.  Mais à la fin la brûlure est venue jusqu’à eux.   

J’énoncerai d’abord les questions et problèmes soulevés en moi lors d’une première lecture critique de ces versets.  Je ferai ensuite part des résultats de mes recherches et de ma réflexion personnelle; en me basant sur de solides auteurs de référence, je chercherai alors à répondre aux questions suivantes :

Est-ce bien Paul qui a écrit ces versets que plusieurs ont taxés d’antisémites?

Quelles circonstances de la vie de Paul ont pu forger une semblable dureté de jugement envers ses frères juifs?

Qu’entend Paul par les affirmations suivantes : « Les Iehoudîm ne plaisent pas à Élohim », « ils sont à tous les hommes contraires », « en cela, ils mettent toujours le comble à leurs fautes », « Mais à la fin la brûlure est venue jusqu’à eux »?

Je concluraierai ensuite en faisant un lien entre le temps de Paul et « ces derniers temps qui sont les nôtres », en faisant également un parallèle entre la lutte de Paul pour libérer le jeune christianisme du judaïsme systémique et les temps difficiles que traversent actuellement les Églises en mal d’œcuménisme.

 Lors d’une première lecture critique de 1 Thessaloniciens, les versets 14-16 du chapitre 2 m’ont semblés tellement tranchants et hors propos que j’aurais bien aimé qu’on m’affirme qu’ils n’avaient pas été écrits par saint Paul!  J’avais beau chercher, je ne voyais pas de liens entre l’amont du texte et les versets en question.  Le début de l’épitre n’est qu’ouverture d’esprit et de cœur d’un homme rempli de la joie de l’Esprit Saint qui s’épanche à ses frères de Thessalonique.  On n’y trouve aucune mention des Juifs ou des Églises de Judée.  Paul s’y donne lui-même comme modèle, avec ses collaborateurs.  Puis, abruptement, le focus passe sur les Églises de Judées, présentées comme modèle aux Thessaloniciens, et sur les Juifs persécuteurs.  Le ton de l’auteur change tout aussi abruptement : resserrement de cœur et d’esprit, pense la néophyte que je suis, jugement sévère envers ses compatriotes juifs.  Au verset 15, « ne plaisent pas à Dieu », « sont ennemis de tous les hommes », sont des termes dursexpressions dures.  Pire encore, au verset 16 où l’auteur aborde les thèmes de la colère de Dieu et de ce qui ressemble à un désir d’extermination : « pour en finir », « ils mettent le comble à leur péché ».

Si on se contente d’une lecture de surface, il y a vraiment tout dans ces versets pour inspirer les sombres desseins d’un psychopathe tel Hitler!  De là à vouloir conclure que de tels versets n’ont pu être écrits par un homme aussi inspiré que Paul de Tarse, il n’y a qu’un pas… que j’aurais allègrement franchi!  C’est donc avec beaucoup d’intérêt que j’ai entamé ma recherche sur ces fameux « versets fatidiques ».

Est-ce Paul qui a écrit les controversés versets 14 à 16 de 1 Th 2 ?  Sans être unanimes, la plupart des exégètes s’entendent pour affirmer que le Tarsiote en est bien l’auteur.  Raymond E. Brown émet un argument décisif en faveur de l’attribution à Paul de ces versets : « Tous les manuscrits contiennent ce passage »*1 .  Puisque tel est le cas, il semble bien hasardeux de supposer qu’un copiste antisémite ait inséré ces versets dans le texte de Paul à un moment ou l’autre de l’histoire.  Renforçant cette position, Jürgen Becker,dans « Paul, l’Apôtre des nations », affirme que les opérations de critique littéraires n’arrivent pas à démontrer que la rédaction de 1 Thessaloniciens soit composite; au contraire, tout semble confirmer l’unité de la lettre.

Mais alors, si Paul a bel et bien écrit ces versets, quelles circonstances de sa vie ont pu forger une semblable dureté de jugement envers ses frères juifs?  Pour répondre à cette question, il faut d’abord poser une chronologie des évènements.  À quelle époque a été écrite la première lettre aux Thessaloniciens?  Jorge Sanchez Bosch analyse en détail cette question et conclut : « C’est surtout le fait de la surprise devant la mort (comme si tout le monde devait rester en vie jusqu’à la Parousie) qui nous permet d’affirmer avec plus d’assurance que 1 Th doit être le plus ancien parmi les écrits que nous possédons de Paul et sans doute le plus ancien de tout le Nouveau Testament. »*2   

Lettre antérieure à toutes les autres, donc, 1 Thessaloniciens aurait été écrite – toujours selon Bosch – immédiatement après les évènements d’Antioche.  Rappelons ces évènements.  Pour respecter une directive de Jacques qui a envoyé des émissaires à Antioche, Pierre et Barnabas se dissocient ouvertement de la position de Paul en se mettant à prendre le repas eucharistique à une table distincte de celle des païens.  Sans nul doute, Paul s’est sûrement senti trahi par les autorités de Jérusalem, aux tendances judaïsantes et sectaires.  Comment Pierre et Barnabas, témoins comme lui des grâces surabondantes versées par Dieu sur les païens, peuvent-ils encore faire une différence entre juifs et païens alors que Dieu, lui, n’en fait de toute évidence aucune?  Comment Jacques ne tient-il pas compte de l’expérience pastorale de Paul et de ses collaborateurs en imposant ainsi une décision unilatérale et arbitraire?  Premières blessures dans l’unité de l’Église, première rupture dûedue, comme toutes celles qui suivront, à une conception erronée de l’autorité et à une trop humaine et sempiternelle tentation de centralisation des pouvoirs :  « J’ai les lumières de Dieu et je décide, sans prendre conscience que les autres également ont les lumières de Dieu… sans prendre conscience que la seule manière de trouver la vérité ou la bonne décision à prendre, c’est de tenir compte également des lumières reçues par les autres ».  Dès l’origine, donc, s’est manifesté ce grand péché contre l’Église, commis par l’Église elle-même.

            Paul – pour rester fidèle à l’Esprit Saint – ne peut que se dissocier d’une telle position officielle.  Sa fidélité le mène à une rupture apparente.  Mais elle n’est effectivement qu’apparente, parce qu’il restera toujours en communion de cœur et d’esprit, et il cherchera effectivement toute sa vie à rebâtir les ponts… jamais cependant en sacrifiant l’essentiel de sa foi ecclésiale : un seul Esprit Saint, un seul Corps, une seule Table.

            Voici donc l’Apôtre des nations, blessé une première fois par ses frères Juifs, chrétiens comme lui.  Il l’a également été par ses coreligionnaires juifs non chrétiens qui ont refusé de l’entendre, l’ont chassé de leur synagogue et de leur ville, l’ont lapidé, et l’ont livré aux autorités civiles.  Pire encore que les blessures qui lui sont infligées personnellement, Paul est conscient que les Juifs blessent le Christ lui-même en refusant de croire en Lui, et qu’ils le blessent doublement en blessant l’Église du Christ : puisqu’ils empêchent l’Apôtre de proclamer la Voie, ils tuent dans l’œuf la possibilité qu’ont les êtres humains d’intégrer le Corps du Christ afin d’y trouver la plénitude de la réalisation du dessein de Dieu sur eux – le salut, comme l’entendait saint Paul.  À cause de la manière dont s’est déroulée sa première rencontre avec le Christ, à cause des paroles tranchantes qu’Il lui a alors adressées : « Je suis Jésus que tu persécutes », Paul jouit d’une telle acuité de conscience qu’il ne peut désormais plus détacher son esprit de cette certitude sans failles : L’Église et le Christ ne font qu’un et ils souffrent tous deux de ceux qui cherchent à empêcher leur union de s’accomplir.  En fait, toute sa vie d’apôtre se jouera autour de ce drame : il est celui qui doit préparer l’Épouse pour sa rencontre avec l’Époux.  Il doit toucher son cœur à elle pour qu’elle accepte de s’ouvrir à l’Amour, il doit la préparer pour les noces, afin que l’Époux puisse la trouver sans tâche tache aucune et parfaitement aimable et fidèle lors de son Retour.  Il est brûlé d’un tel feu pour cette mission qu’il ne peut que ressentir cruellement la perversité de tout projet qui contrecarre le divin projet.  Voilà d’où originent d’abord les termes extrêmement durs utilisés par Paul pour qualifier les sombres agissements des Juifs qui refusent Jésus comme Christ.

