- Au printemps 2004, le curé de notre paroisse (catholique romaine), M. Gilles Mathieu, demande à Jean s’il accepterait de se préparer au diaconat permanent. Jean lui répond : « Je le ferai le jour où l’Église catholique acceptera d’ordonner aussi Johane, qui a, selon moi, au moins autant la vocation que moi ».
- À l’automne 2004, le même curé, voyant que nous portions un appel de Dieu au sacerdoce, nous a suggéré d’aller chez les Anglicans, qui eux, ordonnent des femmes et des hommes mariés.
- De 2005 à 2006 nous fréquentons chaque dimanche la communauté anglicane de Sorel avec qui nous avons un excellent rapport, comme d’ailleurs avec la pasteure de cette communauté, Mme Holly Ratcliffe, qui se dit prête à nous accompagner vers l’accession au sacerdoce, qu’elle sent être notre appel.
- Au début 2006, nous faisons le point sur la situation et nous quittons l’Église anglicane parce que nous ne nous sentons pas du tout appelés à devenir responsables d’une paroisse, anglicane ou autre. Nous voulons simplement accomplir notre sacerdoce au sein de la fraternité des Ouvriers de Paix et de notre entourage naturel, un peu dans l’esprit des communautés de base.
- À la mi-février 2006, nous prenons contact avec le Roman Catholic Women Priest et demandons à cheminer avec elles dans un discernement vocationnel. Nous suivons la formation à distance du RCWP et nous rencontrons deux de leurs représentantes, Mesdames Michele Birch-Connery et Marie Bouclin pendant notre parcours de formation. Elles nous admettent à l’ordination.L’année précédente, nous avions entrepris un certificat en théologie à l’université Laval de Québec.
- Nous sommes ordonnés par elles au diaconat – première étape avant le sacerdoce – le 19 mai 2007. Et ce n’est qu’à ce moment qu’elles ont réalisé que notre « certificat » en théologie ne correspondait qu’à une année d’étude universitaire. Ces femmes prêtres (Mesdames Marie Bouclin et Michele Birch-Connery) et évêque (Mme Patricia Friesen) du RCWP étaient toutes anglophones alors que nous sommes francophones; et quand nous parlions de « certificat » en théologie, elles comprenaient qu’il s’agissait d’un niveau d’étude supérieur qui correspondrait, dans notre système éducatif francophone à plus de trois ans d’études universitaires. Ainsi donc, pour une erreur de traduction linguistique, bien involontaire de notre part comme de la leur, on a obtenu l’ordination qu’elles n’accordent habituellement qu’à des candidat(e)s qui ont obtenu un bac (trois ans) et qui étudient à la maîtrise (cinq ans) ou au doctorat (six ans) en théologie et pastorale.
- Nous nous sommes donc retrouvés devant le dilemme de poursuivre au bac et à la maîtrise afin qu’elles acceptent de nous ordonner au sacerdoce, ou de demeurer diacres, sans suite possible de leur part. En fait, le choix a été facile :
- Les études universitaires coûtent cher et nous n’avions pas les sommes nécessaires pour poursuivre
- Nous sommes parents de six enfants et nos obligations familiales ne nous laissaient pas le temps nécessaire à consacrer à nos études (Nous avons mis trois ans à temps partiel pour compléter une formation de un an à l’université)
- Il nous aurait aussi fallu négliger notre engagement auprès de la corporation des Ouvriers de Paix pendant une longue période afin de poursuivre notre formation, ce qui nous semblait aller contre notre conscience : les abandonner pour supposément mieux les servir ensuite nous semblait complètement désincarné, déconnecté du réel.
- Les personnes auprès de qui nous œuvrons sont des gens simples qui n’ont, pour la plupart, pas étudié au collège ou à l’université. À quoi serviraient tous les beaux concepts que nous aurions pu apprendre à l’université, puisque le langage simple et vrai du quotidien les touchait davantage?
