Travaux de théologie – Par Johane Filiatrault, le 21 février 2008
4. Comment l’expérience spirituelle de solidarité avec les pauvres peut-elle être dite « expérience de Dieu », plus précisément « expérience du Dieu de J.C »?
«Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu » et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n‘aime pas son frère qu‘il voit, ne saurait aimer le Dieu qu‘il ne voit pas.» (1 Jn 4,20)
Y a t’il plusieurs façons d’aimer son frère – si celui-ci manque du nécessaire? Peut-on se contenter de lui faire la charité, en lui donnant de son superflu, puis reprendre tranquillement le cours de son existence avec une conscience apaisée? Est-ce que ce partage que j’aurai pratiqué pourrait être perçue par mon frère dans le besoin comme une forme de condescendance qui marque bien la distance entre celui qui donne et celui qui reçoit? Est-ce que celui qui reçoit se trouvera grandi par mon geste? Ou s’il s’en trouvera davantage dépendant et écrasé par le poids de sa propre incapacité? Est-ce là finalement ce que les écritures appellent « aimer son frère »? Il nous semble bien que non! L’amour ne pourrait se contenter de si peu! L’être aimant veut faire fondre la distance entre lui et l’être aimé; il veut porter le fardeau avec l’être aimé, se réjouir de ses joies et pleurer de ses peines. Dans ce domaine, le mot « charité », employé à maintes reprises par Paul dans ses écrits, est devenu désuet parce que trop raccourci de sens. Dans nos mots d’aujourd’hui, ce qu’exprimait Paul se traduirait mieux par le mot « solidarité » ou par l’expression « prendre souci de ».
VOUS PARTEZ D’UN POINT DE VUE TOTALEMENT DIFFÉRENT DE CELUI DE L’AUTEUR. IL FAUDRAIT D’ABORD VOUS SITUER DANS SA PROBLÉMATIQUE, QUITTE À ÉLARGIR ENSUITE CETTE PROBLÉMATIQUE AVEC VOS RÉFLEXIONS PERSONNELLES.
Pour chercher à saisir ce qu’est une expérience de solidarité avec les pauvres, il faudra également se questionner sur ces pauvres: qui sont-ils? Avant d’aborder cette question, j’aimerais revisiter le texte de Munoz pour décrire l’expérience de solidarité, expérience qu’il qualifie d’emblée comme étant spirituelle. Il s’agit ici d’une nouvelle expérience humaine fondamentale, bouleversante, et correspondant à un niveau de conscience jamais atteint chez le genre humain, collectivement. Comme toute expérience profonde, elle ébranle nos convictions, nous resitue sur un plan que nous n’avions encore jamais perçu, et nous remplit d’un nouvel élan qui nous pousse en avant, dans des voies non encore pratiquées. Parce qu’elle rejoint notre esprit – après avoir touché nos entrailles – cette misère du pauvre que désormais nous ressentons en nous-mêmes nous engage dans une expérience authentiquement spirituelle. Et pour celui qui avait déjà auparavant été touché par le Souffle, il fera spontanément référence au Christ qu’il percevra instinctivement dans le pauvre dont la misère vient de bouleverser son coeur. Pour d’autres, le lien se fera plus tard, après maintes étapes de réflexion et des expériences chrétiennes marquantes.
Mais, d’une manière ou de l’autre, si l’expérience de solidarité avec les pauvres peut être dite « expérience du Dieu de Jésus-Christ», c’est que cette expérience, d’abord profondément et pleinement humaine, nous fait tressaillir du même tressaillement qui faisait vibrer les entrailles de Jésus, quand il dit par exemple « Jérusalem, Jérusalem, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule qui rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu! ». On découvre là un Jésus profondément attristé de la misère spirituelle de son peuple [BIEN, MAIS IL S’AGIT ICI D’UNE MISÈRE MATÉRIELLE] et brûlant du désir de les prendre sous son aile pour les nourrir et les protéger, expérience de solidarité profonde exprimée en ces quelques mots, expérience qui le mènera à se livrer entièrement pour nous manifester à quel point il a souci de nous, à quel point il prend sur lui notre salut.