Afin de mieux saisir la théologie profonde de Paul qui s’y exprime, je vais dès maintenant chercher à décortiquer le sens de quelques passages particulièrement choquants des « versets fatidiques » de la première épitre aux Thessaloniciens.  Le premier passage analysé sera : « Les Iehoudîm ne plaisent pas à Élohim ».  À ce propos, Raymond E. Brown dit : « Paul parle de la colère de Dieu contre les juifs, de sorte que l’espérance de leur salut ultime n’empêche pas la présentation d’une défaveur divine.  Dans la pensée de Paul, les juifs jaloux de Thessalonique qui les avaient harcelés, lui et ceux qui avaient cru en Jésus, représenteraient ce que Rm 11,25 appelle la partie d’Israël qui s’est endurcie. »*3   Les Iéhoudîm dont parle Paul ne sont donc pas tous les Juifs mais bien ceux qui ont endurci leur cœur, ceux donc qui ne se laissent pas atteindre par l’immense amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus.  Puisqu’on sait que tout amour, divin ou humain, espère, désire et appelle une réponse d’amour, la fermeture de cœur de la majorité du peuple d’Israël ne peut que contrister Dieu et lui causer un déplaisir profond.  Mais parce qu’Il est d’une fidélité immuable, il continue et continuera à appeler les Juifs à la conversion du cœur, Il cherchera encore et toujours à les gagner à son amour.  La colère de Dieu dont Paul fait mention n’est donc pas « une condamnation à l’enfer », mais une leçon qu’il compte donner à son peuple autant de fois que nécessaire pour se le ramener enfin et le convaincre de prendre la voie droite qui mène à l’épanouissement total de l’être en Dieu.  « Qui épargne la baguette hait son fils, qui l’aime prodigue la correction »*4, disent les Écritures.  Belle et saine colère donc, que celle de Dieu contre le peuple juif, colère d’un père qui aime ses enfants.

« Les juifs ont créé des ennuis aux apôtres, et cela ne saurait plaire à Dieu.  Car c’est empêcher la parole de Dieu de sauver les païens. »*5   Nous entrons déjà ici dans un deuxième extrait controversé de la lettre de Paul :  « Ils sont à tous les hommes contraires ».  Reynier et Trimaille poursuivent ici : « Paul va jusqu’à voir là une confirmation du stéréotype antijudaïque à la mode dans le monde gréco-romain : les juifs sont ennemis de tous les hommes ; cependant, il ne le fait pas pour des raisons sociopolitiques ou culturelles, mais parce qu’ils dressent des obstacles au salut des autres. » *6   J’en ai déjà parlé plus haut : la grande faute du peuple de Dieu, selon Paul – et selon Dieu lui-même, c’est de fermer la porte de ld’accès au Royaume, n’y entrant pas eux-mêmes, et, pire encore, empêchant les autres d’y entrer.  Dieu avait confié à son peuple Israël la mission d’être des guides pour conduire tous les hommes au salut, lumière pour éclairer les nations.  Mais en empêchant le Christ puis les apôtres de prêcher, et en jetant du discrédit sur les envoyés de Dieu, ils dispersent plutôt que de rassembler.  Ils sont ainsi clairement ennemis du plan de Dieu et du salut des nations.  Non pas ennemis comme l’entendaient leurs concitoyens grecs ou romains, qui, « inspirés de Satan », jalousaient la prospérité et le titre d’élus conféré aux Juifs; mais ennemis du Christ et de son Église, qui est le rassemblement de ceux qui ont foi en sa Parole vivante.

« En cela, ils mettent toujours le comble à leurs fautes ».  Si Paul insiste tant sur la gravité de la faute d’Israël, c’est pour bien faire saisir à ses lecteurs qu’ils font le bon choix en se détachant de l’institution religieuse juive, institution dont Dieu s’est justement lui-même détourné parce que ses chefs n’ont pas reconnu l’heure à laquelle ils ont été visités. « Reprenant les thèmes de ce que les biblistes nomment « « le schéma deutéronomiste de l’histoire d’Israël « », déjà utilisé dans les Évangiles, Paul rappelle l’assassinat des prophètes, auxquels il adjoint Jésus, comme le fait la parabole des vignerons assassins []  Le schéma de lecture de l’histoire sainte évoquait bien ce que Paul appelle « la colère de Dieu » quand le peuple de Dieu mettait chaque fois le comble à ses péchés (cf. Mt 23, 32 : vous comblez la mesure de vos pères) : un jugement de Dieu faisait advenir quelque épreuve salutaire qui produisait des fruits de conversion, de pardon et de restauration. » *7   Ce schéma deutéronomiste est plus qu’une simple relecture de l’histoire : il est un fait observable survenant sporadiquement dans toute vie spirituelle.  Après avoir donné abondamment sa grâce, Dieu fait mine de se cacher, Il nous mène au désert pour nous y purifier de nos anciennes attaches, pour nous y renouveller dans son amour, pour nous séduire de nouveau et reconquérir nos cœurs.  Les épreuves purificatrices du désert peuvent bien ressembler à des châtiments divins : elles sont effectivement destinées à nous corriger et à nous faire revenir de nos errances.

Les passages suivants de Stegemann expriment bien cette finalité de la « colère de Dieu », qui n’a pas pour but la mort du pécheur, mais plutôt sa conversion afin qu’il vive.  « Chez Paul, nous trouvons la conception qu’il existe des punitions divines au cours de l’histoire, des châtiments pour prévenir le jugement eschatologique…  L’explication selon laquelle en 1 Th 2,16c « colère » ne signifie pas le jugement dernier de Dieu s’impose encore pour d’autres raisons.  Le temps du verbe, l’aoriste ὲ́φθασεν (est tombé, tomba) n’est pas adéquat au jugement eschatologique. »*8   Le même auteur continue plus loin : « Rapporté à ce verbe, le mot « colère » signifie châtiment ou punition, et pas seulement jugement qui attend d’être accompli. »*9   « Mais à la fin la brûlure est venue jusqu’à eux » pourra donc bien être interprétée comme un avertissement sévère d’un Père aimant son fils et voulant le remettre sur le chemin de Vie.  Dans le lot des émotions humaines, le mot « brûlure » réfère souvent à la passion brûlante ressentie par ceux qui aiment.  Le mot s’entend également pour exprimer une douleur intime, un sentiment de honte, de regret ou de repentance.  On peut donc conclure que telle est la finalité de la colère divine : faire que l’aimé change de conduite et revienne à son Amour, accomplissant ainsi son éternel dessein qui est de nous rassembler tous en Lui.

En concluant, je suis vraiment surprise de constater combien ma vision des « versets fatidiques » s’est transformée au cours de ma recherche : même si cela m’apparaissait austère au départ, je goûte maintenant les fruits de mon travail.  Il me semble qu’à partir de maintenant, je n’aborderai plus de la même manière les versets difficiles des Écritures.  Je pense avoir compris pour de bon que, pour les bien les interpréter, il faut d’abord faire l’effort d’entrer dans la conception du monde de l’auteur, dans ses schèmes de pensées à lui, en cherchant à dépasser ma propre interprétation moderne du monde, mes propres façons de dire les choses.

