Travail de théologie – Par Johane Filiatrault, le 15 février 2008
1. Comment peut-on dire que le Dieu sauveur se présente dans la révélation biblique comme le « Dieu de l’Alliance »?
« Je multiplierai les peines de tes grossesses, dans la peine tu enfanteras des fils. Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi… À force de peines tu tireras ta subsistance du sol tous les jours de ta vie. À la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré. » (Gn3, 16-19)
VOUS PARTEZ DE TRÈS LOIN. CE POURRAIT AUSSI BIEN ÊTRE LA CITATION INAUGURALE DES QUESTIONS 7 OU 8. IL FAUDRAIT PLUTÔT PARTIR DIRECTEMENT DE LA QUESTION, EN L’ÉLABORANT POUR PERCEVOIR EXACTEMENT SON SENS ET SON CONTENU PRÉCIS.
Non, l’auteur qui a mis ces paroles dans la bouche de Dieu n’était pas sado-masochiste! Des générations de croyants après lui ont endossé ses dires en reconnaissant dans l’inévitable souffrance humaine non pas une sanction divine, encore moins une condamnation, mais plutôt une virtualité de libération, un chemin de salut, un remède –amer mais efficace. Cette souffrance nécessaire au plein accomplissement humain rassemble tous les peuples sous son joug.
Ce qui distingue le peuple de la bible des autres peuples
Tous les peuples également ont perçu la divinité comme quelque chose de plus puissant qu’eux, dont ils dépendent et qu’il est préférable d’amadouer si on veut tirer de lui quelque bienfait, comme de belles récoltes ou autres avantages. Mais qu’est-ce donc alors qui distingue Israël des autres peuples?
Son histoire de fragilité et de souffrance extrême, sans doute, mais aussi, la prise de conscience de sa fin prochaine (les Égyptiens s’étaient mis à exterminer ses enfants mâles) et de son urgent besoin d’un sauveur. Entré fier et libre en Égypte, petit clan certes, mais prospère, heureux de l’accueil digne que lui offrait l’Égypte, il y est conséquemment durement soumis à l’esclavage durant quatre siècles. Être aliéné et persécuté resserre les liens d’un clan, le solidarise, en fait un peuple, lié par un sort commun [LIÉ TOUT SPÉCIALEMENT PAR SA FOI AU DIEU DE L’ALLIANCE]. Le séjour douloureux en Égypte a donc enfanté Israël comme peuple, et ce peuple a eu la foi de crier vers Dieu comme vers son seul recours: ouverture propice à une intervention divine.
La première expérience de salut du peuple biblique
Le cri vers Dieu ne concerne plus la qualité des récoltes ou autres avantages matériels mais un bien supérieur: la liberté – supérieur parce que, chez les créatures incarnées, exclusivement dévolu à l’être humain.
N’est-ce pas justement la liberté qui rend l’être humain semblable à Dieu? Puisque c’est ce bien suprême qu’ils appellent, et parce qu’ils sont prêts à perdre tout le reste pour l’obtenir, comment Dieu pourrait-il s’empêcher de répondre à leur cri? [PLUS PRÉCISÉMENT, ISRAËL A CONFIANCE EN LA RÉPONSE DU SAUVEUR PARCE QU’IL EST « SON » DIEU, EN RAISON DE L’ALLIANCE…] Il répond comme toujours en plaçant un être humain en position de les secourir et en incitant cet être humain à les secourir. Il répond en remettant la liberté de son peuple entre les mains d’un être libre qui peut réaliser le plan de Dieu ou le mettre en échec: cet homme est Moïse. À travers la liberté de Moïse, Dieu libère son peuple de la servitude. C’est cette conscience d’avoir été libéré d’Égypte par Dieu qui distingue Israël des autres peuples: Dieu est intervenu dans l’histoire politique de ce peuple.
La différence entre expérience religieuse et expérience spirituelle – ou pourquoi ai-je besoin d’un sauveur?- Commentaire personnel
Le peuple de la Bible a vécu une expérience collective de salut, aussi ses rites d’action de grâce ou d’expiation, ses supplications et ses louanges seront surtout des actions collectives, des rites religieux, tout comme ses fautes d’ailleurs qui seront perçues comme le péché du peuple. « L’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père… Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les véritables adorateurs adoreront le Père dans l’esprit et la vérité » (Jn4, 21-23), disait Jésus à la Samaritaine. Le Christ nous mène donc vers « l’adoration spirituelle » que nous pouvons entendre de l’acte d’un esprit qui adore en esprit l’Esprit divin. [IL S’AGIT LÀ DE L’ALLIANCE INTÉRIEURE, SPIRITUELLE. ON SE DEMANDE ICI QUAND LE THÈME DE L’ALLIANCE INTERVIENDRA DANS LA RÉPONSE!] Nous voilà sorti du collectif, du religieux, pour entrer dans un lien personnel, individuel, d’esprit à Esprit. Et dans ce domaine, les fautes seront moins perçues comme collectives mais davantage comme une conscience intime d’avoir mal agi. Quel rite alors peut me libérer de cette douloureuse conscience qui me poursuit parce qu’elle m’habite en propre? Qu’est-ce qui peut alors me libérer du sentiment intime d’être (ou de m’être, ou d’avoir été) avili?