« Nous y reconnaissons, à la lumière de la foi, l’action rénovatrice de l’esprit de Jésus-Christ en ce moment privilégié de l’histoire de nos peuples opprimés et croyants. » (Dieu « J’ai vu la misère de mon peuple » de Ronaldo Munoz, p. 44)
Effectivement, le Dieu de Jésus, Celui qu’il nomme Père – un Dieu fondamentalement juste et sauveur – s’est manifesté maintes fois dans les anciennes Écritures comme Celui qui vois la misère de son peuple et qui sort pour le délivrer; une sortie de lui-même tellement entière qu’elle le mènera à l’incarnation. Y a t’il solidarité plus grande possible que celle de prendre la condition du pauvre que l’on veut enrichir de sa propre richesse? Dieu a dépassé les bornes de toute imagination humaine par cet acte de dépouillement total qui fut le sien dans son incarnation, et nous arrivons mal à mesurer à quel point « il s’est anéanti lui-même » en prenant la condition humaine. Dès lors, l’Esprit du Christ qui nous habite ne peut que nous pousser à des excès semblables dans l‘inventivité de l‘expérience de solidarité! Plus question ici de se contenter d’un vague esprit de partage de notre superflu…
BIEN!
Dans un autre ordre d’idée, le texte de Munoz nous permet de comprendre comment se déroule cette expérience spirituelle de solidarité avec les pauvres et qu’est-ce qui la distingue des autres types d’approches auprès des pauvres. Les lignes suivantes décrivent bien cette distinction:
« Le jugement de Dieu ne fait pas la différence entre croyants et athées, mais entre ceux qui sont ouverts à l’amour et à la justice dans leur conduite envers leurs semblables, et ceux qui ne s’occupent que de leur propre satisfaction et de leur sécurité. Les premiers rencontrent Dieu et vivent de sa grâce, même s’ils ne savent pas le reconnaître intellectuellement. Les autres, même s’ils le reconnaissent intellectuellement et s’ils lui rendent un culte public, ne l’ont pas rencontré en réalité. (Dieu « J’ai vu la misère de mon peuple » de Ronaldo Munoz, Notes de bas de page p. 44 et 45)
Ces mots sont profondément chargés de vérité et il serait bon de les crier dans tous les univers religieux de ce monde! Il y a effectivement ceux qui sont touchés dans leurs entrailles, et les autres; ces autres incluant ceux qui raisonnent sur les questions de justice, ceux qui ont besoin de se donner bonne conscience, et ceux qui ont besoin de bien paraître parce qu’ils aspirent à faire partie des bien-pensants. TRÈS BIEN! Mais voilà en quoi sont différents ceux-ci de ceux-là: ils ont vécu – ou non – l’expérience décrite par Munoz. Et voici en quels termes:
« Au départ il s’agit bien d’une sorte d’indignation éthique éprouvée face à la misère massive des pauvres et à l’injustice que tout cela représente. (Dieu « J’ai vu la misère de mon peuple » de Ronaldo Munoz, p. 45)
IL FAUDRAIT COMMENCER PAR LÀ, ET MONTRER ENSUITE COMMENCE CETTE EXPRÉEICNE D’ORDRE ÉTHIQUE INCLUT AUSSI UNE DIMENSISON RELIGIEUSE, CHRÉTIENNE.
En deuxième lieu survient « l’étonnement radical que nous cause le véritable miracle de la survie des hommes et de la solidarité entre les gens » (Dieu « J’ai vu la misère de mon peuple » de Ronaldo Munoz, p. 46)
« Une troisième caractéristique de cette expérience est celle d’une exigence inéluctable. » (Dieu « J’ai vu la misère de mon peuple » de Ronaldo Munoz, p. 47)
Munoz conclut la description de cette expérience spirituelle de solidarité avec les pauvres par une belle définition de la théologie de la libération: « Il s’agit de cette expérience que je viens d’évoquer. Cette même expérience humaine fondamentale, regardée maintenant à la lumière de l’Évangile, de la foi chrétienne explicite, en référence à Jésus-Christ et à son Dieu. » (Dieu « J’ai vu la misère de mon peuple » de Ronaldo Munoz, p. 48)
On le voit bien, aimer son frère passe nécessairement par cette expérience de solidarité concrète et réelle, qui implique totalement la personne – et non pas ses biens seulement – sous peine de passer à côté de Dieu si on emprunte un autre chemin que celui-là.