            Cette réflexion m’a aussi amenée à voir de grandes similitudes entre le temps de Paul et les temps que nous traversons actuellement : deux époques où les systèmes religieux sont ébranlés et où une quête spirituelle très puissante se manifeste partout.  Dans les deux cas, l’étroitesse des institutions religieuses ne peut plus contenir le renouveau spirituel qui jaillit de partout.  Dans les deux cas, les gens cherchent les réponses à leur quête spirituelle ailleurs que dans les traditions religieuses en place.

Face à cet irréversible état de fait, deux options sont possibles : nous accrocher désespérément au bateau en train de couler, ou nous en détacher résolument pour chercher avec nos contemporains les réponses à nos questions existentielles et pour leur transmettre les vérités de foi reçues de la mère Église.

            Paul, lui, a pris le parti de se détacher de l’institution juive et des chrétiens judaïsants, afin de garantir la liberté de l’Évangile qu’il transmettait et afin de permettre à l’Esprit Saint d’œuvrer librement chez ceux qui voulaient bien l’accueillir.  Il a pris le risque de se mettre à dos les chrétiens judaïsants, pour rester fidèle au Christ et aux inspirations de l’Esprit.  Le même choix s’offre à nous : oser déroger aux principes figés des institutions ecclésiales sclérosées pour préserver le restant de sève qui circule encore en son tronc et lui permettre de rejaillir en une multitude de pousses qui porteront, de nouveau, des fruits savoureux et attirants pour nos contemporains.  Sacrifier l’accessoire pour ne pas perdre l’essentiel.  Cela ne peut pas aller sans choix déchirants et sans blessures à l’intérieur des Églises.  « Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Église »*10  disait Paul.  Qui mieux que lui a compris que l’Église est le Corps même du Christ, qu’elle a pour Lui une valeur inestimable et qu’elle vaut le prix du sang même du Christ et de ses envoyés?  Qui, comme Paul, aura le courage de mettre vraiment en premier dans sa vie l’ultime désir du Christ de nous voir tous UN en son Corps?  Qui – au risque d’être mis à l’index par les autorités ecclésiales – prendra les moyens pour accomplir cette grande œuvre d’Unité par la charité?  Qui osera sortir des cadres de ce qui ressemble de plus en plus à des religions du livre plutôt qu’à des rassemblements de personnes qui vivent en relation intime avec Celui dont la Parole se manifeste sans cesse de manière vivante à tous les temps et en tous les cœurs qui l’accueillent?  Qui?  Jean-Paul II et frère Roger disparus, nous sommes en manque de leaders actuellement…  Mais la colère de Dieu n’est-elle pas sur nous, comme sur les Juifs de l’époque de Paul, qui se cramponnaient à l’ancien plutôt que d’oser entrer dans la radicale nouveauté de l’Esprit?

CITATIONS ET NOTES

*1 : Raymond E. Brown, Que sait-on du Nouveau Testament?, Paris, Bayard, 2000, p. 506.

*2 : Jorge Sanchez Bosch, « La chronologie de 1 Thessaloniciens », tiré de New Testament Studies 37, an international journal, Éditions A.J.M. Wedderburn, Cambridge

University Press (1991), : p. 339

*3 : Raymond E. Brown, Que sait-on du Nouveau Testament?, Bayard, p. 506.

*4 : Proverbes 13, 24

*5 et *6 : Chantal Reynier et Michel Trimaille, Les épitres de Paul III, commentaire pastoral, Paris : Bayard Éditions/Centurion,; Outremont : Novalis, 1997, p. 200.

*7 : Chantal Reynier et Michel Trimaille, Les épitres de Paul III, commentaire pastoral, Bayard Éditions/Centurion, Novalis, p. 200 et 201.

*8 : Ekkehard W. Stegemann, « Remarques sur la polémique antijudaïque dans 1Thessaloniciens 2, 14-16 », dans Le déchirement, juifs et chrétiens au premier siècle, édité par Daniel Marguerat dir., Genève : Labor et Fides, dans Le monde de la Bible #32, 1996, p. 108.

*9 : Ekkehard W. Stegemann, « Remarques sur la polémique antijudaïque dans 1 Thessaloniciens 2, 14-16 », Le déchirement, juifs et chrétiens au premier siècle, édité par Daniel Marguerat, Labor et Fides, dans Le monde de la Bible #32, p. 110.

*10: Colossiens 1, 24

Commentaires : Une synthèse personnelle de la matière est évidente et intéressante à suivre. Le français écrit est de très bonne qualité. Attention aux notes de bas pages. Elles sont essentielles pour ce type de travail. Il y a quelques difficultés au plan du style argumentatif, ce qui affecte l’argumentation en elle-même. Il aurait été bon d’éviter les expressions ambiguës et de coller davantage aux mots du texte et au texte lui-même, pour éviter les généralisations et les extrapolations. Quelques distinctions théologiques sont également à approfondir. Voir à ce sujet les commentaires en cours de texte. J’ai préféré mettre plus de commentaires que pas assez. Ceux-ci aident à apprendre.

Voici vos résultats pour la session:

Examen-maison: 18.75 / 20

Travail long: 32 / 40

Examen final: 35.5 / 40

Note finale: 86.25%      B+

 

 

L’avortement – Analyse morale

Travail de théologie morale – Par Jean Beauchemin, 18/04/2010

Le cas d’une mère de 3 enfants, enceinte d’un 4ième. Son médecin lui annonce que sa grossesse présente des risques importants pour sa santé : une tumeur décelée à la première échographie devrait être opérée rapidement pour sauver sa vie. Mais l’opération suppose la mort du fœtus. Néanmoins, le fœtus ne présente aucune anomalie et peut être porté à terme; en sachant qu’il sera alors trop tard pour opérer la maman. L’équipe médicale lui propose fermement l’avortement.

Dans l’approche chrétienne de ce type de problématique, on ne peut se substituer à la personne qui doit faire ce choix. Il faut donc, avant d’intervenir auprès d’une personne qui doit faire ce choix, se questionner soi- même sur l’approche à adopter, tout en considérant que nous nous construisons au travers de nos expériences. Le philosophe français Henri Bergson a émis l’idée qu’une société avait besoin de règles communes pour orienter ses relations à l’intérieur du groupe. Mais à quelles « règles » cette théorie s’applique-t-elle?  Ne voit-on pas que, partout sur la planète, de plus en plus de gens dans toutes les sociétés reconnaissent dans les valeurs de vérité et de respect mutuel les règles fondamentales  de toute société?  L’Amour est la source, la racine de ces valeurs: « À ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. » (Jn 13,35), «  l’homme n’est justifié que par la foi en Jésus-Christ et non par les œuvres de la Loi » (Ga 2,16; Rm 3,28). Il me faut donc essayer d’aborder ce cas spécifique en tentant de respecter autant que possible l’enseignement du Maître, me rappelant que «  Unique est celui qui est bon » (Mt 19,17).