La conscience d’avoir mal agi nous fait d’abord sentir coupables – à la face du monde, honteux d’être pris en faute, gênés d’avoir raté la cible et d’être rabaissé aux yeux des autres – puis contrits – déçus de notre piètre performance, attristés des résultats négatifs sur nous et sur les autres, déchirés d’être la cause d’un mal regrettable voire irréparable. Puis vient la prise de conscience que Dieu nous aime malgré et avec nos fautes; suit en nous la joie d’être sauvés ou repris dans l’alliance. Cette expérience personnelle du salut se vit comme un distillat où nous passons d’une étape à l’autre; partant au départ d’un être mêlé, confus, au coeur duquel règne le chaos et passant progressivement à une substance plus ou moins diluée, puis davantage épurée après avoir éliminé bien des scories, pour qu’il ne reste dans l’âme, finalement, que la joie.
Voilà où se situe mon Sauveur: il est le seul qui ultimement, peut me faire passer à la dernière étape de la conscience, soit la joie. [BONNE RÉFLEXION, MAIS HORS DE LA QUESTION POSÉE.] Dans ce processus de salut, la culpabilité se résout dans notre lien à la société en général, la contrition dans la relation à la personne ou aux personnes qu’on a blessé; mais la joie ne se trouve que dans le face à face avec le Père de miséricorde ou avec quelqu’un qui en est le reflet sur la terre, c’est-à-dire avec quelqu’un qui est tellement baigné(e) dans la Toute Miséricorde du Père qu’il (elle) peut faire goûter à la personne contrite que sa faute est effacée et son péché enlevé. Et alors il ne reste dans l’âme de cette personne que la joie immense de voir sa dette enlevée, sa bêtise effacée, d’être en quelque sorte recréée à nouveau. C’est une joie intense qui surpasse toutes les joies humaines parce que son motif est supra humain, parce qu’une telle miséricorde n’est insufflée que par l’Esprit divin.
Ce qui distingue le dieu de la bible des autres dieux
Les autres dieux de l’époque de l’Ancien Testament – plusieurs visages de ceux-là survivent encore dans nos religions modernes – sont des êtres « marchandables »: on peut acheter leur faveur ou leurs bonnes grâces en échange d’une offrande digne, d’un acte héroïque, d’un comportement sans reproche ou d‘un quelconque acte magique. Le dieu saint d’Israël, lui, n’accepte qu’une monnaie d’échange: la FOI, entendue dans le sens de CONFIANCE AIMANTE. Rien d’autre ne le meut : ni flatterie, ni sacrifice. C’est dire qu’il n’accepte de nous aucun comportement servile: il nous veut libres, comme ses vis-à-vis.
[RESTERAIT ALORS À MONTRER QUE L’ALLIANCE N’EST PAS UN MARCHANDAGE DE LA SORTE, MÊME S’IL Y A RÉCIPROCITÉ : ENGAGEMENT DE PART ET D’AUTRE, EXIGENCES DE PART ET D’AUTRE.]