Le Père de Lubac exprime magnifiquement cette vérité dans ces quelques lignes:
« Si je manque à l’Amour ou si je manque à la Justice, je m’écarte infailliblement de Vous, et mon culte n’est qu’idolâtrie. Je dois, pour croire en Vous, croire à l’Amour et à la Justice, et mieux vaut mille fois croire en ces choses que de prononcer Votre nom. En dehors d’elles, il est impossible que jamais je Vous trouve, et ceux qui les prennent pour guides sont sur le chemin qui conduit à Vous. » (Henri de Lubac, Sur les chemins de Dieu, Aubier-Montaigne, 1956, p. 125)
Revenons maintenant à la question posée plus haut: qui sont-ils ces pauvres avec lesquels nous sommes appelés à la solidarité? Mon opinion personnelle sur la théologie de la libération, est que, sa seule faille, peut-être, se situe dans l’identité de ces pauvres dont elle appelle – de tous ses voeux et de toutes ses forces – la libération. Pour le peu que j’en connaisse, en effet, il me semble que ce système de pensée, ou cette manière d’appréhender Dieu, identifie toujours les pauvres aux économiquement pauvres. Ce qui me semble limitatif, voire même réducteur par rapport aux autres types de pauvretés côtoyées quotidiennement à travers mon expérience de solidarité. Les pauvres ne sont-ils pas également les sans Dieu, ceux qui ont grandi dans des milieux religieux qui leur présentent un faux visage de Dieu ou des dieux sans visages, ceux qui ignorent l’infini bonté du Dieu de Jésus, ceux dont le passé est chargé d’expériences affectives blessantes, voire destructrices les rendant pratiquement incapables de croire à l’amour ou de faire confiance, ceux dont le raisonnement prend tellement de place dans leur appréhension de l’existence qu’ils sont rendus incapables de s’ouvrir à une expérience nouvelle et libératrice? Et il y a encore maintes et maintes formes de pauvreté que je ne pourrais toutes nommer ici, mais qui sont les amers fruits de nos sociétés sur consommatrices et stérilisantes qui nous enseignent à prendre plutôt qu’à donner, à jouir plutôt qu’à réjouir, à s‘enfler plutôt qu‘à se dépouiller, et à ériger en système universel notre pourtant si pauvre perception de la Vérité. Il me semble que si la théologie de la libération étendait en ce sens sa définition de la pauvreté -elle le fait peut-être et je l‘ignore? -, elle pourrait mieux s’inculturer dans notre société nord-américaine – qui en bénéficierait sans doute largement.
Pour ma part, je considère que la pauvreté en matière de vie spirituelle est sûrement plus cruellement affligeante et grave que la pauvreté en matière économique. N’en avons-nous pas la preuve quand on constate l’incompréhensible joie que jettent à nos visages les économiquement pauvres des pays du Sud, alors que nous voyons chez nous – qui sommes des économiquement nantis – un interminable et triste cortège d’avortées, de suicidés, de psychologiquement malades, de familles éclatées, de désespérés violents et de criminalisés? Ne nous faut-il pas conclure par là que le manque de nourriture spirituelle – et, pire, l’empoisonnement spirituel causé par les effrayants mensonges véhiculés dans nos cultures – ou encore l’asphyxie spirituelle provoquée par les fausses valeurs ambiantes qui nous privent de l’oxygène nécessaire à la respiration de l’âme – sont tous des maux plus graves encore que les cruels manques physiques, sociaux et culturels qui sont le lot quotidien des économiquement exploités de ce monde?
CES RÉFLEXIONS PERSONNELLES SONT PERTINENTES, MAIS JE RESTE ASSEZ CRITIQUE FACE À CE PASSAGE SI RAPIDE DE LA PAUVRETÉ MATÉRIELLE À LA PAUVRETÉ DES RICHES… IL ME SEMBLE QU’IL FAUDRAIT D’ABORD ANALYSER PLUS PROFONDÉMENT TOUT CE QU’IMPLIQUE LA PAUVRETÉ MATÉRIELLE DANS NOS MILIEUX : SITUATION DE CLASSE SOCIALE, SITUATION CULTURELLE, PROMISCUITÉ DE VIE DANS DES LOCAUX EXIGUS, ETC.
NOTE : 8/10
5. Quels rapports voyez-vous entre la foi au Dieu créateur et la foi au Dieu sauveur?
Se poser cette question revient à se demander, en quelque sorte: qu’est-ce qui conduit l’être humain du concept plus naturel qui le fait croire en un Dieu auteur de tout ce qui l’entoure et de lui-même, à un concept nouveau qui l’amène à découvrir l’intervention salvatrice de Dieu dans l’histoire humaine? BIEN! Effectivement, croire en un Dieu créateur est, pour l’être humain, naturel et inné en quelque sorte, comme en témoignent les religions naturelles. L’animisme, les croyances païennes et le New Age, sans toutes admettre l’existence d’une divinité supérieure, discernent tout de même dans la création des forces « divines » magiques. Le sentiment inné que les forces de la création dépassent l’être humain, et demeurent en grande partie hors de son contrôle, remonte effectivement à la nuit des temps, jusqu’à l’origine de la conscience humaine.