La décision de poser tel ou tel acte dans une situation donnée doit tenir compte de la liberté intérieure et fondamentale de tout être humain. Elle sera influencée et déterminée  par son expérience personnelle de ce qui est bien et de ce qui est mal. Et mon intervention dans l’orientation du choix d’une autre personne, ne doit jamais lui faire perdre de vue sa dignité devant Dieu. Mon évaluation de la situation doit tenir compte d’abord de l’intention et de la quête de sens personnelle que recherche cette mère. La personne vivant le cas particulier qui est soumis ici optera nécessairement pour ce qui, selon sa conscience et son vécu, lui paraît bon. Mon intervention doit prendre en compte cet état de fait. Puisque tout être humain est libre et Dieu seul est bon; nous sommes elle et moi incapable d’assurer un choix parfaitement juste et exact devant Dieu, deux fondements de l’enseignement moral de Dieu et du Christ. La qualité de l’amour dont je fais preuve envers mon prochain est déterminante dans la réflexion que nous faisons ensemble.

Cette réflexion doit assurer que la mère peut considérer l’importance et la valeur de la vie des enfants déjà nés et de celui à venir, de l’importance de la croissance physique et psychique de chacun d’eux, dans l’éventualité de son décès. Dans l’élaboration philosophique de ce qu’est un être humain, il est dit que la qualité de présence à l’autre est essentielle à la compréhension de l’unicité de l’autre et de la mienne propre. Cette mère aura à prendre en compte la qualité des rapports familiaux à savoir s’ils sont aptes à favoriser l’épanouissement des autres et d’elle-même. La vérité, c’est qu’on a le droit de se poser ces questions. L’être humain en tant qu’être relationnel créé à l’image de Dieu et déjà sauvé par le Christ, n’a pas dans son propre sacrifice une assurance de salut. Si « l’amour est le plein accomplissement de la loi » (Rm 13,10), il me faut accompagner cette femme dans une attitude qui ne porte pas de jugement sur son choix et se contente d’accueillir ses craintes et ses appréhensions dans une démarche qui cherche à manifester en toute liberté l’Amour compatissant de Dieu pour le monde.

Il n’y a pas dans cette situation particulière d’options évidentes et faciles. Il nous faut regarder ensemble ce qui constitue pour elle son projet de vie. Ces enfants sont-ils seulement une conséquence de ses actes sexuels ou bien des êtres conçus dans l’objectif de donner à Dieu un être nouveau destiné à Son Amour? Si, comme les hédonistes, cette mère a construit sa vie sur le plaisir et la facilité, sa réflexion ne lui posera comme problème que l’inconfort de l’avortement non prévu de l’enfant. Il lui sera difficile sinon, impossible de considérer qui que ce soi d’autre qu’elle-même parce que trop centrer sur les plaisirs de l’existence. Mais il est rare aujourd’hui de voir ce genre de réaction puisque la valeur intrinsèque de la vie humaine est largement reconnue et, de toute manière, une mère qui endosserait ces valeurs ne s’intéresserait pas à l’opinion d’une tierce personne. Elle choisirait, sans approfondir la question, l’avortement dans le seul but de sauver sa vie, sans considérer l’enfant à naître ni même ceux qui sont là.

Il me faudrait chercher avec elle les valeurs qui l’habite, ce qui pour elle est fondamental parce qu’il est dit « Cette foi que tu as, garde la pour toi devant Dieu. Heureux qui ne se juge pas coupable au moment où il se décide. Mais celui qui mange malgré ses doutes est condamné parce qu’il agit sans bonne foi et que tout ce qui ne procède pas de la bonne foi est péché » (Rm 14 22,23). Jésus au travers de toutes les mises en garde faite aux scribes et aux pharisiens, nous met en garde, nous, les croyants qui agissent en tant que « spécialistes » des Écritures auprès de ceux qui se sont éloignés des valeurs enseignées par l’Église. Notre excès de confiance dans la justesse de nos convictions comme étant celles de Dieu Lui-même, est plus sujet à causer le mal que le bien.

L’une des difficultés de ce cas réside dans la reconnaissance ou non d’un fœtus en tant qu’être humain, ou à quel stade de développement un fœtus devient-il un être humain? Est-il mal, si c’est un être humain, de mettre un terme à cette grossesse dans les circonstances qui prévalent ici, soit la mort éventuelle de la mère? Il s’agit d’un pré-requis important au jugement susceptible de conduire à poser un acte moral libre. Elle peut aussi opter pour sauver sa vie afin de poursuivre la tâche entreprise avec les enfants déjà présents.  Dépendamment de son expérience de vie et de sa culture elle peut aborder la question en se disant qu’elle n’a pas le choix; elle doit mourir et laisser l’enfant vivre, mais ici, le risque est qu’elle prenne cette décision sans conviction et sans amour. À cela Saint-Paul dit : si je n’ai pas d’amour je ne suis rien, et si cette mère agit dans le doute, on l’a vu plus haut, elle est déjà condamnée.

Elle peut aborder son problème avec le regard de différents courants de pensés qui ont cours aujourd’hui. La mère pourrait opter pour une approche dite de l’ « éthique procédurale », conduisant à un choix déterminé à partir d’un échange où on dégagerait ensemble ce qui constitue ses convictions éthiques et les miennes, dans un dialogue ouvert. Il s’agit d’une approche basée sur la tolérance puisque je dois accepter que mon opinion ne soit peut-être pas celle qui sera retenue. Il est possible avec cette approche qu’une erreur soit commise, puisqu’elle ne se préoccupe pas particulièrement de valeurs morales fondamentales ou d’une métaphysique quelconque. On se contente de vérifier ce qui fait consensus sans à priori d’une éthique ou d’une morale précise parce quelles « brise la règle de la tolérance ». Elle offre tout de même l’opportunité de manifester des valeurs qui nous semblent fondamentales. De cette manière nous pouvons ensemble chercher une réponse à une situation qui va nécessairement, toutefois, engager plus que nous, soit ceux qui n’auront pas voie au chapitre.  Peu importe ce que nous retiendront comme étant le geste juste, il deviendra la « norme à la conscience morale personnelle ».

Elle pourrait choisir le courant « proportionnaliste » élaboré par un père jésuite du nom de Peter Knauer. Il s’agit  d’un courant qui croit que les valeurs morales sont édictées par la raison et la Révélation. Le « proportionnalisme » considère que le bien et le mal sont toujours entremêlés et qu’on peut déterminer ses choix en « pesant » le pour et le contre dans une situation donnée afin de déterminer l’option à retenir. Ce choix obligerait à renoncer à certains biens et à accepter certains maux, considérés comme « pré-moraux » et orienterait le sujet dans son choix d’options. Ainsi, la mère se voit encouragée à réfléchir à ce qui, selon son vécu et ses valeurs, constitue un choix libre et éclairé. Bien sûr, cette approche implique que je n’impose ni mes valeurs ni celle de la société ni même l’interprétation faite du Décalogue par le Magistère. Dans le respect de la pensée proportionnaliste, les adjuvants (la vérité sur la dignité de la personne, le désir d’être heureux, la liberté fondée sur la vérité, l’Amour) doivent prendre en compte l’importance de l’enfant à venir mais aussi ceux présents. Quel est le choix des parents, la mère et le père de l’enfant à naître, pour réaliser leur projet de vie? L’objet de leur choix devrait-il porter sur l’enfant à naître ou sur les autres?  En cernant son projet de vie, la mère sera plus en mesure de faire un choix libre, respectueux et heureux. Le vrai chemin fondamental de tout croyant est de marcher à la rencontre de son Créateur et, autant qu’il lui est possible, d’aider ses frères et sœurs dans cette voie. L’enfant mort dans le sein de sa mère n’est évidemment pas menacé par sa mort à elle. Mais les enfants laissés derrière par la mère recevront-ils cette qualité de présence déterminante dans le rapport à l’autre soulignant leur unicité, cette présence gratuite qui conduit à la rencontre de Dieu? Là est mon défi, comment l’aider à suivre son projet de vie, en acceptant que « ce qui est trop difficile … ne le recherche pas, ce qui est au-dessus de tes forces ne l’examine pas » (Si 3, 21).

