Par Johane Filiatrault – Le 12 février 2003
Chacun pour soi… Il est alarmant de constater combien cette mentalité moderne fait des progrès en occident. Serait-ce un signe de l’évolution de l’espèce? On sait en effet que, dans les sociétés primitives, la seule chance de survie se trouvait dans l’appartenance à un groupe fort et que l’individu n’avait de valeur que dans sa capacité à travailler à cette survie de l’ensemble : Un pour tous! Et voici que notre monde moderne se trouve à l’extrême opposé de ce concept : le bien-être individuel est premier dans l’ordre des valeurs. Les institutions sociales sont perçues comme étant au service de la personne. Le centre de référence est le «je» et non plus le «nous». Mauvais? Pas du tout! À condition de ne pas glisser dans le piège du «chacun pour soi». Quand on est témoin de belles initiatives comme les téléthons ou les entreprises de sauvetage à grand déploiement où plusieurs personnes se mobilisent pour sauver la vie d’un individu malade ou en danger de mort, c’est comme si on voyait vivre sous nos yeux la 2e partie de la magnifique devise des 3 mousquetaires : Tous pour un! Même les entrepreneurs ont compris (de gré ou de force!) que le succès de leur entreprise dépendait du bien-être individuel de leurs employés. Mais faudrait quand même pas charrier et tomber dans l’excès opposé : on voit actuellement, me semble t’il, trop de syndicats qui abusent de leur employeur!
Curieusement, parmi toutes les institutions modernes, c’est, je crois, l’institution ecclésiale qui a le plus de mal à faire ce passage du groupe à l’individu. Tout se passe encore comme si être en Église consistait à perdre son identité propre pour adhérer à un système commun de pensée et d’agir. Pas étonnant que les deux dernières générations aient déserté la barque! Et n’allez surtout pas conclure que c’est parce que les gens n’ont plus la foi : rien n’est plus faux. L’Église se cherche actuellement, à coup de colloques diocésains et autres réunions du genre… qui n’ont que très peu remis en question la façon de faire Église et n’ont souvent changé que des façades ou des slogans. Des faits? Je connais une enfant de 5 ans qui manifestait depuis longtemps un grand désir de communier; le curé consulté lui a demandé d’attendre pour qu’elle fasse sa première communion avec les autres enfants de son âge, en 3e année – c’est long pour une petite fille (pire, depuis ce temps, la première communion a été repoussée en 4e année)! J’ai pourtant été témoin de suffisamment de premières communions et de confirmations pour vous dire que plusieurs enfants qui reçoivent ces sacrements ont peut-être l’âge de le faire mais ce n’est vraiment pas évident qu’ils en ont le désir profond! L’âge a t’il quelque rapport avec le désir de Dieu? Poser un geste en groupe a t’il plus de valeur que de le poser personnellement?
Le mot «Église» vient du grec EKKLESIA qui signifie «assemblée». À quand de véritables assemblées de croyants où chacun pourra exprimer en profondeur sa propre quête spirituelle et trouver nourriture pour son âme? L’Église n’est pas une institution hiérarchique mais une expérience à vivre : celle de la communion aux autres et à l’Absolu. Cela n’enlève rien au fait qu’elle ait besoin d’un pasteur visible. Créons ou encourageons des lieux de fraternité et d’entraide où l’individu est aimé et respecté : c’est là que se vit l’Église, là où on expérimente comme il est bon et doux d’être ensemble, unis les uns aux autres. Il restera quand même un grand bonheur à se retrouver tous en Église pour fêter ensemble, en Sa Présence, la joie d’être enfants et aimés de Dieu : c’est d’ailleurs à cela, entre autres, que s’adonnent allègrement pour l’éternité ceux qui sont déjà passés dans l’autre Vie! Ils sont heureux ceux qui goûtent cette joie dès ici-bas. Encore faut-il que ce soit l’Amour qui nous mène célébrer en Église. Tout autre motif est vain; car ce n’est pas celui qui dit «Seigneur, Seigneur» qui entrera dans le bonheur mais celui qui aime en vérité.