Même les sciences modernes n’ont pas réussi à enlever de l’être humain ce sentiment tenace. Nous connaissons mieux les mécanismes de la création, mais cette connaissance se solde par un émerveillement plus grand encore devant l’incroyable intelligence qui régit les éléments du monde. Même en attribuant au hasard l’extraordinaire enchaînement de phénomènes complexes et hautement improbables qui a présidé à la formation des matières inertes et vivantes qui façonnent notre monde, nous restons estomaqués , voire extasiés devant une telle quantité de si judicieux hasards! Même athée, il n’est pas rare de voir une personne vivre une très profonde expérience spirituelle en contemplant les merveilles de ce que les croyants appellent la création. Saint Paul exprime bien cet instinct naturel qui porte l’homme à percevoir la divinité à travers la création quand il s’adresse à l’aréopage: « Si d’un principe unique il a fait tout le genre humain pour qu’il habite sur toute la face de la terre; s’il a fixé des temps déterminés et les limites de l’habitat des hommes, c’était afin qu’ils cherchent la divinité pour l’atteindre, si possible, comme à tâtons et la trouver: aussi bien n’est-elle pas loin de chacun de nous. C’est en elle en effet que nous avons la vie, le mouvement et l’être. » (Ac 17,26-28)
La foi en un Dieu sauveur par contre n’est pas naturelle à l’être humain. On s’en convainc facilement en observant, encore une fois, les religions naturelles. Elles vénèrent des divinités hostiles tout autant que des divinités bienveillantes; mais, même bienveillantes, on ne perçoit guère chez elles de bonté gratuite puisque leurs bonnes grâces se méritent, s’acquièrent ou se gagnent. On est très loin d’un Dieu qui prévient de son amour sa créature, qui fait le premier pas pour s’engager en Alliance avec l’oeuvre de ses mains. On est à mille lieues d’un Dieu qui livre son propre fils, qui s’offre lui-même pour le salut de ceux qu’il nomme ses bien-aimés. En fait, seule une révélation de Dieu lui-même pouvait faire passer l’humanité de la foi en un Dieu créateur à la foi en un Dieu sauveur.
NOTEZ QU’IL Y A AUSSI LE FAIT QUE LA PERSPECTIVE DU SALUT NOS PROJETTE DANS L’HISTOIRE, ELLE SE SITUE AU NIVEAU DE LA CONSCIENCE HISTORIQUE.
Le Dieu créateur est aussi Dieu sauveur
Le passage suivant des écrits de M. Richard dénote bien les deux mouvements distincts qui coexistent en Dieu, l’acte créateur et l’acte sauveur, ainsi que les liens intrinsèques qui les rapprochent:
« L’acte créateur ne présuppose absolument rien, puisque la matière première elle-même provient de lui. Mais cela distingue aussi la création du salut. Celui-ci constitue le passage d’un état négatif à un état positif, comme le passage de la servitude à la liberté. Il s’agit donc d’une restauration de l’être. Par contre, la création opère elle-même le passage du néant à l’être. Comme pour le salut cependant, l’effet de la création est toujours positif. L’être en tant que créé, comme objet de l’acte divin de la création, est essentiellement bon. (Dieu créateur, Jean Richard, p. 51) On pourrait résumer ces attributs de Dieu en disant: le Dieu créateur sauve sa création en la recréant sans cesse, toujours neuve malgré ses errances. BIEN! Et Dieu sait combien nombreuses sont nos errances!
Une de ses errances que nous pouvons de nos jours couramment observer est notre manière de reléguer la nature au rang de « pur objet d’exploitation pour la réalisation de toutes les fantaisies humaines. » (Dieu créateur, Jean Richard, p. 58) Nous saisissons ici sur le vif à quel point nous avons besoin de salut, afin que nous nous convertissions à la vision biblique de la création. TRÈS BIEN! Cette vision nous révèle que nous sommes dans le monde de simples intendants de Dieu ayant à répondre devant lui de notre gestion de la nature qu’il nous a confiée.
Alors que Dieu nous demande de « guider, apprivoiser, conduire au pâturage » (Dieu créateur, Jean Richard, p. 60), les sciences et technologies modernes, sont souvent loin, à mon sens, d’agir avec une telle considération envers le règne animal. On n’a qu’à penser à l’expression « être traité comme un rat de laboratoire ». Visiter une porcherie, un poulailler ou un élevage laitier moderne est tout aussi instructif quand à nos rapports non aimants envers les animaux – qui nous servent pourtant, en nous laissant prendre leur vie pour nous nourrir: on les entasse les uns sur les autres, dans un environnement artificiel où ils ne peuvent s’épanouir, ni se reproduire de façon naturelle, et où ils développent souvent des maux physiques ou des troubles de comportement. Les exemples se multiplient à l’infini: entre autres, les zoo, ou, dans nos maisons, les oiseaux et les petits rongeurs qu’on maintient en cage pour notre égoïste plaisir – qu’ils ne partagent sans doute pas. Nous sommes ici dans l’ordre de l’asservissement, pas de l’apprivoisement!