Si c’est son désir, je peux l’accompagner dans sa réflexion,  respectant sa liberté de prendre une décision qui soit empreinte de son cheminement à elle. Délibérer, c’est réfléchir en se questionnant sur les conséquences de chacune des options qu’on peut identifier, s’appliquant au cas particulier de cette mère. Je dois tenter de comprendre ce qui motive son choix; est-ce de l’orgueil, de l’indifférence, etc…? L’acte de faire mourir un enfant n’est pas souhaitable, cela va de soi, mais choisir de ne pas accompagner ses enfants déjà nés dans leur croissance vers Dieu et les laisser avec le sentiment que leur mère a préféré les abandonner, eux, n’est pas simple non plus. Pour la mère, la crainte que ces derniers ne perdent leur âme – conséquence de cette blessure – est peut-être encore plus insupportable que sa propre mort (incluant le risque de se perdre elle-même). J’aurais beau retourner cette question dans tous les sens, je reste avec le sentiment que le choix de cette mère est beaucoup trop complexe pour qu’une tierce personne vienne lui faire porter le fardeau de la culpabilité. Regarder ensemble ses convictions et lui offrir mon aide et mon soutien seraient tout ce qu’il me paraît aimant de faire.

Références

-SOCIÉTÉ BIBLIQUE CANADIENNE, Traduction œcuménique de la Bible,                 Montréal, 1992

 

-Note de cours, THL 1002, L’agir chrétien, les fondements

Et si nous re…fusions?

Par Jean Beauchemin – Le 16 avril 2003

On entend beaucoup parler de fusion municipale ces temps-ci…  C’est à croire qu’il s’agit là d’une voie incontournable!  Incontournable ou non, le phénomène vaut la peine qu’on s’y arrête et qu’on y réfléchisse, deux fois plutôt qu’une.  Lors de la dernière campagne électorale, les libéraux ouvraient la porte à la « dé- fusion », signe certain qu’il existe un malaise persistant entre fusionnés mal assortis (on n’a qu’à penser au village de Parent qu’on  fusionne à la ville de La Tuque à plus de 300km de distance!).  Selon la définition du Larousse, le terme «fusion» implique la perte de l’identité individuelle au profit d’une nouvelle structure créée.  Entre deux entités de taille et de pouvoir équivalents, on gagne peut-être en procédant de la sorte, mais qu’en est-il des fusions entre une grande et une petite municipalité, ou entre une municipalité économiquement développée et une qui l’est moins?  Qui à long terme tirera avantage de la fusion?

En ce qui a trait aux économies potentielles engendrées par les fusions, le bilan actuel laisse perplexe : fusionner n’entraîne pas d’économies évidentes dans les coûts administratifs municipaux.  Qui gagne quoi, donc?  La formule est encore loin d’avoir fait ses preuves!  Une chose est sure : les fusions se sont faites suite à des pressions économiques provenant du gouvernement du Québec; elles ne sont donc pas nées du bon vouloir des populations de s’unir entre elles.  De là à conclure que les fusions font surtout l’affaire des dirigeants, il n’y a qu’un pas.  En effet, quand on réduit le nombre de représentants élus provenant d’un territoire donné (en fusionnant les conseils municipaux locaux) le gouvernement gagne en pouvoir puisqu’il perd en nombre d’opposants potentiels.  Pour ce qui est de l’élu municipal, il gagnera en pouvoir personnel puisqu’il agrandit sa juridiction.  Mais ça se fait trop souvent au détriment des populations qui auraient été gagnantes d’avoir plus de représentants locaux plutôt qu’un représentant plus fort mais moins concerné par ce qui les concerne.

En fait, ici au Québec, le processus des fusions est encore trop jeune pour qu’on puisse en tirer des conclusions valables.  Mais élargissons notre regard à d’autres unions, réussies ou non, dans le monde.  Deux exemples s’y prêtent : la CE (Communauté européenne) et l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) plus près de nous, la première très réussie, l’autre …  La communauté européenne a formé une union (pas une fusion) en créant progressivement des structures communes et complémentaires, monétaires et autres, équitablement favorables à chaque membre impliqué.  L’ALENA n’en est qu’une pâle copie puisqu’elle implique une grande puissance qui cherche à s’allier à des pays satellites, créant un mouvement économique vers le centre que sont les Etats-Unis.  Plutôt que d’additionner leurs forces, on assiste plutôt à la dilution des associés dans un grand tout : les U.S.A.   Résultat : l’euro progresse alors que le dollar américain recule; l’économie du marché européen se porte bien alors qu’ici…oserait-on affirmer que le Canada et le Mexique perdent au change dans l’ALENA?  L’homme étant ce qu’il est, quand un plus fort s’allie à un plus faible, c’est bien rarement pour l’aider à se développer et beaucoup plus souvent pour s’enrichir de ses richesses!

Ceci étant dit, revenons chez nous.  Peut-être serait-il plus sage de commencer par initier des alliances communes entre les villages du Bas St-François avant d’en venir à la fusion.  La gestion des déchets est un bon exemple d’alliance réussie chez nous.  S’allier économiquement pour doter nos communautés d’une flotte d’équipement de déneigement serait peut-être une autre entente possible (une idée dont m’a fait part le maire Gill).  Procédons par étape; l’Europe a mis près de 50 ans pour en arriver à l’Union européenne!

Charte des valeurs québécoises – Éloge et Commentaire

Envers et contre tous – particulièrement à l’encontre de la hiérarchie catholique toute puissante de l’époque – la révolution tranquille a permis aux Québécois et Québécoises d’apprendre à se définir en dehors de l’omniprésente référence à un cadre religieux paternaliste et restreignant. Plusieurs à ce moment n’ont-ils pas décrié avec force ce qu’ils percevaient être un manque de loyalisme envers l’institution religieuse (et, pourquoi pas, envers Dieu lui-même!) qui a présidé à la naissance de ce pays, allant même jusqu’à annoncer la fin de notre glorieuse patrie? Pourtant l’histoire aura démontré la sagesse de cette prise de distance de l’état face à la propre religion ancestrale de son peuple. N’en a-t-il pas résulté pour notre nation un essor formidable, tant au plan artistique, intellectuel qu’économique, faisant du Québec un leader mondial dans l’art du mieux vivre?

Plus récemment, un autre choix de société nous a amené à retirer l’enseignement religieux de nos écoles publiques, exercice encore une fois décrié par plusieurs Québécois mais qui a – envers et contre tous – bel et bien été sanctionné par l’état afin de favoriser la neutralité religieuse au Québec. Si l’état a osé sabrer ainsi dans l’identité religieuse de la majorité de sa population, il serait totalement aberrant qu’il n’applique pas les mêmes règles restrictives pour toutes les religions au Québec. D’autant plus que le bilan de cette libération du carcan religieux est, somme toute, positif.

Si cette séparation de l’église et de l’état n’avait pas eu lieu au Québec, le statut de la femme serait-il ce qu’il est actuellement ici? Non, sans doute! Parce que les religions qui prônent, « de droit divin », un niveau d’autorité supérieur pour les hommes que pour les femmes ne peuvent que maintenir celles-ci dans un statut inférieur au sein des sociétés qu’elles incorporent. L’état n’a-t-il donc pas le devoir d’agir en bon parent? N’est-ce pas agir en bon parent que d’inciter les nouveaux arrivants et les tenants de religions patriarcales à entrer dans ce mouvement de libération religieuse qui a tant fait évolué notre nation, et de le faire par tous les moyens respectueux dont dispose l’état. Un bon parent n’a-t-il pas le devoir d’indiquer aux siens une voie d’épanouissement sûre, une manière d’être qui favorise le mieux-être individuel et collectif?