- Sur dix cours que nous avons suivis à l’université pour obtenir notre certificat, la moitié nous ont semblé pertinents comme outils de travail. Les cinq autres cours étaient décevants, avec soit des contenus ultra conservateurs catholiques ou au contraire, des contenus véhiculant des concepts supposément « modernes » mais qui de fait ne contenaient plus grand-chose de la foi des premiers chrétiens.
- Cette ordination « avortée » nous a cependant poussés à poursuivre plus avant notre réflexion sur le sacrement de l’ordination :
- Était-ce la volonté de Dieu de restreindre le sacerdoce aux instruits et aux savants de ce monde?
- Comment était-ce possible que des personnes en autorité de trois rassemblements chrétiens différents aient reconnu en nous un appel au sacerdoce et que personne, au bout du compte ne puissent nous ordonner, c’est-à-dire « ne puissent nous envoyer au nom du Christ » pour vivre notre mission de rassembleurs, de libérateurs des cœurs, et de « perceurs de brèches » permettant aux âmes de communier à leur Roi?
- Les institutions ecclésiales de ce monde auraient-elles étouffé le sacerdoce voulu par Dieu en l’entravant dans d’innombrables rites, cérémoniaux, pratiques, obligations, etc, et en faisant de ce signe de son amour un rôle social nécessitant un statut particulier, l’appartenance à une caste?
- Et si le sacerdoce n’était finalement qu’une responsabilité qui incombe à tout(e) croyant(e) qui, après un long cheminement spirituel, se sent concerné(e) par la transmission de la foi aux êtres humains qui le (la) côtoient et par leur besoin d’être accompagné dans leur cheminement spirituel? S’il s’agissait simplement de se rendre entièrement disponibles pour eux, de les écouter et de leur ouvrir un chemin vers l’au-delà, de rendre grâce en leur nom, d’intercéder pour eux (elles) par l’Eucharistie? Se pourrait-il que ce soit finalement si simple, si accessible, comme sont simples et accessibles – à un enfant même – toutes les choses de Dieu?
Ces réflexions nous ont conduits à conclure que le sacerdoce selon le cœur de Dieu est une chose simple et accessible, que la prière de deux ou trois réunis en son nom obtient sûrement. Jean argumentait que, si nous faisions fausse route, Dieu allait sûrement nous rattraper quelque part et nous corriger au besoin, qu’il valait mieux chercher à tâtons une route possible que de rester étouffés et tristes avec notre appel sacerdotal inaccompli. Jean a attiré notre attention sur le fait qu’enfants, nous jouions à dire la messe (nos enfants y ont joué aussi et nous trouvions cela charmant!) et que Dieu n’allait sans doute pas nous en vouloir à mort si nous avions encore envie à notre âge de « jouer » à faire Eucharistie, c’est-à-dire de trouver une joie immense à offrir le sacrifice devant Lui. Le Christ n’a-t-il pas dit qu’il fallait se faire petit pour entrer dans le bonheur du Royaume?
- Le 22 février 2008, nous avons prié tous les deux pour que Dieu daigne consacrer Jean au sacerdoce et Jean s’est engagé à le servir entièrement en tant qu’ouvrier de Paix.
- Le 19 mars 2008, Johane a été, de même, consacrée au sacerdoce, par l’imposition des mains de Jean.
Depuis, nous apprenons à être de plus en plus fidèles à cet appel profond. Nous trouvons un grand bonheur à offrir nos frères et sœurs souffrants à la grâce de Dieu à travers l’Eucharistie. Nous sentons que notre rôle spirituel au milieu de notre entourage et famille est tout à fait nécessaire et confirmé. Nous nous réjouissons des fruits nombreux que notre sacerdoce fait éclore et croître et nous en rendons grâce à Dieu avec la très vive conscience de notre petitesse : c’est Lui qui agit, à travers notre pauvreté.
Johane Filiatrault et Jean Beauchemin