Cette relation pervertie avec la nature appelle le salut. « Toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement. » (Rm 8, 22) Parce que nous ne nous soumettons pas au plan divin, la nature souffre et se « dénature » et nous souffrons avec elle.
« La Bible inculque aussi l’idée d’une transformation possible du monde, jusqu’à l’avènement d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle » (Dieu créateur, Jean Richard, p. 58) d’où la croyance au progrès, convaincus que nous sommes que la science et la technologie nous conduiront sûrement à ce monde nouveau dont nous rêvons. Nous confondons foi biblique au salut et foi au progrès causé par les avancées de l’action de l’homme. Or le salut présenté dans la bible vient ultimement de Dieu, de son action à Lui, que nous sommes invités à faire nôtre, en entrant toujours plus avant dans la connaissance expérientielle de ses manières d’agir tout en respectant sa création. TRÈS BIEN. EN SOMME, L’IDÉE DU SALUT NOUS RAMÈNE À LA FOI À LA CRÉATION ET À TOUT CE QU’ELLE COMPORTE D’EXIGENCE POUR NOUS Nous avons là encore une grande conversion à vivre: nous avons à sortir de l’illusion qui nous fait croire que la science et la technologie sont toute puissantes, nous avons à reconnaître notre finitude de créature et la finitude et la fragilité de la création, nous avons à céder la première place au Créateur et à entrer dans ses vues à Lui. Pour être rendus capables d’une telle conversion, là encore, nous avons besoin de la grâce et de la puissance du Dieu sauveur.
« Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle – car le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n’y en a plus… Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux; ils seront son peuple, et lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux: de mort, il n’y en aura plus, de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé. » (Ap 21, 1-4)
Voilà en quels termes le Dieu créateur a promis le salut à sa création. Bien sûr, ces paroles sont esprit; nous éviterons de les prendre au sens littéral. Prises au sens spirituel, elles ont d’ailleurs une portée plus large encore, parce qu’elles mettent à notre portée la réalisation d’une telle merveille – autrement inaccessible, si on attend l’accomplissement dans un temps et un lieu donné. Le ciel nouveau n’est t’il pas celui que l’on découvre par une expérience spirituelle intérieure, en opposition à celui – « ancien » que la religion chrétienne nous avait enseigné? De même, la terre nouvelle n’est-elle pas celle que l’on goûte à travers nos sens renouvelés par une expérience directe et personnelle de l’Esprit Saint? Une fois que nous avons vécu une rencontre personnelle avec le Christ, rien de comparable en effet dans notre manière de voir et de penser d’avant et celle d’après.
Une fois vécue cette expérience spirituelle transformante, la « mer » n’existe plus pour nous, si on entend « mer » dans son sens biblique de lieu grouillant des forces du mal cherchant à nous engloutir. La rencontre avec le Christ vivant nous marque, effectivement, au point où le mal perd progressivement son emprise sur nous, parce que nous sommes désormais viscéralement attachés à l’amour si désirable de Celui que nous avons expérimenté comme notre sauveur personnel. Sa présence, bien qu’éclipsée parfois, brille désormais sur nous et nous le ressentons comme réellement présent auprès de nous, Dieu-avec-nous. Quand nous pleurons désormais, c’est non sans espoir. Nos cris de colère s’estompent de plus en plus, nos cris de révolte, également; des cris de joie les remplacent. Nos peines se transfigurent en prières, en appels confiants envers notre Père. La mort – comme la souffrance – pourra désormais être ressentie comme un bienfait, qui nous libère d’un niveau de conscience moindre, et qui nous introduit dans une connaissance nouvelle et toujours plus grande de l’incommensurable amour de Dieu.
Il suffit donc à Dieu de se manifester dans le coeur de chaque être humain pour que, désormais, surviennent un ciel nouveau et une terre nouvelle. Il peut le faire. Il le fera à son jour. Surviendra alors pleinement « une nouvelle alliance avec la nature… plus intérieure, une relation de participation, de communion, de parenté » (Dieu créateur, Jean Richard, p. 63), une nouvelle alliance où le Dieu créateur et sauveur aura sa juste place, alliance qui déjà peut être ressentie dans le coeur de l’être humain.
NOTE; 10/10 EXCELLENT!
NOTE GLOBALE DU TRAVAIL : 7/10 + 8/10 + 10/10 = 25/30