Car ceux qui disent que la charte des valeurs québécoises s’oppose au multiculturalisme n’y voient vraiment pas clair! Laisser se ghettoïser chaque groupe de culture différente mènera encore moins au multiculturalisme recherché, mais plutôt maintiendra des nationalismes distincts dans une société pluraliste. Favoriser le multiculturalisme, n’est-ce pas tout mettre en œuvre pour que la valeur individuelle de chaque personne soit affirmée haut et fort, non pas à cause de son appartenance à tel groupe religieux ou ethnique mais à cause de sa seule dignité fondamentale d’être humain? Interdire le port d’insignes religieux ostentatoires dans l’espace étatique revient à affirmer que l’être humain est plus que sa religion; et cela incite chaque citoyen professant une religion particulière à réfléchir sur la corrélation existant (ou n’existant pas!) entre sa liberté personnelle et son obédience religieuse. Est-ce que sa religion libère les hommes et les femmes qui la professent? Est-ce que sa religion prépare les hommes et les femmes à exercer un leadership réel et engagé sans distinction de genre? Si la réponse à ces questions est non, cet adepte ne devrait pas se surprendre qu’une société comme la nôtre visant l’égalité homme-femme sans aucune forme de discrimination soit à tout le moins dérangée par la propagande religieuse de son groupe!

Oui l’état québécois doit indiquer une voie d’égalité homme-femme à tous ces citoyens, même ceux à qui leurs chefs religieux indiquent une voie contraire. Sinon, l’état accepte par son inaction la création ou le maintien d’une sous-classe sociale : les femmes. Si un groupe prônait ici l’apartheid envers les noirs, ne seraient-ils pas immédiatement (et avec raison!) empêché d’agir? Mais plusieurs églises chrétiennes, la plupart des mosquées et plusieurs autres groupes religieux prêchent ici allègrement un niveau supérieur de leadership pour les hommes au détriment des femmes et personne ne s’en inquiète!!! Nous jugeons cette inégalité dans les droits acceptable et nous fermons les yeux! N’est-ce pourtant pas exactement la même erreur : exclure de certaines sphères sociales et décisionnelles un groupe de personnes qui se distingue par son sexe ou la couleur de sa peau?  Et ces institutions religieuses sexistes font des adeptes (et des enfants) chez nous, hypothéquant l’avancée du droit des femmes au Québec. N’est-il pas grand temps que l’état indique une direction, la même pour tous?

Quand le gouvernement du Québec cessera-t-il de financer à 60% l’enseignement privé confessionnel sur son territoire? Quand des règles claires dénonceront-elles l’assujettissement religieux des femmes dans notre beau pays appelé à la liberté? Quand freinerons-nous l’élan des religions et églises sexistes qui propagent depuis trop longtemps déjà cette erreur sur notre territoire?

Johane Filiatrault

Jean Beauchemin

Le 30 septembre 2013

La rue ne suffit plus!

Dans cette guerre idéologique qui déchire le Québec, une seule chose est certaine : c’est que les deux parties ne sont pas à armes égales.

Rappelons-nous que la très large majorité des médias au Québec (radios, journaux, télé) sont des médias privés appartenant à la classe possédante riche. Et depuis quand les grands capitaux de ce monde – et les moyens de communication qu’ils possèdent – se saborderaient-ils eux-mêmes? Vont-ils s’attaquer au pouvoir de l’argent et prôner la juste distribution des richesses et du savoir (les deux sont étroitement liés et ils le savent!)? Vont-ils informer la masse sur ses droits et sur l’ultime responsabilité citoyenne qui incombe à chacun et chacune de nous (celle de bien s’informer en s’assurant de l’intégrité et de l’indépendance intellectuelle des médias qu’on lit et écoute)? Non… L’idéologie véhiculée par le gouvernement actuel est plutôt soutenue et propagée par les médias privés, au détriment des classes moyennes ou pauvres.

Ne nous surprenons donc pas si la majorité des Québécois – qui s’abreuvent largement à ces sources-là – appuie le gouvernement actuel et son idéologie! Et c’est là que le bât blesse. Que les riches appuient l’idéologie des riches, ça n’a rien de surprenant, mais que la majorité de ceux qui appartiennent aux classes moyennes et pauvres appuient cette idéologie, quel triste constat! Il est temps d’affûter nos armes, citoyens : les grandes révolutions de ce monde n’ont pas été gagnées par des populations armées de tire-pois! Investir les rues ne suffit plus, frapper nos casseroles non plus : INFORMONS!  Les combats d’idée se gagnent en propageant des idées justes. Quand j’entends les piètres arguments et les chiffres bidon brandis par notre « plus aussi adroit mais très à droite » premier ministre, la révolte gronde en moi : c’est assez! Assez de désinformation, assez de fieffés mensonges, assez de propos démagogues* sur les ondes de médias malheureusement trop écoutés!

Que nos jeunes universitaires et ceux qui les appuient mettent à profit ce qui leur a été presque gratuitement enseigné à l’école – grâce à un investissement collectif judicieux et bénéfique pour l’avancée de tous. Qu’ils produisent des clips, des tracts, des journaux populaires, des affiches! Qu’ils les placardent partout; qu’ils envahissent le net, les babillards et tout espace qu’on leur laisse, QU’ILS INFORMENT CETTE MASSE QUÉBÉCOISE MAL INFORMÉE; afin que la victoire soit à eux, à cette majorité qui a le droit de jouir du fruit de son travail sans que la classe dirigeante et possédante siphonne leur richesse vers la poche des toujours plus riches. C’est assez! La révolution s’impose, pacifique, tenace, ciblée, intelligente. Affûtons nos armes : sortons nos crayons, nos caméras, nos instruments de musique, nos mots. Envahissons le Québec de notre message, afin que la majorité entende la vérité.

INFORMONS!  Et comme l’argent est le nerf de la guerre, créons un fonds chargé de soutenir cette large distribution d’informations : cinq dollars donnés par chacun des marcheurs des grandes manifestations du 22 et, collectivement, nous avons  déjà un million à investir dans cette campagne du savoir. Passons aux actes!

Johane Filiatrault

*Démagogie : Action de flatter les aspirations à la facilité et les passions des masses populaires pour obtenir ou conserver le pouvoir ou pour accroître sa popularité (Dictionnaire Larousse)

Quelques sources d’informations intègres à consulter : Le Téléjournal à Radio-Canada, Journal Le Devoir

À voir absolument : Vidéo de l’institut de recherche IRIS “Les 8 mythes sur la hausse des frais de scolarité

BLANC

Lettre ouverte à M. le Premier Ministre Jean Charest

Je dois d’abord confesser qu’hier encore, j’étais du nombre de ceux qui vous ont attribué le prix du meilleur humoriste malgré lui dont vous avez été « honoré » au gala des Oliviers. Mais ce matin, l’heure est grave, trop grave pour avoir envie de rire, même à vos dépens.

Je voudrais juste attirer votre attention sur un point, un petit point – un grain de sable en fait – qui risque de vous rattraper, tôt ou tard, et qui vaut par conséquent la peine qu’on s’y arrête. Avez-vous réalisé que vous êtes le seul imputable pour la situation qui dégénère actuellement dans le dossier des revendications étudiantes? Vous avez eu « l’habileté »(?) de vous entourer de gens qui ne vous contestent jamais publiquement et qui, en apparence du moins, pensent exactement comme vous et prônent les mêmes méthodes dictatoriales* d’intervention dans ce conflit. Personnellement, je n’apprécie pas les « chefs » qui usent de cette forme « d’habileté » : ils prouvent, selon moi, leur incapacité à gérer l’opposition de façon sage et mature. Mais au bout de la ligne, que je sois d’accord ou non avec vos méthodes de gestion ministérielle, le résultat demeure : vous êtes, dans ce cabinet, le seul chef « debout » et donc, le seul qui devra porter l’odieux (ou le mérite???) de l’issue de ce conflit.

