Travail de missiologie – Par Jean Beauchemin et Johane Filiatrault. le 7 décembre 2007
1. Si l’on voulait que l’Évangile soit annoncé aux jeunes sans qu’il soit immédiatement rejeté, comment procéderiez-vous?
Sauf exception, les adolescents et jeunes adultes ne s’évangélisent pas par la proclamation de la Parole. Le besoin viscéral d’un jeune de bâtir sa propre identité à partir de son expérience et de son jugement personnels le rend non réceptif à un message qui lui dicterait une ligne de pensée ou une manière d’être ou de vivre. Il a besoin pour s’épanouir de vivre une exploration expérientielle des voies qui s’offrent à lui. Il a donc surtout besoin de modèles chrétiens cohérents, dans son environnement proche si possible; des personnes signifiantes pour lui, parent, ami, enseignant, etc. Il pourrait aussi s’agir de personnages historiques, contemporains ou non, qui ont marqué l’histoire par une attitude profondément humaine et spirituelle, Ghandi, Kalil Gibrant, Martin Luther King, Jean-Paul II, François d’Assise, Mère Thérésa, etc. Un jeune étant encore marqué par la folle espérance d’un monde rêvé, il est perméable à l’exemple de personnes qui vont ou qui sont allées au bout de leur rêve d’un monde meilleur.
Il nous faut donc vivre à proximité des jeunes, de sorte qu’on n’aie pas besoin de rendez-vous formel pour dire: à tel moment on parlera de l’Évangile. Il faut qu’à tout moment du quotidien, on puisse exprimer aux jeunes comment, personnellement, l’Évangile nous inspire les voies d’un monde meilleur, au moment où la question viendra naturellement sur le tapis. Il s’agit alors de se faire proche, un apostolat de présence souvent silencieuse mais amicale et fraternelle, aboutissant à une sorte de fraternité de sang, où le jeune va spontanément se tourner vers quelqu’un de plus expérimenté pour questionner, pour trouver réponse à ses angoisses existentielles.
2. Imaginez ensuite que vous atteignez vos objectifs, quelles transformations verriez-vous se produire suite à cette réception de l’Évangile?
On verrait d’abord augmenter chez le jeune son niveau d’ESPÉRANCE: il entreverrait une possible réalisation constructive de lui-même au sein du royaume spirituel instauré par le Christ. Cette nouvelle espérance transposée en actes concrets d’entraide ou de don de soi mènerait le jeune à expérimenter le soutien providentiel de Dieu, sa proximité et sa grâce, expérience qui ferait naître en lui la FOI. Ce sentiment sécurisant de se savoir aimé du Père, mêlé au besoin fondamental d’aimer et d’être aimé de tout être humain, le mènera à une remise de lui-même à ce mouvement d’AMOUR qui porte à s’ouvrir à l’autre, à laisser déborder vers l’autre le trop plein d’amour reçu et partagé. Il aura cessé d’être seul dans le hasard de l’univers pour s’ancrer solidement à une communauté humaine de frères et sœurs qui cheminent par les mêmes voies que lui, que cette communauté soit visible ou invisible – et de plus en plus souvent virtuelle, dans toute la richesse de ce terme dont le sens s’est élargi depuis l’arrivée d’internet. Virtuel, dont la racine signifie FORCE, et d’où le mot vertu prend sa source, est un terme qui gagne à être revisité étant donné le sens plutôt péjoratif que lui octroie un certain courant de pensée actuel. Par exemple, les communautés virtuelles créées entre les jeunes internautes les mènent à une fraternité internationale sans frontière ni division, le rêve ecclésial, quoi! Il nous reste à leur nommer ce qu’ils vivent : lors de ces échanges virtuels, ils réalisent l’Évangile en s’accueillant mutuellement dans leurs différences, ils vivent le message du Christ en partageant leurs richesses respectives.
Ils n’ont pas besoin qu’on leur dise comment vivre l’Évangile, mais plutôt que nous les aidions à prendre conscience de ce qui, dans leur culture de jeunes, est déjà l’Évangile en action, est déjà l’Esprit Saint en train de réaliser le dessein d’unité de Dieu sur l’humanité. Dans un tel contexte, le jeune n’est plus un auditeur de l’Évangile, mais un acteur en voie de réaliser le Royaume. C’est eux qui ont le dynamisme de poursuivre l’œuvre du Christ avec les moyens qui leur sont propres et qui sont des outils d’une puissance insoupçonnée, aptes à transmettre leur fougue et à allumer un grand feu sur la terre.