Mais, qu’est-ce qui arrive à mon pays? S’est-il endormi sur le sein du « Conjuguer avoir et être » dont on l’a bercé? Où se terre l’esprit des fondateurs de ce mode de vie ouvert à l’autre qui fut le nôtre? Que diraient Desjardins, Maisonneuve ou Lévesque s’ils revenaient marcher sur la terre bénie de notre Québec?
Peut-on réellement conjuguer avoir et être? N’y a-t-il pas là un mensonge qui dévoile sa grotesque sottise quand les chiffres nous prouvent, eux, qu’au Québec, comme partout ailleurs dans le monde, les pauvres (la classe moyenne comprise) s’appauvrissent toujours davantage alors que les riches s’enrichissent sans cesse? La mentalité du « Prendre pour soi » dont on nous américanise ne peut que mener à cet écart grandissant : c’est le jeu de Monopoly qui me l’a enseigné, alors que j’étais toute jeune. Chaque Sans cervelle que nous sommes (Oups, excusez, je voulais dire Automate!), chacun(e) de nous, donc, espère gagner la cagnotte au jeu du Plus fort la poche, et court vite, vite, vite pour attraper la carotte. Qui s’arrête? Qui prend conscience? Abomination…
C’est pour ça que je me réjouis quand je vois marcher les étudiants! Y a-t-il enfin des Québécois qui s’éveillent?!!! Y aurait-il encore des Papineau et des descendants de patriotes au Québec?!!! Ah! Je préfère cent fois les voir manifester dans les rues (malgré leurs débordements que je regrette… mais que je comprends!) plutôt que les voir une bière à la main, scandant des slogans pour le Canadien de Montréal (ou les Nordiques de Québec)! …Un peuple endormi aime les soporifiques et les jeux, c’est connu ; et certains gouvernements aiment les peuples endormis.
Quand le gouvernement du Québec actuel nous assomme de politiques sans cœur sous prétexte de choix économiques, quand le gouvernement du Canada actuel nous écœure par ses décisions unilatérales et son étroitesse de vue, n’est-il pas temps de sortir dans les rues pour dire : non merci! Je marche avec vous, étudiants du Québec qui souhaitez la justice, qui prônez l’accès équitable à l’éducation. LE SAVOIR NE SE MONNAYE PAS; ceux qui savent ont la responsabilité morale et sociale de transmettre leur connaissance : l’évolution de l’espèce en dépend! Où est l’esprit qui a présidé à la fondation de l’Université de Paris au XIIIe siècle? Mais on recule, ma foi : le Moyen-âge était plus évolué que nous! Désolation…
Non, le savoir n’est pas qu’un simple outil économique qui s’achète, ou qui se vend aux enchères : il est le garant de la dignité même de l’être… et de la fierté d’un peuple. Non, une société prospère ne se bâtit pas sur l’aspiration à posséder et à prendre; elle se construit sur l’engagement généreux et courageux de ses membres, et sur des valeurs de partage et de respect de ses concitoyens fragiles ou moins bien pourvus. Être ne rimera jamais avec avoir. Cessez de nous mentir, messieurs et mesdames les dirigeant(e)s et les possédant(e)s : votre règne est fini, puisque désormais, nous savons!
Oui, je vois rouge! J’entrevois un avenir à mon pays : le Québec. Et, en mémoire de Tian’anmen, je déclare illicite un gouvernement qui cherche à étouffer le cri de ses jeunes.
Johane Filiatrault