Votre responsabilité est lourde. C’est pourquoi, au nom de ce peuple, je vous demande de vous raviser, d’entrer en vous-même pendant qu’il en est encore temps, pour prendre conscience du devoir paternel qui vous incombe. Vous ne pourrez pas toujours répondre par l’oppression, le dénigrement et le leurre aux revendications de nos jeunes, puisque, vous le constatez, ces méthodes ne font qu’attiser le feu. Je prie pour vous, demandant que vous ayez la sagesse et L’HUMILITÉ de faire marche arrière et de vous mettre sincèrement et respectueusement à leur écoute.

Je prie également pour le peuple du Québec qui vous a élu. Mon peuple… qui paie cher pour avoir élu un chef dont l’unique marotte est toujours et partout la sainte ÉCONOMIE. Comme si l’argent avait le pouvoir de faire de nous un peuple heureux!!! C’est le travail qui fait un peuple fier et prospère. Nous pourrions être tous riches, mais blasés, égocentriques et insipides!!! Pire : le prix de la méga-richesse de quelques uns est et sera toujours la pauvreté de tous les autres. Le comprendrons-nous un jour? Cesserons-nous d’espérer être du nombre de ces quelques uns (trop riches) pour prendre solidairement parti pour le partage équitable des biens et la prospérité de l’ensemble? L’éducation libre et « gratuite » est la condition de base à la prospérité de tout un peuple : seuls ceux qui aspirent à être du petit nombre des trop bien nantis peuvent affirmer le contraire (et ceux qui savent trop bien que l’ignorance du peuple leur laisse toute la latitude nécessaire pour s’enrichir à ses dépens)!!!

Je prie pour que tombent les œillères qui égarent mon peuple : qu’il se relève de ses errances et qu’il retrouve la noblesse de cœur qui fut la sienne au temps de jadis quand il y avait toujours un banc pour le « quêteux » dans sa maison et quand le malheur de l’un donnait inévitablement lieu à une corvée d’entraide pour le secourir. Je prie pour que quelqu’un de ce peuple ait l’illumination de trouver quel geste de soutien collectif nous pourrions poser pour appuyer les idéaux de nos jeunes et ne plus les laisser seuls s’envoyer matraquer au Front.

Il y a de beaux gestes qu’il ne faudra jamais oublier. Comme ce soir du 27 avril où, pendant une manifestation dans les rues de Montréal, les grévistes étudiants ont aidé à l’arrestation des casseurs en s’arrêtant de marcher dès qu’ils voyaient de la casse près d’eux. Comme les manifestations d’appui en faveur des quatre jeunes emprisonnés pour leurs idéaux après les évènements du métro de Montréal…

Qui taxent les étudiants d’utiliser chantage et violence pour obtenir ce qu’ils revendiquent ? Ceux qui les poussent à leurs derniers retranchements…!? Ceux à qui ont été confiés la responsabilité du pouvoir et de l’information, mais qui, par leur mépris et leurs sarcasmes, attisent chez les grévistes le potentiel de violence…!? Potentiel d’agressivité qui, ne l’oublions pas, habite TOUT ÊTRE HUMAIN – le moqueur, comme sa victime, le dirigeant abusif, comme le peuple bafoué.

Johane Filiatrault

* On dit au dictionnaire que « Dictatorial » est l’antonyme de « Libéral »… c’est à ne plus rien y comprendre, M. Charest!

BLEU

Jamais je n’avais vu mon pays si beau! La manifestation de ce 22 avril à Montréal a été pour moi une révélation. Ah! Qu’elle était belle la fierté de mon peuple! Sa dignité aussi.

J’ai vu des Québécois convaincus, pacifiques, justement révoltés, créatifs et joyeux. Quelle magnifique liberté! Quelle exemplaire révolution! Messieurs qui vous étiez proclamés gagnants aux Plaines d’Abraham, j’ai le regret (… mais pas tant que ça!) de vous annoncer que vous avez perdu la guerre : le peuple que vous pensiez avoir vaincu a célébré sa victoire le 22 avril au pied du Mont Royal. Et j’affirme haut et fort que, plus jamais, vous ne vous bercerez de l’illusion du succès. Une fracassante défaite vous pend au bout du nez Mesdames et Messieurs les capitalistes irrévérencieux. Les défricheurs de mon pays sont venus chercher ici la liberté et la paix. Vous, colonisateurs, ce sont les richesses de nos contrées qui vous faisaient (et qui vous font encore) baver d’envie! Vos aspirations étaient basses; les nôtres ont vaincu! Justice.

Vous n’empêcherez pas l’âme de nos jeunes de chanter! Et leur chant vous a fait perdre la face, gouvernants et possédants (dévoilant vos pitoyables motifs). Comme je vous bénis, jeunes du Québec, pour votre intégrité remarquable! Élèves, vous êtes nos professeurs! Enseignez-nous encore à nous tenir debout… à nous qui avons l’immense fierté de vous avoir donné le sein, et d’avoir soutenu l’hésitation de vos premiers pas. Vous êtes le fruit de la sueur de nos pionniers… et du sang de nos insurgés. Relevez vos têtes et soyez fiers de qui vous êtes! Heureux, vous qui faites œuvre de paix et de justice! (Et merci à ceux qui, parmi les médias et les leaders, ne se laissent pas bâillonner par ceux qui détiennent le pouvoir!)

Ceux qui sont de la race des prétendus vainqueurs cherchent encore à tuer : leurs armes sont la moquerie, l’arrogance et le mépris (M. Charest est maître d’arme en cette catégorie). Mais quand on leur oppose le sourire confiant d’un jeune en grève, la révolte tranquille d’un marcheur qui manifeste, la démocratique et solidaire sagesse des jeunes représentants des associations étudiantes qui refusent avec raison de se laisser museler, je l’affirme : les gagnants  sont dans la rue! Ceux de l’autre camp ont été pesés, jaugés, et annihilés : ils ne pourront plus mentir à nos enfants, ils ont dévoilé au grand jour leurs méprisables desseins et devront en porter l’odieux devant l’accusation de leur conscience (qui tôt ou tard, les rattrapera). Ils répondront de l’humiliation qu’ils font peser sur nos jeunes et des souffrances et vexations qu’ils leur font subir. Ils sont sots, ceux qui s’imaginent, par la répression, venir à bout du Bien, et, par le mensonge, faire taire la Vérité! Tous les régimes de ce genre ont connu leur Waterloo, et celui de M. Charest approche! Préparons cette fête!

Le 22 avril, j’ai vu des jeunes familles marcher, avec des petits enfants magnifiques, joyeux, libres et aimés, des petits enfants tels que je n’en ai vu nulle part ailleurs sur cette planète. Oui ils sont rois, nos enfants; mais de la royauté que leur confère leur native noblesse : ils sont nés d’un peuple qui croit que le bonheur familial prime sur l’avoir et le succès professionnel, qui croit en l’égale dignité de l’homme et de la femme. Voilà ce qui confère à nos enfants leur royale majesté : ils sont nés de l’amour, de l’amour LIBÉRÉ et RESPONSABLE. Oui, M. Ignatiev, nous serons souverains (Merci de l’avoir annoncé à ceux qui ne voient pas encore clair!). Le Québec a un rôle de leadership mondial à jouer, afin de permettre à tous les peuples d’entrer dans ce bonheur d’être qui est le nôtre. Le Québec se doit (et leur doit) d’être un pays. Il a le devoir de se libérer de ceux qui l’empêchent de rayonner, d’illuminer comme un phare jusqu’aux confins de la terre.