L’Alliance dans le sens biblique du terme
« La première expérience religieuse d’Israël s’accomplissant sur un terrain spécifiquement historique et politique, il est tout à fait normal que sa première théologie s’exprime elle-même avec des catégories politiques… Il s’agit là [alliance] d’un terme politique du droit international, très répandu à travers tout le Proche-Orient à l’époque de l’A.T. L’alliance désigne alors un traité entre partenaires inégaux. » (Dieu – Manuel du cours – par Jean Richard, p.16) [VOUS REJOIGNEZ ICI LE THÈME DE LA QUESTION…]
Effectivement, quand Yahvé dit: « Je serai votre dieu et vous serez mon peuple » (Jr 7,23), Il fait alliance avec le peuple d’Israël par l’intermédiaire de Moïse, comme un roi puissant fait alliance avec des vassaux, lui, leur devant protection et providence, et eux lui devant soumission, obéissance, impôts ou services militaires en cas de conflits armés. Il y a dans cette manière du dieu d’Israël de présenter ses liens avec son peuple un aspect tout à fait original par rapport à ceux des dieux des peuples d’alentour: il y a une réciprocité acquise à l’avance par engagement mutuel, alors que les faveurs des autres dieux sont acquises à la pièce, selon la valeur du « priant » et selon l’humeur du jour du dieu concerné! Le dieu d’Israël s’est engagé par serment envers son peuple à lui être favorable et à demeurer fidèle malgré l’infidélité éventuelle des siens. « Jamais on n’avait ouï dire, on n’avait pas entendu, et l’œil n’avait pas vu un Dieu, toi excepté, agir ainsi en faveur de qui a confiance en lui. » (Is 64, 3)
Du fait de cette Alliance, Yahvé engage son peuple à l’aimer, à l’adorer et à le servir lui seul dans la fidélité et la reconnaissance, puisque c’est Lui et lui seul qui les a délivré de la servitude d’Égypte. Il ramène son peuple à la mémoire des bienfaits dont Il les a graciés, la sortie d’Égypte tout particulièrement, une expérience éprouvée sur quoi ils peuvent bâtir solidement la confiance en leur Sauveur. Si en effet ils oublient qui les sauve, ils tomberont – comme Pierre a coulé sur le lac de Tibériade quand il a détaché son regard de Jésus. Ils sont tombés, effectivement, souvent.
« Le vrai motif pour adorer Yahvé et lui seul, c’est que lui seul a libéré Israël, lui seul est son Sauveur. Le crime de l’idolâtrie consiste précisément à méconnaître le véritable auteur de ces bienfaits. » (Dieu – Manuel du cours – par Jean Richard, p. 17)
Les anciens peuples ont péché en attribuant leur salut à d’autres dieux; de nos jours, nous péchons souvent en nous percevant nous-mêmes comme l’auteur de notre réussite et de notre accomplissement: idolâtrie tout de même… Seule la confiance en plus grand que lui peut maintenir un être humain debout: dès qu’il perd la lumière qui l’appelle, il sombre, il perd le nord, il se perd, appelant de nouveau l’acte de salut à se manifester en sa faveur. Et la roue se remet à tourner: appel au secours, acte de salut, libération, action de grâce, joie, oubli, doute, chute, état de perdition, appel au secours,… sans fin, jusqu’à la libération ultime, ou jusqu’à l’oubli ultime.
Toujours est-il que la condition de base qui rend possible l’Alliance entre Dieu et nous, c’est la liberté des deux parties: il n’y a pas Alliance sans consentement libre… comme il n’y a pas faute sans assentiment libre. L’alliance, aux temps bibliques anciens, était contractée entre deux partenaires inégaux. Inégalité infinie, effectivement, entre Dieu et la créature humaine! sauf en ce qui a trait à leur liberté, seul attribut que partage pleinement le Créateur et sa créature humaine. Seule leur liberté est égale, encore que l’une doive être sauvée de l’aliénation au mal par l’Autre!
L’alliance dans son sens moderne
Je voudrais conclure en commentant ce passage des notes de cours:
« On l’entend trop souvent [l’Alliance] dans un sens purement interpersonnel, au sens de l’alliance conjugale entre les époux. Cela n’est pas faux, mais on manque ainsi la dimension principale des rapports politiques, c’est-à-dire les rapports entre puissants et faibles. » (Dieu – Manuel du cours – par Jean Richard, p.18)
Reprenant la méthode de M. Richard telle qu’il nous l’a exposée dans son premier cours sur Dieu, après avoir basé mon étude sur les sources premières, soit la Bible, j’essaierai de la poursuivre à partir de la manière de comprendre et de vivre notre foi en Dieu aujourd’hui. Il est bien entendu que de nos jours, ici en Occident du moins, le terme « Alliance » fait référence à une toute autre conception qu’à la conception biblique. Le Larousse en fait foi, d’ailleurs, en définissant ainsi ce mot: « Union contractée entre plusieurs états; accord entre des personnes: l’alliance atlantique. Union par mariage. » Il n’est donc plus question, dans notre langage moderne, de rapports entre puissants et faibles, quand il s’agit d’alliance. Comment en ce sens faire évoluer notre pensée sur Dieu? La notion d’Alliance entre Dieu et nous a-t-elle encore sa place et si, oui, quel sens peut-elle prendre?