Johane Filiatrault

ROUGE

Mais, qu’est-ce qui arrive à mon pays? S’est-il endormi sur le sein du « Conjuguer avoir et être » dont on l’a bercé? Où se terre l’esprit des fondateurs de ce mode de vie ouvert à l’autre qui fut le nôtre? Que diraient Desjardins, Maisonneuve ou Lévesque s’ils revenaient marcher sur la terre bénie de notre Québec?

Peut-on réellement conjuguer avoir et être? N’y a-t-il pas là un mensonge qui dévoile sa grotesque sottise quand les chiffres nous prouvent, eux, qu’au Québec, comme partout ailleurs dans le monde, les pauvres (la classe moyenne comprise) s’appauvrissent toujours davantage alors que les riches s’enrichissent sans cesse? La mentalité du « Prendre pour soi » dont on nous américanise ne peut que mener à cet écart grandissant : c’est le jeu de Monopoly qui me l’a enseigné, alors que j’étais toute jeune. Chaque Sans cervelle que nous sommes (Oups, excusez, je voulais dire Automate!), chacun(e) de nous, donc, espère gagner la cagnotte au jeu du Plus fort la poche, et court vite, vite, vite pour attraper la carotte. Qui s’arrête? Qui prend conscience? Abomination…

C’est pour ça que je me réjouis quand je vois marcher les étudiants! Y a-t-il enfin des Québécois qui s’éveillent?!!! Y aurait-il encore des Papineau et des descendants de patriotes au Québec?!!! Ah! Je préfère cent fois les voir manifester dans les rues (malgré leurs débordements que je regrette… mais que je comprends!) plutôt que les voir une bière à la main, scandant des slogans pour le Canadien de Montréal (ou les Nordiques de Québec)! …Un peuple endormi aime les soporifiques et les jeux, c’est connu ; et certains gouvernements aiment les peuples endormis.

Quand le gouvernement du Québec actuel nous assomme de politiques sans cœur sous prétexte de choix économiques, quand le gouvernement du Canada actuel nous écœure par ses décisions unilatérales et son étroitesse de vue, n’est-il pas temps de sortir dans les rues pour dire : non merci! Je marche avec vous, étudiants du Québec qui souhaitez la justice, qui prônez l’accès équitable à l’éducation. LE SAVOIR NE SE MONNAYE PAS; ceux qui savent ont la responsabilité morale et sociale de transmettre leur connaissance : l’évolution de l’espèce en dépend! Où est l’esprit qui a présidé à la fondation de l’Université de Paris au XIIIe siècle? Mais on recule, ma foi : le Moyen-âge était plus évolué que nous! Désolation…

Non, le savoir n’est pas qu’un simple outil économique qui s’achète, ou qui se vend aux enchères : il est le garant de la dignité même de l’être… et de la fierté d’un peuple. Non, une société prospère ne se bâtit pas sur l’aspiration à posséder et à prendre; elle se construit sur l’engagement généreux et courageux de ses membres, et sur des valeurs de partage et de respect de ses concitoyens fragiles ou moins bien pourvus. Être ne rimera jamais avec avoir. Cessez de nous mentir, messieurs et mesdames les dirigeant(e)s et les possédant(e)s : votre règne est fini, puisque désormais, nous savons!

Oui, je vois rouge! J’entrevois un avenir à mon pays : le Québec. Et, en mémoire de Tian’anmen, je déclare illicite un gouvernement qui cherche à étouffer le cri de ses jeunes.

 Johane Filiatrault

Le défi du cannabis dans le Bas St-François

Par Johane Filiatrault 

Je ressens une certaine admiration pour les hommes et les femmes de chez nous qui s’adonnent à la culture de la marijuana :  ils vivent continuellement sous tension, faisant preuve d’un sang froid hors du commun, et manifestent un esprit d’entreprise très prolifique.  C’est un travail extrêmement payant bien sûr, mais à condition d’être bien fait et, force nous est de constater que l’agriculture nocturne de par ici se porte à merveille : nos semeurs sont, pour la plupart, des experts en la matière!  Je les admire donc, d’une certaine manière, tout en me faisant du souci pour eux…mais je ne les envie surtout pas : j’ai choisi un mode vie plus paisible.

Puisque nous faisons actuellement à cause d’eux les manchettes de la province, peut-être pourrions-nous profiter de l’évènement pour procéder à une analyse en profondeur de notre milieu de vie?  Nos élus municipaux n’ont pas trop su quoi en dire… Cessons de jouer à l’autruche et parlons-en donc!  Pas pour dénoncer… parce que dénoncer n’effleure même pas l’esprit des gens d’ici qui sommes à peu près tous liés d’amitié ou de parenté à un semeur ou à un autre.  Mais parlons de la peur ; peur qu’un de nos proches se fasse arrêter ; peur de ceux qui reçoivent des menaces s’ils parlent… ou de l’argent pour se taire.  Parlons de nos enfants surtout.  Ça ne prend pas de longues études en psychologie pour constater la marque du milieu sur eux.

Quand la famille vit dans l’illégalité, l’enfant apprend le non-respect de l’autorité.  Quand les parents sèment dans le champ du voisin, qu’apprend l’enfant sur le respect de la propriété d’autrui?  Quand son entourage est dans le stress de la saison, l’enfant, lui est dans l’angoisse.  Vous êtes-vous déjà demandé quel jugement portent ces enfants sur les modèles adultes qu’ils côtoient : « Les adultes sont des personnes vraies, respectueuses et engagées socialement » ou « Les adultes sont des personnes qui essaient de m’imposer des comportements qu’ils ne pratiquent pas eux-mêmes » ou « les adultes s’enrichissent illicitement et il n’y a pas de mal à le faire »?  Serons-nous étonnés de constater que plusieurs de ces enfants dysfonctionnent à l’école et dans la société en général?

Ces dernières années, notre société a beaucoup investi pour armer les enfants contre les abus sexuels de toute sorte.  Faudrait peut-être investir également pour lever le tabou qui pèse lourd sur les épaules des enfants du cannabis : ils implosent par en dedans et auraient besoin de libérer leur conscience de ce qui l’inquiète.   Qui s’en souciera?   Nos élus municipaux (et combien de citoyens?) hésitent encore à investir pour leur donner un parc école décent… Alors peut-on espérer que l’état d’âme des enfants du Bas St-François pèsera plus lourd dans la balance du non pouvoir électoral des petits?

Peut-être que ce sont finalement les semeurs eux-mêmes qui devraient agir dans ce dossier, eux qui se soucient certainement du bien de leurs enfants.  Pourquoi les « travailleurs au noir » de chez nous ne s’imposeraient-ils pas une taxe volontaire sur leur lucrative récolte pour créer un « fond de responsabilité » destiné à améliorer la qualité de vie dans le Bas St-François?  L’argent déposé (anonymement, il va sans dire!) dans ce fond pourrait entre autre servir à payer un psychologue (ou autre intervenant de l’âme) dans nos écoles, pour tenter de redonner de l’oxygène à nos enfants…  On voit ça ailleurs dans notre société évolutive : d’autres mènent en toute légalité des activités à tout le moins aussi nocives que le cannabis (tabac, alcool, loteries, exploitation sexuelle de tout acabit) et se voient imposer (ou devraient se voir imposer) une taxe pour réparer les dégâts qu’ils causent pour s’enrichir.  Arrêtons de pelleter nos déchets dans la cour du voisin et prenons nos responsabilités, de grâce.