Je suis issue d’une société individualiste et personnalisante. Il m’est donc plus facile, comme pour la plupart de mes contemporains sans doute, de percevoir l’Alliance dans son sens individuel d’union par mariage entre deux personnes libres et consentantes. Union de deux égaux, donc, où nul n’est plus faible ou plus fort – les forces et les faiblesses de chacun étant tout simplement axées dans des domaines différents. Est-il possible d’appliquer ce modèle à l’Alliance entre Dieu et la personne humaine? Oui, selon moi, puisqu’il s’agit de deux êtres personnels et libres, capables par le fait même de contracter une alliance valide, égaux en liberté. Dieu mise tout sur la liberté humaine. Il dépend de la liberté humaine, aussi puisque nous avons le grand pouvoir de mettre Dieu en échec… et qu’Il a le grand pouvoir de demeurer fidèle pour, si nous le désirons, nous replacer face à Lui dans l’Alliance. Égaux même en dignité, puisque l’amour de l’Un perçoit l’autre comme étant digne de cet amour; et puisque sa Toute puissance miséricordieuse rend effectivement l’être aimé « digne » de cet amour en le transfigurant entièrement.
Chez l’être humain actuel, à part le consentement libre, l’autre condition qui rend valide une alliance conjugale, c’est l’amour mutuel. Dans ce domaine, il n’y a pas d’égalité possible entre l’amour divin porté à l’humain et l’amour humain porté au divin. Parce que la capacité humaine d’amour est finie et mesurée alors que celle de Dieu est sans limite. Mais encore ici, Dieu a prévu une issue afin qu’Il puisse faire sienne l’humanité, afin qu’elle puisse l’entièrement posséder, Lui. Cette issue est le désir, cette virtualité d’amour qui nous permet de chercher à correspondre à ce que nous souhaiterions, tout en ignorant si nous en serons capable, cette virtualité qui nous aspire vers l’être aimé que nous voudrions aimer totalement tellement il nous fascine et nous attire. Le désir, aux yeux de Dieu, remplace le total amour dont nous sommes incapable et en tient lieu, et Lui suffit pour se réjouir en nous comme nous nous réjouissons en Lui. [TRÈS BIEN!]
« Par ailleurs, la conséquence de la liberté, c’est la responsabilité. Aussi, dans la Bible, l’homme et la femme sont-ils décrits comme responsable de leur destin. Les catastrophes de l’histoire sont constamment mises en rapport avec les infidélités à l’Alliance. » (Dieu – Manuel du cours – par Jean Richard, p.18)
J’ose croire que nos temps verront naître une conscience planétaire renouvelée, la science ayant mené l’être humain à mieux se comprendre lui-même et à mieux saisir les mécanismes de son propre épanouissement, individuel et collectif. J’ose croire que notre intelligence, désabusée des tromperies de l’antique serpent, saura vaincre les résistances de notre volonté, et la mener à servir le Créateur et sa création. J’ose croire que l’incroyable fidélité de Dieu viendra à bout de nos infidélités, tout simplement parce qu’il y a en nous un irrépressible désir d’être conquis par l’Amour. Ainsi, libres de pécher, serions-nous rendus incapables de pécher parce que trop marqués dans nos « chairs » – entendre ici notre être incarné – par l’intense suavité de l’amour divin qu’Il nous fait toucher à travers son infini pardon. Comment encore vouloir blesser un Dieu si bon? (Et comment appeler péché le mal que nous faisons sans le vouloir ?) Ainsi, rendre libre l’être humain, rendre sa liberté à l’être humain, le désaliéner, le désillusionner, le remettre dans la vérité, voilà l’œuvre de salut, voilà le fruit de l’Amour divin. Notre Dieu est celui qui épure à travers la souffrance l’être aimé, afin de pouvoir de nouveau venir se promener à ses côtés dans le jardin, à la brise du jour, comme au temps jadis, en un Éden retrouvé.
Non, l’auteur de Genèse, chapitre trois, versets 16 à 19, n’était pas sado-masochiste mais tout simplement, sublimement inspiré.
LES RÉFLEXIONS SONT JUSTES POUR LA PLUPART. MALHEUREUSEMENT, LE TRAVAIL COMPORTE DEUX GRANDES FAIBLESSES : (1) IL NE RÉPOND QU’À UNE QUESTION; (2) LA PLUS GRANDE PARTIE DU DÉVELOPPEMENT SE SITUE EN DEHORS DE LA QUESTION. IL FAUDRA DONC SAVOIR VOUS LIMITER À LA QUESTION PROPOSÉE; VOUS POURREZ ALORS RÉPONDRE À PLUS D’UNE QUESTION.
NOTE DU TRAVAIL : 24/30